Dernière mise à jour à 13h53 le 06/06
Le quotidien singapourien The Straits Times a récemment publié un article d'un de ses anciens rédacteurs en chef qui épingle les positions américaines envers la mer de Chine méridionale et la vraie nature des "opérations de liberté de navigation" qu'elle y mène.
L'article de Leslie Fong, haut responsable des éditions Singapore Press Holdings et ex-rédacteur en chef du Straits Times, prend la forme d'une lettre ouverte d'une certaine Mlle Oh Beigong, fille d'un pêcheur de Taïwan, à l'amiral Harry Harris, chef du Commandement américain du Pacifique (PACOM).
Ce mail, en copie au secrétaire américain à la Défense Ashton Carter, au secrétaire américain à la Marine Ray Mabus et au Premier ministre japonais Shinzo Abe, "félicite" Harris pour les récentes opérations menées dans cette mer par le destroyer lance-missiles USS William P. Lawrence.
Violant clairement la souveraineté chinoise, ce bâtiment de classe Arleigh Burke a été envoyé croiser le 10 mai dernier à l'intérieur des 12 milles nautiques de l'île Yongshu Jiao (Iles Nansha). Ceci s'est fait sans permission et au nom de ce que la seule superpuissance du monde qualifie de "droit à la liberté de navigation", invoquant le droit de passage "inoffensif" stipulé aux articles 18 et 19 de la Convention des Nations Unies sur le droit maritime (CNUDM).
Il va sans dire qu'un tel acte, comme d'autres effectués l'an dernier et depuis le début de cette année, engendre des risques de collision, comme celle dans les airs en 2001 qui a coûté la vie à un pilote chinois.
"Faire étalage de sa virilité est une chose, tirer sur la corde en est une autre", écrit Mlle Oh. "Soyons sérieux : les Etats-Unis jouent avec le feu en asticotant la Chine de façon répétitive. Et pourquoi devrions-nous en payer le prix alors que les Etats-Unis n'ont pas réellement le droit pour eux? En tant qu'homme réfléchi, n'éprouvez-vous pas une gêne lorsque votre pays ne cesse de pointer du doigt les Chinois dans ces différends maritimes?".
L'amiral Harris "sait mieux que quiconque sur cette planète que les Etats-Unis sont incapables de citer un seul exemple où la Chine a nié cette liberté de navigation ou qu'elle ait même menacé de le faire", poursuit la lettre.
"Bien entendu, Washington va esquiver -après tout, pourquoi laisser les faits gâcher une bonne excuse?- et répondre qu'il ne peut pas ne pas réagir aux revendications chinoises en mer de Chine méridionale qui s'appuient sur la célèbre ou tristement célèbre ligne en neuf traits", poursuit Mlle Oh.
Et de s'étonner ainsi des accusations américaines selon lesquelles la Chine va militariser ces îles pour y projeter ses forces, donc de menacer la région : "Euh, venant d'un officier général d'un pays opérant quelque 800 bases ou installations militaires dans plus de 60 pays dans le monde, dont plusieurs virtuellement aux portes de la Chine, c'est, monsieur, un peu fort!".
Avec 11 groupes aéronavals croisant autour du globe, "chacun doté d'une puissance de feu capable de ramener les 4/5e des pays du monde à l'Age de pierre, les Etats-Unis ont clairement affiché leur intention d'empêcher quiconque de contester leur puissance et leur suprématie, poursuit la lettre.
En outre, Washington semble avoir oublié cette "vérité dérangeante" que d'autres pays qui sont partie prenante aux différends en mer de Chine méridionale ont eux aussi mené des activités violant plusieurs accords multilatéraux.
"Je sais, je sais : les Etats-Unis n'ont pas l'habitude d'admettre qu'ils ont tort ou qu'ils pourraient être en tort. C'est pourquoi ils n'ont formulé aucune excuse pour avoir envahi l'Irak sous prétexte d'y démanteler un arsenal non-existant d'armes de destruction massive...", poursuit Mlle Oh en demandant à Washington d'arrêter d'invoquer les grands principes et le droit international.
Elle recommande ainsi à l'US Navy d'envoyer des bâtiments à l'intérieur des 12 milles nautiques d'un atoll en mer des Philippines que le Japon appelle Ile Okinotori et dont il revendique la possession. Tokyo utilise cet atoll -qui n'est pas une île- pour établir une zone économique exclusive de 200 milles nautiques plus grande que le Japon lui-même et qui est contestée par d'autres pays.
"Alors s'il vous plaît, cher amiral, envoyez-y le William P. Lawrence et laissez quelques-uns de ses marins pêcher près de l'atoll. Alors tous ceux qui regardent d'un oeil soupçonneux vos douteuses opérations de liberté de navigation en mer de Chine méridionale vous applaudiront", conclut la lettre.