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Est-il encore possible de réformer la France ?

le Quotidien du Peuple en ligne | 15.01.2020 10h20

Il n'aura échappé à personne que la situation mondiale est actuellement pour le moins tendue, et c'est un euphémisme que de le dire. A côté de cela, alors qu'un peu partout sur la terre nombre de gens se demandent non sans raison si nous ne sommes pas à la veille d'un conflit majeur, la crise que connaît la France peut sembler bien dérisoire. Les grèves et blocages que connaît l'Hexagone -ou tout au moins une partie- occupent une grande partie de l'actualité locale et en arrivent même parfois à oblitérer ce qui se passe à l'étranger, au nom de ce nombrilisme bien français qui ne laisse pas de stupéfier même l'observateur le plus averti de ce qui se passe en France.

Tout cela au nom d'une énième réforme des retraites ? Pas si sûr... il y a clairement comme un malaise persistant, lancinant même, dans ce pays peuplé de gens éternellement insatisfaits et qui ne mesurent pas tous les jours la chance qu'ils ont de vivre dans un pays riche et plutôt privilégié par rapport à l'immense majorité des autres nations du monde, où nombre de gens envient la vie que l'on peut y mener, malgré des difficultés bien réelles. Mais quel pays peut prétendre ne pas en avoir ? Au vrai, quand on regarde la France -et surtout les Français- de l'extérieur, on ne peut s'empêcher de penser à l'Alsacien de la chanson traditionnelle locale « D'r Hans em schnockaloch » (« Jean du trou aux moustiques »), qui veut ce qu'il n'a pas et ne veut pas ce qu'il a, ou à Pierre Dac, célèbre humoriste des années 50-60, qui disait « Je suis pour tout ce qui est contre et contre tout ce qui est pour »...

Il y a dans la France d'aujourd'hui une sorte de malaise, quelque chose de malsain même, qui fait que l'on jalouse de plus en plus le voisin qui a plus que vous et qu'on se recroqueville sur ses petits avantages qu'on considère comme acquis et inamovibles, parfois en dépit des évidences et au-delà du raisonnable, quand on ne conspue pas ceux qui ont de l'argent parce qu'ils ont travaillé dur et se sont enrichis. Dans d'autres pays, comme la Chine, quand on voit que son voisin ou un patron célèbre a fait fortune, on étudie sa façon de faire, on cherche à savoir comment il s'y est pris, pour essayer de devenir comme lui. En France, ce genre de personne est au mieux considéré comme suspect, au pire comme malhonnête ou exploiteur du peuple. Quant à la réforme, les Français y sont généralement favorables, tant que cela ne les touche pas bien sûr. En bref, la réforme pour les autres d'accord, mais pas touche à mon petit pré carré.

Et c'est exactement ce qui semble se passer avec la réforme actuelle des retraites. Tout le monde ou presque est convaincu qu'on ne pourra plus continuer longtemps sur la voie actuelle, mais personne ne veut faire les concessions nécessaires s'il risque d'être touché. Le régime actuel est issu en grande partie de celui qui entra en vigueur après la seconde guerre mondiale, et qui pouvait effectivement se comprendre à l'époque. Le problème est que depuis le monde a évolué et que ce qui était acceptable alors ne l'est plus forcément aujourd'hui, et que de plus en plus de Français pensent qu'il n'est pas normal qu'un cheminot, par exemple, puisse partir à la retraite bien avant les autres, ou que la retraite de certains soit calculée sur les six derniers mois de carrière contre les vingt-cinq meilleures années pour presque tout le monde. Dans un pays qui prétend avoir pour devise « Liberté, égalité, fraternité », tout cela fait quand même un peu désordre. Et le fait qu'une minorité relativement protégée se croit permis de tout bloquer en disant qu'elle se bat pour tout le monde -ce que personne ou presque ne croit- ou encore que leur régime éminemment favorable devrait être celui de tout le monde -ce qui relève de l'utopie pure et simple- tout en pensant, travers bien français, avoir raison contre tout le monde alors que tous les autres pays environnants vont à l'encontre de ce que certains prétendent, n'arrange rien.

Si on ajoute à ça un gouvernement dont l'intention, mettre tout le monde sur un pied d'égalité, mais qui accumule les maladresses et les erreurs.  On comprendra, d'autant plus que nombre de concessions ont été faites qui risquent de vider la réforme de sa substance et de multiplier les régimes spéciaux qu'elle était censée faire disparaître, que cette réforme présentée comme la plus importante du quinquennat Macron, a bien du plomb dans l'aile.

Souvenons-nous de ce que, dans le passé, de grands hommes d'État français ont dit, eux qui avaient compris certaines choses : en son temps, le général De Gaulle disait qu'un pays qui produit 246 sortes de fromages est ingouvernable, et près de 300 ans auparavant, le grand Colbert, ministre d'État de Louis XIV, affirmait que les Français sont ingouvernables. Ils montrèrent l'un et l'autre que ce n'était pas tout à fait vrai, mais quand on voit ce qui se passe actuellement, on finit tout de même par douter et se demander s'ils n'avaient pas finalement raison...

Par Laurent Devaux

(Rédacteurs :Yishuang Liu, 孙晨晨)
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