Dernière mise à jour à 09h38 le 07/05
Engluée dans un scandale d'inconduite sexuelle, l'Académie suédoise n'attribuera pas le prix Nobel de littérature en 2018, a annoncé une déclaration publiée le 4 mai sur son site Internet. En soi, cette absence de prix n'est pas nouvelle, puisque l'Académie a déjà refusé d'attribuer le prix sept fois auparavant, pendant les années de guerre et quand elle a jugé qu'aucun des candidats ne le méritait. La dernière fois qu'un prix Nobel de littérature a été remis à plus tard remonte cependant à plus de six décennies. « L'Académie suédoise a l'intention de décider et d'annoncer le prix Nobel de littérature pour 2018 en parallèle avec la nomination du lauréat 2019 », a dit le communiqué, ajoutant « La crise à l'Académie suédoise a eu un effet négatif sur le prix Nobel. Leur décision souligne la gravité de la situation et contribuera à préserver la réputation à long terme du prix Nobel ».
L'annonce, qui a souligné que l'attribution des autres prix ne serait pas perturbée,a été faite plusieurs jours après que les médias suédois aient rapporté que le photographe français Jean-Claude Arnault, marié à une membre de l'Académie, se serait déjà livré à une tentative d'agression sur la personne même de la Princesse Victoria de Suède lors d'un événement organisé par l'Académie en 2006, ce qu'il a fermement démenti. Il avait déjà été accusé de harcèlement ou d'agression sexuel par 18 femmes en novembre et aurait également divulgué les noms d'au moins sept lauréats du prix Nobel, mais a nié toutes les accusations portées contre lui. En relation avec le scandale, la directrice de l'Académie, Sara Danius, a démissionné, ainsi que plusieurs membres de l'académie.
Le secrétaire intérimaire de l'Académie suédoise avait déjà indiqué dans une interview à la radio suédoise la semaine dernière que le comité discutait d'un éventuel report du prix et qu'au moins un des membres du comité avait publiquement plaidé pour retarder l'annonce. Jusqu'à présent, 7 membres du comité de 18 personnes ont suspendu leurs activités. Dans une déclaration qui en dit long publiée la semaine dernière à la suite d'une enquête, l'institution, qui baigne dans le secret, a reconnu dans un communiqué qu'elle était « en état de crise après une période de profond désaccord entre les membres sur des questions importantes ». Ce communiqué constitue une évaluation étonnamment directe des manquements commis en ce qui concerne les allégations de harcèlement sexuel et le respect des dispositions relatives au secret avant l'annonce du gagnant, qui a été faite au début d'octobre.
Mais, le 28 avril dernier, les ennuis de l'Académie se sont encore aggravés quand des détails ont émergé à propos d'un prétendu scandale de harcèlement sexuel. Le quotidien suédois Svenska Dagbladet a cité trois personnes décrivant l'incident survenu en 2006, dans lequel Arnault aurait rien moins que peloté l'héritière du trône de Suède, Victoria. En réponse aux révélations, la famille royale suédoise a exprimé son soutien au mouvement #MeToo, mais n'a pas commenté l'incident allégué de 2006. L'année dernière, 18 femmes ont accusé Arnault d'avoir commis des agressions sexuelles ou de les avoir harcelées, souvent sur les lieux même de l'Académie suédoise. Après que Katarina Frostenson, l'épouse d'Arnault, ait été retirée du comité de l'institution en réponse aux allégations, un certain nombre d'autres membres ont annoncé d'abandonner leur adhésion active, même s'ils ne sont pas autorisés à démissionner. Les membres du comité font partie de ce corps de 18 personnes pour la vie, raison pour laquelle leurs démissions de facto ont plongé l'académie dans de profonds problèmes.