Dernière mise à jour à 08h40 le 10/03
Que sont les "deux sessions" chinoises? Si cette question était posée aux passants dans les rues de Paris, leur réaction serait probablement : "Quel terme étrange!". Mais pour les francophones de Beijing, les "deux sessions" annuelles sont un événement incontournable.
Pendant les quinze premiers jours de mars chaque année, l'Assemblée populaire nationale (APN), l'organe législatif suprême de la Chine, et la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC), l'organe de conseil politique suprême du pays, se réunissent séparément pour examiner les travaux du gouvernement et discuter des politiques et des lignes directrices relatives aux affaires économiques et sociales du pays. De nombreuses suggestions et propositions sont également présentées par les députés et les conseillers politiques.
En tant que présentateur, Yves Mouillet travaille pour la chaîne francophone de CCTV, la télévision nationale de Chine. Lors des "deux sessions" de 2013, il avait fait un reportage montrant les problèmes du système de santé publique chinois vus par un étranger, allant jusqu'à faire la queue dès 7 heures du matin comme les patients chinois pour obtenir "un numéro de consultation" dans un hôpital très fréquenté de Beijing.
Avant d'interviewer le directeur de l'hôpital, le présentateur s'est plaint, comme la plupart des patients, des queues interminables, du temps extrêmement court réservé aux patients et du bruit. Le responsable, qui a étudié en France et connaît donc parfaitement le système de santé français, a donné des explications du point de vue des gestionnaires et des médecins. Au fil de ses échanges avec le directeur, Yves Mouillet a appris que le nombre de patients qu'un médecin chinois doit recevoir en une journée est nettement supérieur à celui d'un médecin français.
"Le dialogue avec le responsable de l'hôpital m'a permis de me rendre compte que la mise en place de réformes prend du temps. A mon avis, une dizaine d'années sera nécessaire à la Chine avant de disposer d'hôpitaux suffisamment nombreux. De multiples progrès ont déjà été accomplis, il faut continuer dans cette voie" , résume-t-il.
La réforme du système de santé publique a été l'un des sujets centraux des "deux sessions" ces dernières années. A travers le reportage qu'il a fait à l'occasion des "deux sessions" , Yves Mouillet a pu mieux comprendre le défi qui se pose à la Chine et découvrir un aspect de la société chinoise.
Pendant les "deux sessions" , de nombreuses suggestions et propositions sont présentées par les députés et les conseillers politiques. De nombreuses politiques ont été élaborées sur la base de ces suggestions et propositions en vue de promouvoir la croissance économique et d'améliorer l'administration sociale en Chine.
Gérald Ciolkowski, expert français de l'Agence de presse Xinhua (Chine nouvelle), s'est dit vraiment impressionné par le nombre de députés de l'APN: 3.000.
En Chine, Gérald Ciolkowski a été marqué par l'importance du téléphone portable et du réseau social Wechat pour rester en contact avec ses amis, mais aussi pour effectuer des transactions en ligne. Le commerce en ligne est donc l'un des sujets les plus intéressants, selon lui, dans le cadre des "deux sessions" de cette année.
"Le gouvernement chinois souhaite faire du e-commerce un moteur de croissance du pays et met en place de nouveaux règlements", a-t-il souligné.
Pour Pierre Barroux, diplomate et chef d'entreprise français, "les 'deux sessions' annuelles sont aussi un bon baromètre de l'état du pays, notamment les conversations des dirigeants avec les délégations des provinces et municipalités". Lorsqu'il était ministre-conseiller de l'Ambassade de France en Chine entre 1994 et 1997, Pierre Barroux avait été invité à l'ouverture et à la clôture des "deux sessions".
"Cette année, après la réunion à Paris de la COP21, il sera sans doute beaucoup question de la nécessaire lutte contre la pollution et de l'efficacité énergétique: ce sont des domaines d'excellence de la technologie française, et donc c'est une chance pour le développement de la coopération entre nos deux pays" , a-t-il estimé.
Pour les journalistes chinois francophones, les "deux sessions" sont un événement particulier. Wang Botao, reporter, producteur et présentateur de la chaîne francophone de CCTV, a été plusieurs fois accrédité pour les sessions plénières au Grand Palais du Peuple, haut lieu de la politique chinoise
Il a produit une série intitulée "L'ABC des 'deux sessions'", des mini-dialogues instructifs entre une présentatrice française et lui-même.
"Quand je présentais les 'deux sessions' aux téléspectateurs étrangers, je me suis rendu compte qu'il était nécessaire de commencer par les notions basiques. Par exemple, si nous n'avons pas besoin de faire mémoriser à nos téléspectateurs le nombre exact des députés et conseillers politiques qui se déplacent chaque année à Beijing pour les sessions, au moins, après avoir vu nos émissions, ils doivent savoir que ça se situe à quelques 5.000 au total, dont environ 3.000 députés. Les téléspectateurs français peuvent ensuite comparer ce chiffre aux quelque 500 sièges à l'Assemblée française pour avoir une idée plus claire de la dimension des événements", a-t-il expliqué.
Lors des "deux sessions", les médias occidentaux semblent s'intéresser seulement aux changements de personnel à haut niveau, en particulier au sein de la direction suprême de la Chine. Mais ils négligent les vraies fonctions des "deux sessions" : la législation et les discussions sur les sujets concernant la vie quotidienne des Chinois, a déploré Zheng Ruolin, journaliste, écrivain et traducteur chinois, qui a travaillé à Paris pendant plus de vingt ans.
"Pour les Chinois, les 'deux sessions' sont une bonne occasion d'observer l'orientation du développement social de la Chine. Ils suivent de près presque tous les sujets des 'deux sessions', notamment des problèmes et des solutions", a-t-il indiqué.
Depuis les JO de Beijing 2008, de plus en plus de Français s'intéressent au développement de la Chine. "M. Xavier Walter, auteur du livre La Chine rouge, m'avait dit que les 'deux sessions' étaient une fenêtre pour observer la Chine", a-t-il ajouté.
(Par Tang Ji et Huang Han)