Dernière mise à jour à 10h30 le 12/07
Dans une interview exclusive accordée à Xinhua à Dakar, le ministre sénégalais des Affaires étrangères Mankeur Ndiaye préconise le dialogue entre les pays concernés pour résoudre le différend sino-philippin en mer de Chine méridionale.
Il estime par ailleurs que le sommet du Forum sur la coopération sino-africaine, tenu les 4 et 5 décembre 2015 à Johannesburg, en Afrique du Sud, "a ouvert une nouvelle dynamique et de nouvelles perspectives de coopération multiforme et mutuellement avantageuse entre la Chine et ses partenaires africains".
Il salue également "l'excellente qualité" des relations diplomatiques entre la Chine et le Sénégal ainsi que le niveau élevé de la coopération entre les deux pays.
Voici le texte intégral de l'interview :
XINHUA: en décembre 2015, le sommet du Forum sur la coopération sino-africaine a eu lieu à Johannesburg en Afrique du Sud. Lors de ce sommet, le président chinois Xi Jinping a annoncé "dix programmes de coopération prioritaires" pour stimuler la coopération sino-africaine dans les trois ans à venir. Cette année, en juillet, une conférence de coordinateurs pour la réalisation des résultats de ce sommet se tiendra à Beijing. Comment évaluez-vous les résultats de ce sommet et qu'est-ce que vous attendez de la mise en oeuvre des résultats de ce sommet au Sénégal ?
Mankeur Ndiaye : le Sommet sur la coopération sino-africaine a ouvert une nouvelle dynamique et de nouvelles perspectives de coopération multiforme et mutuellement avantageuse entre la Chine et ses partenaires africains. Réaffirmant sa volonté d'accompagner le continent africain dans ses programmes prioritaires notamment les infrastructures, l'agriculture, les finances, le développement durable, la réduction de la pauvreté, la santé publique, la qualification professionnelle, la Chine a décidé durant ce sommet de dégager une enveloppe de 60 milliards de dollars destinée à financer, dans les trois années à venir, dix programmes qui épousent les contours des grandes priorités du continent.
Ces programmes contribueront au renforcement et à la consolidation de la coopération gagnant-gagnant sur le plan économique mais aussi des échanges mutuels sur le plan culturel et de la solidarité.
Lors de ce sommet, Monsieur le président de la République (Macky Sall) a rappelé l'ancienneté des relations de coopération entre la Chine et l'Afrique et salué leur dynamisme et leur caractère mutuellement bénéfique. Il a également réaffirmé, avec force, l'attachement sans faille du Sénégal aux valeurs et principes qui fondent ses relations avec la Chine. Des relations sincères, égalitaires, de solidarité et de confiance mutuelle, gages d'un développement inclusif et d'une coopération pratique.
La mise en oeuvre des retombées du Sommet sino-africain de décembre 2015 aura l'effet de faire bénéficier à notre économie aussi bien des flux liés à l'Aide publique au développement (APD), aux investissements directs étrangers (IDE) qu'à ceux issus de mécanismes de financements innovants.
XINHUA: en mai dernier, M. Yang Jiechi, conseiller d'Etat chinois chargé de la diplomatie, a effectué une visite officielle au Sénégal, couronnée de plein succès. Ces derniers temps, de grands projets de coopération sino-sénégalaise, y compris l'autoroute Thiès-Touba, l'autoroute AIBD (Aéroport Blaise Diagne)-Mbour-Thiès et le Complexe sportif multifonctionnel, etc. ont successivement connu des avancées remarquables. Comment appréciez-vous la coopération sino-sénégalaise au présent ?
Mankeur Ndiaye : tout d'abord, permettez-moi de saluer, à sa juste valeur, l'excellente qualité des relations diplomatiques entre la Chine et le Sénégal ainsi que le niveau élevé de la coopération entre nos deux pays, installée dans une bonne dynamique depuis la visite que Monsieur le président de la République a effectuée à Beijing en février 2014.
Sur une échelle de valeur des relations diplomatiques ordinaires que peuvent avoir les deux pays, nous pourrions situer les rapports sino-sénégalais à un niveau de "partenariat amical et de coopération durable". Nous travaillons également, sous la houlette du chef de l'Etat, SEM Macky Sall, à hisser à un palier encore supérieur ces relations de partenariats fondés sur une confiance mutuelle au plus haut niveau.
