Jamais des élections, législatives, communales, régionales ou même présidentielle ne soulèvent autant de passion, animent autant des débats dans la société djiboutienne, et portent autant de rêve de changement.
Certes les élections législatives du 22 février dernier étaient historiques avec l'introduction d'une dose de proportionnelle et l' entrée pour la première fois au parlement de l'opposition djiboutienne. Mais elles furent également très particulières pour avoir scindé en deux blocs distincts la rue djiboutienne : un premier bloc qui aspire à la continuité et un autre aux changements.
"Il faut comprendre une chose. Ces élections ont eu lieu avec en toile de fond deux contextes très particuliers : le printemps arabe et la crise économique mondiale. Le premier a soufflé un vent violent de changements dans une bonne partie des plus grands pays arabes, comme la Tunisie, l'Egypte où encore la Libye, et ces grandes nations arabes peinent encore à repartir sur des bons rails. Le second, qui est la crise économique mondiale, est interprété comme le résultat d'une mal-gouvernance, et vient ainsi renforcer le vent du changement soufflé par le premier, c'est-à- dire le printemps arabe", explique Ali Issa, analyste politique djiboutien.
"C'est ce contexte dopé ensuite par l'introduction d'une dose de proportionnelle de 20% et le regroupement de l'opposition dans une seule plateforme qui a fait que les élections législatives du 22 soient un tournant décisif dans le processus de développement de la jeune démocratie djiboutienne, avec un égard seulement de 1, 72% entre l'alliance au pouvoir et la coalition de l'opposition dans Djibouti-ville qui est la plus grande circonscription électorale. Une première au pays", a-t-il dit ajouté.
Pour le directeur du journal indépendant Googa, M. Abdourazak Ali, les résultats provisoires de ces élections viennent confirmer l'attachement du peuple djiboutien au programme de l'alliance au pouvoir.
"Vous savez, malgré les manoeuvres politiciennes de la pseudo opposition qui a trouvé rentable d'exploiter les desseins alimentaires d'une poignée d'extrémistes religieux pour soulever le peuple contre l'Union pour la Majorité Présidentielle, et mettre à néant tout le processus de développement de Djibouti depuis son indépendance, en sacrifiant la République sur l'autel de la Religion, le peuple djiboutien a affiché sa maturité et a renouvelé sa confiance à l'UMP du président Ismail Omar Guelleh. C' est cela qu'il faut retenir en premier des résultats de ce scrutin", a-t-il fait savoir.
L'entrée pour la première fois dans l'arène politique du mouvement des Frères Musulmans djiboutien dont le parti, Mouvement pour la Démocratie et la Liberté (Model) n'a pas été légalisé par les autorités compétentes, il y'a deux mois, et qui ont rejoint par la suite la plateforme de l'opposition, a changé pour beaucoup toute la donne de ces élections.
Dans un pays comme Djibouti où la population est à 100% de confession musulmane, l'influence des personnalités religieuses est d'une rare importance. Elles sont respectées et écoutées. Leurs paroles portent le sceau divin.
"Pour la première fois dans l'histoire de notre pays, les plus grands cheikhs de Djibouti ont rejoint l'opposition et ont appelé les Djiboutiens à les suivre en dénonçant les dérives du régime en place. Durant toute la campagne, les grandes figures religieuses du pays étaient en première ligne. Si l'opposition a mobilisé à chacun de ses meetings un raz-de-marée sans précédent, c'est bien évidemment due à l'appel des cheikhs et cela démontre aussi la place qu'ils ont dans le coeur des Djiboutiens", précise pour sa part un cadre djiboutien qui a voulu garder l'anonymat.
Une chose est sûre : la force de mobilisation des religieux a été indéniablement capitale durant ce scrutin. Mais explique-t- elle à elle seule toute la particularité de ces élections ? La réponse divise la rue djiboutienne autant que les résultats du scrutin lui-même.