La piraterie maritime, qui fait déjà perdre 2 milliards USD chaque année aux pays du golfe de Guinée, constitue en plus une menace pour la stabilité économique et politique de cette région, a indiqué le Pr. Joseph Vincent Ntuda Ebodé, coordonnateur du Centre de recherches et d'études politiques et géostratégiques de l'université de Yaoundé II-Soa au Cameroun.
La piraterie maritime « a déjà entraîné une forte diminution de la fréquentation des ports de la zone », a précisé l'universitaire camerounais lors d'un symposium international tenu en prélude au sommet des chefs d'Etat et de gouvernements de l'Afrique centrale et de l'Ouest sur la sûreté et la sécurité maritimes dans le Golfe de Guinée ouvert lundi dans la capitale camerounaise.
Par exemple, le Bénin dont l'économie est fortement dépendante du port de Cotonou et où l'activité portuaire pèse pour presque 70 % d'un produit intérieur brut (PIB) évalué à environ 7, 5 milliards USD, connaît une baisse drastique de ses recettes du fait de cette activité illicite.
A cause de ce phénomène qui de plus en plus utilise des moyens et des méthodes sophistiqués, le Nigeria, premier producteur de pétrole brut en Afrique subsaharienne avec une production estimée à près de 2 millions de barils par jour, perd près de 7 % de ses revenus pétroliers.
De surcroît, note Pr. Ntuda Ebodé, la piraterie maritime induit une augmentation des primes d'assurances des cargaisons, ainsi que des coûts supplémentaires pour les transporteurs obligés de s'attacher les services des sociétés de sécurité ou liés aux itinéraires rallongés pour échapper aux pirates et au versement de rançons.
Mais il n'y a pas que l'économie des pays pour pâtir de la piraterie maritime, qui impacte aussi sur leur stabilité politique. En raison de l'incapacité à contrôler leurs eaux territoriales ou à circonscrire l'activité de groupes rebelles en quête d'argent pour s'équiper et pouvoir faire entendre leurs revendications politiques, certains Etats sombrent dans une instabilité politique.
Le cas le plus emblématique est celui du Mouvement pour la libération du Delta du Niger, qui multiplie attaques et enlèvements de personnes pour faire pression sur les groupes pétroliers et le gouvernement nigérian.
Productrice de près de 40 % du pétrole consommé en Europe et 29 % de la consommation des Etats-Unis, la région du golfe de Guinée est propice aux luttes d' «intérêt croissant des consommateurs internationaux, aux antagonismes étatiques et aux menées contestataires des populations riveraines»,estime Pr. Saibou Issa, autre universitaire camerounais.
Ce qui, observe Pr. Ntuda Ebodé, conduit à une forte militarisation de la région par les forces étrangères, notamment des Etats-Unis qui ont signé des accords avec le Cameroun, le Gabon et la Guinée équatoriale en vue d'une utilisation ponctuelle de leurs installations aéroportuaires par les forces américaines.