Six mois après les attentats terroristes perpétrés à Paris, la question de sécurité est à nouveau au coeur du débat en France, notamment à cause d'une recrudescence des violences ou tentatives avortées d'acte criminel pendant ce dernier mois.
Le dernier acte en date est le projet d'attentat déjoué cette semaine suivi d'une interpellation des présumés coupables. Au nombre de quatre, dont un ancien militaire réformé de la marine française, ces jeunes projettent des actes terroristes contre une installation militaire en France, selon le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve.
"Le principal instigateur avait été repéré pour son activisme sur les réseaux sociaux et dans le relationnel de djihadistes français aujourd'hui incarcérés. Il avait également était signalé aux autorités du fait de ses velléités de départ en Syrie dans le cadre des mesures de prévention pour prévenir des filières djihadistes. Il avait fait l'objet d'un entretien administratif", a expliqué M. Cazeneuve lors d'une conférence de presse mercredi soir.
L'annonce par les autorités de ce projet d'attentat avorté est précédée par une double explosion qui a causée un incendie et une immense fumée noire dans la nuit du lundi au mardi 14 juillet, sur le site pétrochimique à Berre-l'Etang (Bouche-du-Rhône), près de Marseille dans le sud de la France.
En attendant la fin de l'enquête en cours, les premiers éléments annoncés par le procureur de la République d'Aix-en-Provence indiquent une piste "criminelle".
"Nous avons trouvé un dispositif de même nature ce matin (mercredi 15 juillet) vers 11h sur le couvercle d'une troisième cuve. Le dispositif de mise à feu a produit peut-être quelques dommages sur le couvercle mais n'a pas provoqué l'étincelle et l'incendie qui étaient sans doute attendus", a expliqué le procureur Dominique Moyal en charge du dossier.
Pour M. Cazeneuve, l'enquête révèle ainsi qu'il s'agit "d'un acte criminel dont la motivation n'est pas encore établie".
Seulement, même si aucune piste n'est privilégiée pour l'instant, le mode opératoire de ou des coupables qui est de mettre le feu à un site industriel sensible, ressemble fort bien à celui de l'attentat perpétré à Saint-Quentin-Fallavier, en Isère dans l'est du pays, le 26 juin dernier, soit 19 jours avant l'incendie "criminel" de Berre-l'Etang.
Yassine Sahli, l'auteur de l'attentat de Saint-Quentin-Fallavier, a aussi tenté de faire exploser l'usine de production de gaz industriel Air Products.
Le ministre de l'Intérieur a demandé, à la suite de l'incendie de Berre-l'Etang, de renforcer la vigilance sur les sites industriels sensibles. Une note du ministère a été envoyée à cet effet aux préfets de zone de sécurité et de défense de la région et du département.
L'objectif est d'effectuer "une inspection minutieuse de toutes les installations, de vérifier leur enceinte et le bon fonctionnement de leur système de videoprotection", a indiqué le ministre dans le document.
Autre cas de violence commis aux environs de Paris, et dont l'enquête est également en cours : le braquage et la prise d'otage le 13 juillet dans un magasin Primark d'un centre commercial à Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine). La police a certes fait libérer les 18 employés pris en otages mais les braqueurs armés ont réussi à s'enfuir. Là également par prudence, aucune piste n'est privilégiée.
A cela s'ajoute le vol d'explosifs dans la nuit du 5 au 6 juillet sur un site militaire à Miramas (Bouches-du-Rhône). Au total quelque 180 détonateurs et des dizaines de pains de plastic et une quarantaine de grenades ont été dérobés dans un dépôt de munitions de l'armée.
Autant d'actes criminels perpétrés en l'espace d'un mois qui relancent le débat sur la question de sécurité en France, après les attentats meurtriers de Paris en janvier 2015.
Pourtant plusieurs mesures allant de la sensibilisation, la prévention et aux sanctions, ont été prises par les autorités. Par exemple c'est dans le cadre de la sensibilisation que la fête nationale du 14 juillet a été placé sous le signe de la cohésion nationale, une référence aux attentats de Paris et, un hommage appuyé est rendu à l'occasion aux forces antiterroristes GIGN, BRI qui ont défilé pour la première fois sur les Champs Elysées.
Le président François Hollande a consacré une partie importante de sa traditionnelle interview du 14 juillet à la question de sécurité en France tout en rassurant les Français : "Nous sommes mobilisés, il y a 10 000 militaires qui sont en opération sur notre sol. 7 000 qui sont sur le site et 3 000 qui sont mobilisables en plus des policiers et des gendarmes", a expliqué M. Hollande le 14 juillet.
Selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, "1 850 Français ou résidents habituellement en France sont aujourd'hui impliqués dans des filières djihadistes, dont près de 500 actuellement en Syrie ou en Irak".
Pour mettre hors d'état de nuire, ces Français impliqués dans le djihadisme, le gouvernement déploie également son action dans la prévention. Cela a fait échouer la tentative d'attentat contre une installation militaire. D'autre part ce travail de prévention à déjà permis d'écarter une quarantaine de personnes jugées dangereuses.
"Nous avons déjà procédé à 40 expulsions du territoire national de prêcheurs de haine dont de pseudo imams autoproclamés. Nous continuerons à agir avec l'ensemble des moyens de police administrative avec la plus grande détermination et la plus grande fermeté", a informé M. Cazeneuve lors de sa conférence de presse.
La dernière loi votée en France pour lutter contre le terrorisme est la loi sur le renseignement qui donne aux services de renseignement le droit de mettre sur écoutes, poser des caméras ou des logiciels-espion, d'accéder aux données de connexion etc.
Pour les chercheurs et spécialistes des questions de sécurité, la situation est préoccupante d'autant que la menace n'émane plus des seules organisations terroristes de la zone syro-irakienne mais aussi des sympathisants de ces groupes qui sont hors des champs de combats.
"La majorité des attentats perpétrés ou déjoués l'ont été par des individus qui n'ont jamais mis les pieds sur les théâtres d'opération en Syrie et en Irak. Ils imitent des modes opératoires comme la décapitation, des ciblages ou qui en tout cas suivent des instructions données par des groupes terroristes notamment l'Etat islamique", a expliqué Jean Charles Brisard, spécialiste du terrorisme sur le plateau de la chaîne d'information BFMTV.
Pour M. Briscard la situation devient préoccupante car la technique du ciblage symbolique à des militaires, policiers, communautés juives, catholiques utilisée par les terroristes est un processus difficile à identifier. Il existe certes des "des outils comme les procédures de signalement mais cela ne suffit pas", a reconnu ce spécialiste.