Dernière mise à jour à 08h35 le 24/05
Après deux semaines de concertations houleuses, la majorité présidentielle et l'opposition démocratique au Tchad sont parvenues à mettre sur pied un nouveau Cadre national de dialogue politique (CNDP).
Les tractations ont débuté le 8 mai. Ayant réuni plus de deux cents présidents et secrétaires généraux de partis politiques dans son palais, le chef de l'Etat Idriss Déby Itno, garant du dialogue politique, leur a fait part de l'urgence de restaurer le CNDP, "un cas d'école unique en Afrique".
Mais le CNDP, dans sa version antérieure (onze membres de la majorité, onze autres de l'opposition et cinq de la société civile) a été fortement critiqué par les acteurs politiques (surtout de l'opposition), tant sur son fonctionnement que sur son bilan. Aussi a-t-il décidé de le ramener aux seuls acteurs politiques, mais en gardant toujours la parité: quinze membres de chaque côté.
A l'issue de cette première rencontre, le chef de l'Etat a convié les deux bords à mener des consultations en leur sein et de revenir, dans une semaine, avec deux listes distinctes comportant chacune quinze noms.
Le 15 mai, à la seconde réunion, la majorité présidentielle et l'opposition sont revenues avec les listes demandées. Mais à la lecture nominative des deux listes par le président Déby Itno, de fortes contestations ont fusé de toutes parts. Tant et si mal que le chef de l'Etat a dû mettre fin à la rencontre et renvoyer les deux camps. Il les a exhortés à procéder par vote pour désigner leurs représentants au CNDP. Rendez-vous a été pris pour le 21 mars à l'effet d'adouber les trente personnalités devant siéger au CNDP.
Ce lundi, plus de 200 chefs de partis se sont donc retrouvés à nouveau au Palais rose, siège de la présidence. La majorité est venue avec les noms de ses représentants sur lesquels il y a eu un consensus depuis le 18 mai. Sur sa liste dévoilée par le chef de l'Etat, figurent le secrétaire général du Mouvement patriotique du salut (MPS, au pouvoir depuis 1990), Mahamat Zen Bada, l'ancien Premier ministre Pahimi Padacké Albert, ainsi que les anciens ministres Mahamat Allahou Taher, Hamid Mahamat Dahalop, Mme Fatimé Issa Ramadan, Hassan Ahmat Patcha et Kosmadji Merci qui dirigent des partis alliés au pouvoir, ou encore Malloum Djéraki Yoboïdé, arrivé 6ème à la présidentielle du 10 avril 2016 avec 1,81% des suffrages exprimés.
S'il y a eu consensus au sein de la majorité, les divisions ont refait surface quand la liste présentée par le chef de file de l'opposition, Saleh Kebzabo, a été rendue publique. Plusieurs chefs de partis de l'opposition l'ont contestée, la jugeant "pas consensuelle" et "biaisée". "Tout le monde ne peut pas être dans le CNDP, mais personne ne peut prendre son mal en patience", a déploré M. Kebzabo qui a tenté en vain de resserrer les rangs.
Le président Déby a exhorté le chef de l'opposition à revoir sa liste pour satisfaire le plus grand nombre en privilégiant la justice et le consensus. "Il faut que les choses soient calées de sorte qu'il n'y ait pas de mécontentement et que tout le monde se sente concerné et participe à l'expression plurielle de la démocratie dans notre pays", a-t-il indiqué.
Réunis mardi soir autour du chef de l'Etat, pour leur quatrième round de négociation, les 68 présidents et secrétaires généraux de l'opposition ont fini par s'accorder sur une liste commune. On y trouve notamment Saleh Kebzabo, ainsi que les trois autres candidats à la dernière présidentielle Mahamat Ahmat Allabo, Mbaïmong Nguedmbaye Brice, Abdoulaye Mbodou Mbami et le député Romadjingar Félix Nialbé. Des voix discordantes se sont élevées une nouvelle fois, mais la raison politique a fini par emporter sur des calculs mercantiles.
"Le CNDP actuel n'est pas la fin du monde. C'est le début d'un nouveau processus. Des ouvertures dans lesquelles l'on pourra se positionner, se placer et se replacer sont encore nombreuses. Il ne faut pas qu'on se comporte comme si c'est la seule porte d'entrée au paradis", a déclaré M. Kebzabo, avant d'appeler ses camarades de l'opposition à la compréhension et au dépassement de soi.
Les trente membres du CNDP seront installés au cours d'une cérémonie officielle prévue ce jeudi au palais présidentiel. Ils devront ensuite se mettre immédiatement au travail. Leur mission: redéfinir, de manière consensuelle, le cadre juridique des futures échéances électorales, avec notamment l'élaboration et l'adoption d'un nouveau code électoral. La nouvelle Constitution, promulguée le 4 mai, a en effet apporté d'importantes réformes institutionnelles et politiques.
Le président Déby Itno avait annoncé la tenue de nouvelles élections législatives en novembre 2018. Elles seront suivies des élections locales. Autant d'échéances que le Tchad, confronté à une grave crise financière depuis 2014, ne pourra tenir sans l'aide de la communauté internationale.