C'est dans ce cadre que s'est inscrit la récente visite de M. Yang Jiechi, ainsi que toutes les visites qui se sont déroulées à Pékin et à Dakar. Durant le riche séjour de M. Yang dans notre pays, nous avons tenu une séance de travail présidée par Monsieur le Premier ministre et à laquelle ont pris part les ministres ayant en charge des dossiers en cours dans le cadre de la coopération chinoise. Après cette réunion qui a servi à faire le point sur notre coopération, il a été reçu par le chef de l'Etat.
La Chine est un partenaire stratégique du Sénégal et elle est présente dans tous les secteurs de la vie socio-économique du pays. Il faut le souligner, les autorités chinoises ont à coeur d'accompagner le président de la République dans son ambition de faire du Sénégal un pays émergent, déclinée à travers le Plan Sénégal Emergent (PSE).
Rien qu'au titre de la coopération économique et financière, les concours chinois au bénéfice de notre pays portant sur les secteurs de l'agriculture, de la culture, du sport, de la santé, de l'éducation et du transport (équipement) s'élèvent en moyenne à 80 milliards de FCFA par an.
Cette bonne santé de la coopération est matérialisée par la mise en oeuvre de plusieurs grands projets dont l'autoroute Thiès-Touba, celle reliant AIBD aux villes de Thiès et Mbour, la construction du Musée des civilisations noires qui vient d'être achevée ainsi que le lancement des travaux du Complexe sportif multifonctionnel avec une arène nationale de lutte. Ces édifices viennent s'ajouter au Grand théâtre national.
Donc nous pouvons dire qu'il y a eu beaucoup d'acquis et plusieurs projets en cours d'instruction. A ce titre, il y a le projet de construction du pont de désenclavement de Foundiougne, la plateforme de passage au numérique avec le projet de large bande nationale, le renouvellement du parc des camions poids lourds, la centrale hydroélectrique de Sambangalou.
De la même manière nous pouvons dire que les perspectives de coopération sont bonnes.
En début d'année, Monsieur le président de la République a identifié quatre projets comme étant des projets prioritaires, notamment la réalisation des forages du Programme d'urgence communautaire (PUDC), la construction de la deuxième phase du parc industriel de Diamniadio, la modernisation de la pêche artisanale, le projet Smart Sénégal d'interconnexion des réseaux d'informations dans les villes et les campagnes.
XINHUA : la Chine et le Sénégal maintiennent depuis toujours une bonne coordination sur de nombreuses questions. Ces derniers temps, la question de la mer de Chine méridionale attire de plus en plus l'attention à cause de la démarche unilatérale des Philippines visant à soumettre cette question à un arbitrage international. Quelle est la position du Sénégal à ce sujet ?
Mankeur Ndiaye : Effectivement, entre la Chine et le Sénégal il y a un dialogue politique constant qui permet à nos deux pays de bâtir un consensus autour de la coopération, de s'accorder un soutien mutuel à l'international, mais également de coordonner notamment la lutte contre la pauvreté, les changements climatiques, la lutte contre le terrorisme, la préservation de la paix et de la sécurité internationale, le financement du développement entre autres.
Relativement à la mer de Chine méridionale, il faut souligner que la Chine et les Philippines ont abouti à un consensus sur le règlement des différends en mer de Chine méridionale par voie de négociations et de concertations.
Le Sénégal promeut les relations de bon voisinage et voudrait, à ce titre, appeler les pays concernés à respecter leur consensus et à privilégier le dialogue en mettant en oeuvre une solution concertée à ces différends, mais aussi d'avoir à l'esprit l'impérieuse nécessité de préserver la paix et la sécurité en mer de Chine méridionale.
Enfin, conscient du rôle de l'eau dans la préservation de la paix dans le monde, le Sénégal compte promouvoir le concept d'hydro-diplomatie, qu'il entend introduire au Conseil de sécurité, en novembre à l'occasion de sa présidence de cet organe, en vue d'appeler la communauté internationale à privilégier le dialogue et la coopération pour régler tous les différends liés à l'eau et instaurer une ère de collaboration fructueuse autour des ressources hydriques.