Une alternative aux partenariats traditionnels entretenus depuis les indépendances avec les ex-puissances tutélaires occidentales qui sont aujourd'hui à la bourre après avoir perdu le contrôle de territoires vassaux importants, la coopération en essor entre l'Afrique et les émergents dont la Chine est promue à un bel avenir, selon des avis multiples dans ce continent noir.
Des administrations publiques nationales à la Commission de l'Union africaine (UA) à Addis-Abeba en Ethiopie en passant par les cercles de réflexion universitaires et des organismes de recherche scientifique, les regards convergent vers les "nouveaux amis" de l'Afrique, comme les désigne-t-on par affection, dont l'action se distingue par des investissements abondants servant à booster le développement économique d'un continent resté à la traîne de l'évolution du monde.
Routes, ports, aéroports, barrages, hydrocarbures, mines, agriculture, etc. : le groupe de pays dits émergents constitué du Brésil, de la Russie, de l'Inde, de la Chine et de l'Afrique du Sud et désigné sous le vocable de BRICS, dans une approche fort appréciée qui rappelle assez opportunément le système de troc qui anima autrefois les échanges commerciaux internationaux, n'épargne aucun secteur d'activités qui touche à l'amélioration des conditions de vie des populations africaines.
"La coopération avec les BRICS est une alternative par rapport à l'hégémonie des autres formes de coopération habituelles avec les autres puissances, une alternative de par son contenu, son orientation et ses acteurs", résume l'universitaire camerounais Claude Abé, enseignant à l'Université catholique d'Afrique centrale (Ucac) à Yaoundé.
Du point de vue du contenu et des orientations, cette coopération, de l'avis du sociologue politique, "n'est pas adossée sur un certain nombre d'injonctions. C'est une coopération qui est plus ou moins horizontale, d'ailleurs qui va permettre aux anciennes puissances de réinventer leur coopération. Il n'y a qu'à voir l'orientation de la coopération américaine, qui dit le commerce, pas l'aide".
Au Cameroun, les autorités comptabilisaient en 2012 un volume de 900 milliards de francs CFA en matière des investissements issus de ces pays. Devenue la principale origine des importations de ce pays d'Afrique centrale, la Chine fournit l'essentiel de ces financements qui s'opèrent dans des projets d4envergure tels les chantiers du port en eau profonde de Kribi (Sud), du barrage hydroélectrique de Memve'ele (Sud), de la centrale hydroélectrique de Mekin (Sud) ou de l'autoroute Douala-Yaoundé.
Hormis par ailleurs des routes, cette coopération a permis aussi d'accroître les capacités de production d'eau potable à Douala, la métropole économique du pays, et de relever depuis notamment 2012 le niveau de production pétrolière grâce à la découverte et à la mise en exploitation par des opérateurs chinois agréés de nouveaux gisements au moment où nombre d'anciens projets étaient arrivés à épuisement, causant une baisse de production nationale.
Directeur du département des infrastructures et de l'énergie de la Commission de l'UA, Aboubakari Baba Moussa, interrogé par Xinhua lors du dernier sommet de l'organisation panafricaine fin janvier à son siège de la capitale éthiopienne, se félicite d'une coopération "en général dynamique, (qui) se concrétise par la fourniture de services et des équipements d'infrastructures sur le terrain. Et en échange, nos pays facilitent l'accès à nos matières premières, particulièrement à un pays comme la Chine dont le développement nécessite d'immenses matières premières, en pétrole, en fer, en uranium, en bauxite...".
Dans un train de mesures comportant en outre des franchises douanières à l'égard des exportations africaines en Chine, le président chinois Hu Jintao a annoncé, à la suite d'autres actions similaires précédentes, lors de la quatrième conférence ministérielle du Forum sur la coopération sino-africaine (Focac) en juillet 2012 à Beijing, la mise à disposition d'une aide sans conditions de 20 milliards USD pour soutenir le développement des infrastructures en Afrique.
De facto, le sommet des BRICS prévu les 26 et 27 mars à Durban en Afrique du Sud polarise l'attention sur le continent. Pour le Pr. Claude Abé, "ce qui important dans la coopération des Brics, c'est qu'elle invente les pays comme acteurs et non plus simplement sujets, dans le sens du rapport de domination. Mais, sa place reste encore marginale, comparée à la coopération classique qui se déroule entre les puissances anciennement tutélaires et les anciennes colonies".
Aux yeux de Baba Moussa, cette marginalisation évoquée est compréhensible, "parce que cette coopération vient de se mettre en place. Elle est passée d'abord sur le plan bilatéral, mais aujourd'hui on voit bien qu'on s'organise sur le plan institutionnel. Il n'y a pas de doute, toutes les coopérations ont maintenant une plateforme de mise en place, le FOCAC, la TICAD, etc. Evidemment, nous aussi on a mis du temps à se préparer pour nous doter de stratégies claires. En tout cas pour ce qui est des infrastructures, ce n'est qu'en 2010 que nous avons fini par boucler".
Pour autant, la coopération apportée par les BRICS vis-à-vis de l'Afrique jouit d'un avantage comparatif qui, de l'avis d'Abé, découle du fait que "beaucoup de pays du Sud vivent mal les injonctions occidentales et les interférences occidentales dans leurs affaires intérieures". Par conséquent, estime l'universitaire, "c'est une coopération qui a un bel avenir devant elle et qui demande tout simplement à se restructurer davantage".
A l'Union africaine, son apport est attendu pour permettre la réalisation des 51 projets prioritaires du Programme de développement des infrastructures en Afrique (PIDA) qui prévoit de doter le continent de réseaux routiers, ferroviaires et électriques interconnectés d'une région à une autre et d'un pays à un autre pour pouvoir réaliser l'objectif d'intégration économique et d'accroissement du commerce intra-africain.
Par Raphaël MVOGO