Dernière mise à jour à 08h48 le 08/05
"La nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l'histoire humaine", alerte un rapport sur la biodiversité, élaboré sous l'égide de l'ONU par un groupe de 145 experts venus de 50 pays, publié lundi.
Selon cette étude inédite, près d'un million d'espèces animales et végétales sont menacées d'extinction dans les décennies à venir. Les experts appellent à de véritables actions à l'échelle mondiale en vue de la COP15 sur la biodiversité qui se déroulera fin 2020 à Kunming (sud-ouest de la Chine).
Les conclusions du rapport de la Plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) sont sans appel : l'humanité est confrontée à la plus violente crise biologique depuis l'avènement de l'homme moderne.
De nombreuses études convergentes avaient déjà tiré la sonnette d'alarme à maintes reprises. Mais ce rapport de l'IPBES - qui se présente comme "le document le plus exhaustif réalisé à ce jour" - connaît un véritable retentissement mondial dans les médias comme au sein de populations de plus en plus conscientes de l'urgence écologique.
Des actions citoyennes et des appels à la désobéissance civile se multiplient d'ailleurs en Europe pour faire pression sur des gouvernements accusés d'"inaction climatique" ou même d'"écocide".
Réunis à Metz (est de la France) dans le cadre de la présidence française du G7, les sept pays les plus industrialisés de la planète (Etats-Unis, Canada, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France et Italie) ont signé lundi une charte de la biodiversité qui n'a cependant aucune valeur contraignante.
Dans ce contexte, la COP15 sur la biodiversité fait d'autant plus figure de rendez-vous incontournable pour les leaders mondiaux et la planète.
"La santé des écosystèmes dont nous dépendons, ainsi que toutes les autres espèces, se dégrade plus vite que jamais. Nous sommes en train d'éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier", a déclaré le président de l'IPBES, Robert Watson.
"Les preuves accablantes contenues dans l'évaluation globale publiée par l'IPBES et obtenues à partir d'un large éventail de domaines de connaissance présentent un panorama inquiétant", a-t-il insisté. Le taux d'extinction actuel est des dizaines, voire des centaines ou des milliers de fois supérieur à la moyenne des dix derniers millions d'années, affirme le rapport de l'IPBES.
Plus de 40% des espèces d'amphibiens, près de 33% des récifs coralliens et plus d'un tiers de tous les mammifères marins sont menacés, au moins 680 espèces de vertébrés ont déjà disparu à cause de l'action de l'homme depuis le 19e siècle, affirment les experts qui pointent du doigt cinq causes, toutes d'origine humaine : la destruction des habitats naturels, la surexploitation des ressources, le dérèglement du climat, les pollutions de toutes sortes et le développement d'espèces exotiques envahissantes.
Le document, accompagné d'une synthèse adressée aux responsables politiques du monde entier, a été adopté samedi par 132 pays au terme d'une séance plénière de l'IPBES, qui s'est tenue la semaine dernière à Paris.
Les experts mettent l'accent sur la question d'un mode de développement moins prédateur pour la nature et sur l'indispensable financement - et sa juste répartition entre pays riches et pauvres - qui doit être alloué à la préservation et à la restauration de la biodiversité.
Aujourd'hui, quelque 8 milliards d'euros par an y sont affectés au niveau mondial. Il en faudrait entre 200 et 300 milliards chaque année, avance l'organisme intergouvernemental créé en 2012.
Le rapport souligne d'autre part que, depuis 1980, les émissions de gaz à effet de serre ont été multipliées par deux, provoquant une augmentation des températures moyennes mondiales d'au moins 0,7 degré Celsius.
Le changement climatique a déjà un impact sur la nature, depuis le niveau des écosystèmes jusqu'à celui de la diversité génétique - un impact qui devrait augmenter au cours des décennies à venir.
En 2010, lors de la Conférence sur la diversité biologique à Aichi, au Japon, les leaders politiques s'étaient fixés des objectifs ambitieux qui sont bien loin d'être atteints. La COP15 sur la biodiversité prévue à Kunming apparaît incontestablement comme un rendez-vous crucial.
"Nous avons encore les moyens d'assurer un avenir durable aux êtres humains et à la planète", estiment les scientifiques de l'IPBES. Mais pour cela s'impose un "changement fondamental à l'échelle d'un système, qui prend en considération les facteurs technologiques, économiques et sociaux", écrivent-ils dans leur communiqué.
Les chercheurs insistent sur la nécessité "d'une réforme majeure de l'économie, avec des contrôles très forts", notamment des "systèmes financiers". "Les intérêts particuliers doivent être dépassés pour le bien de tous", résument-ils.