Dans son dernier rapport publié mardi, la Commission d'enquête internationale indépendante sur la Syrie détaille les crimes de guerre commis par le gouvernement syrien, ainsi que par les forces d'opposition, avant d'appeler à un regain diplomatique robuste afin de mettre un terme à la violence.
« Les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité sont une réalité quotidienne en Syrie. Les récits effroyables des pertes en vies humaines marquent nos consciences au fer rouge, alors que la recherche de la justice n'a jamais été aussi impérieuse », indique la Commission dans un rapport soumis mardi au Conseil des droits de l'homme à Genève.
Formée de Paulo Sergio Pinheiro, qui en est le président, de Karen AbuZayd, de Carla Del Ponte et de Vitit Muntarbhorn, la Commission a été créée, le 23 août 2011, par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies pour enquêter sur toutes les violations des droits de l'homme perpétrées en Syrie.
Ce dernier rapport, le quatrième, couvre la période allant du 15 janvier au 15 mai 2013, et détaille pour la première fois l'imposition systématique d'états de siège, l'utilisation d'armes chimiques et les déplacements forcés.
« La Syrie est en chute libre », a dit M. Pinheiro ce matin devant le Conseil. « Personne n'est en train de gagner la guerre et personne ne la gagnera. La livraison d'armes supplémentaires ne conduira qu'à plus de civils tués ou blessés ».
M. Pinheiro a également rappelé que le dialogue était le seul moyen de règlement d'un conflit qui a fait plus de 70.000 victimes civiles et déplacé plus de quatre millions de personnes depuis son commencement en mars 2011.
« Nous exhortons les Etats à user de leur influence auprès des parties au conflit afin de protéger les civils », a-t-il ajouté, alors que les experts dans leur rapport – lequel se base sur 430 témoignages et autres moyens de preuve - soulignent le coût exorbitant en vies humaines lié à une circulation accrue d'armes en Syrie.
Si les forces du gouvernement syrien ont, selon les experts, commis des « meurtres, des actes de torture, des viols, des déplacements et des disparitions forcées » dans le cadre d'attaques systématiques et généralisées contre les populations civiles, les forces de l'opposition sont également responsables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, en particulier des actes de torture, des prises d'otage et des exécutions extrajudiciaires.
« Les violations commises par les groupes armés anti- gouvernementaux n'ont néanmoins pas la gravité et l'ampleur des abus commis par les forces du gouvernement et les milices qui lui sont fidèles », affirme le rapport.
Selon les experts, il y a en outre des motifs raisonnables de penser que des produits chimiques ont été utilisés en tant qu'armes. Si des allégations concernant l'utilisation d'armes chimiques par les deux parties sont évoquées, la majorité d'entre elles concernent les troupes du président syrien Bachar Al-Assad.
« Dans quatre attaques – Khan Al-Assal près d'Alep le 19 mars, à Uteibah près de Damas le 19 mars, dans le quartier de Cheikh Maksoud à Alep le 13 avril et dans la ville de Sarakeb le 29 avril - il y a des motifs raisonnables de penser que des quantités limitées de produits chimiques ont été utilisées », affirme le rapport.
Il n'est toutefois pour l'instant pas possible, sur la base des éléments de preuve à disposition, de déterminer avec précision la nature de ces agents chimiques, les systèmes d'utilisation employés ni ceux qui les ont utilisés, alors que d'autres incidents, toujours selon ce rapport, font également l'objet d'enquêtes.
« Il est en conséquence crucial que se déploie en Syrie la mission d'établissement des faits chargée de vérifier les allégations selon lesquelles des armes chimiques auraient été employées dans ce pays», écrivent les experts. Cette mission est toujours dans l'attente de son déploiement, le gouvernement syrien, en dépit des appels répétés du secrétaire général de l'ONU, ne l'ayant pas encore autorisé.
« Une intensification des efforts diplomatiques est la seule voie pour une solution politique en Syrie. Les négociations doivent être inclusives, toutes les facettes de la mosaïque syrienne devant être représentées», conclut la Commission d'enquête dans son rapport.
Le représentant syrien à Genève, Faysal Khabbaz Hamoui, a rejeté ledit rapport en raison de son manque d'objectivité. « La Commission d'enquête ne dit rien des violations systématiques de la souveraineté de mon pays commises par des Etats voisins qui apportent un soutien logistique aux groupes terroristes opérant en Syrie », a-t-il affirmé.