Dernière mise à jour à 09h39 le 27/11
Q: Les 2 et 3 novembre, le Président Hollande a effectué une visite d'Etat en Chine. Comment évaluez-vous les résultats de cette visite ainsi que la situation actuelle de la relation bilatérale?
Monsieur l'ambassadeur : Je crois que c'est une visite qui a été très positive, très fructueuse. C'était la deuxième visite d'Etat du Président Hollande, et cette visite a été particulièrement concentrée sur la préparation de la conférence des nations unies sur le climat, la fameuse COP21, qui se tient tous les ans, 21ème année, et c'est la France qui va être présidente de cette conférence. Elle est très importante cette conférence car elle doit renouveler les engagements de la communauté Internationale au sein des Nations unies pour éviter le réchauffement climatique. Vous savez que l'enjeu est très grand, l'enjeu c'est éviter 2 degrés de plus avec toutes les conséquences que ça peut avoir sur la vie, et nous avons au cours de cette visite présenté une déclaration conjointe franco-chinoise dans laquelle il y a des avancées qui sont la marque de l'engagement de la Chine et la France à faire de cette conférence sur le climat un grand succès et à être la base d'un développement futur pour le monde entier. C'est un texte qui est une proposition, ce n'est pas un texte qui est celui de tout le monde encore, c'est une contribution à la négociation. Nous voyons que la Chine a confirmé son engagement dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique. Nous l'avions vu avec le plan national de la lutte contre le réchauffement climatique qui a été promulgué en novembre de l'année dernière, tout ce qui a été redit également au mois de mars de l'année 2015, nous avons eu à Paris pendant la visite du premier ministre LI Keqiang l'annonce de la contribution nationale chinoise qui est très importante, le fait de dire qu'en 2030, il y aura 65% de moins d'émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2005, c'est considérable et si possible avant. C'est donc un engagement très fort de la Chine. La Chine prend des engagements exemplaires notamment sur l'institution d'un marché du carbone à l'échéance de 2017, ce sont des sujets qui ont étédiscutés entre le Président Hollande avec le président XI Jinping et le premier ministre LI Keqiang. Enfin surtout, ce qui est très important, c'est que cette conférence COP21 permette d'être un point de départ avec une révision régulière des engagements qui ont été pris. C'est une proposition que nous faisons entre les Français et les Chinois dans la déclaration. Ça veut dire que tous les 5 ans, selon une méthode que nous devons encore négocier avec les autres partenaires, nous verrons où nous en sommes comment encourager, comment faciliter pour chaque pays qui aura pris des engagements de continuer à avancer. Comme l'a dit notre ministre des Affaires étrangères, qui est le président de cette conférence, “il ne faut pas faire de rétropédalage”. C'est l'objectif et donc nous avons une bonne base pour avancer au moment de la COP21 avec naturellement la considération permanente qui est celle premièrement que c'est une conférence des nations unies, et qu'il faut donc un consensus des 196 participants ;tout ceci doit se faire selon des responsabilités communes mais différenciées, et selon les capacités nationales de chaque pays. La Chine, en tant que leader du Groupe des 77, joue un rôle considérable avec également toute la partie concernant le financement. Nous avons vu le “Fonds sud-sud” établi par la Chine, la France encourage un “Fonds vert” mais ce sont autant de moyens qui sont mis au service de l'adaptation, de la mitigation, donc ce sont les sujets sur lesquels nous allons continuer à travailler avec la Chine. Donc un grand résultat de la visite du Président Hollande pour sa deuxième visite d'Etat.
Q: La COP21 arrivera à Paris fin novembre, dont l'objectif principal est de permettre aux 196 pays et régions participantes d'arriver à un accord en vue de lutter contre le réchauffement de la planète. À votre avis, quels sont de principaux défis et obstacles pour atteindre cet objectif ?
Monsieur l'ambassadeur : Il faut un texte qui soit adopté par consensus. Donc tout le monde doit pouvoir se retrouver dans le texte. Il faut un texte qui ne touche pas à la souveraineté des pays, il faut que tout le monde soit d'accord sur ce texte. C'est la raison pour laquelle nous voulons que ce texte qui engage les Etats, qui soit contraignant, c'est-à-dire que chaque pays qui a accepté le texte se sent obligé d'aller avant, et que chaque pays soit prêt à présenter régulièrement les résultats des efforts qu'il a fait. Mais par ailleurs, que chaque pays puisse trouver une aide auprès de ceux qui ont plus de moyens que les autres notamment sur le plan technologique, que chaque pays puisse trouver une aide financière, et c'est donc la grande difficulté c'est de trouver les équilibres qui permettent à chacun d'être partie prenante à ce texte. Mais j'ai confiance qu'avec les enjeux que nous connaissons, avec l'engagement de grands pays comme la Chine, les déclarations sino-américaines, sino-européennes, sino-indiennes, sino-brésiliennes, avec les basiques, -la déclaration franco-chinoise possède quelque chose qui devrait nous permettre d'avoir une base. La Chine dans cette négociation joue un rôle central, je voudrais ajouter à cela que cette conférence ne concerne pas seulement les Etats, elle concerne aussi toutes les collectivités locales qui ont pris des engagements, les provinces et les villes qui ont fait des efforts, qui sont invitées également à expliquer ce qu'elles ont fait, elle concerne les entreprises de l'économie verte, qui se sont rencontrées ici en Chine, françaises et chinoises, et ça concerne enfin la société civile, c'est-à-dire tout le monde, les citoyens qui veulent faire avancer tout cela à travers leurs actions et leurs associations, pour faire prendre conscience que l'enjeu est important pour la planète, voilà les difficultés et les défis mais les espoirs qui sont derrière parce que les engagements qui sont pris au moment de la COP21 ça veut dire des engagements pour la croissance, des engagements sur une nouvelle économie, sur un nouveau modèle de développement. Je crois que ça correspond à ce que nous souhaitons tous.
Q: Quelle genre de coopération entre la Chine et la France seraient nécessaires?
Monsieur l'ambassadeur : Nous avons les coopérations dans le domaine de l'énergie déjà, nous avons parlé du nucléaire, c'est un domaine très intéressant, nous avons des coopérations dans le domaine de l'énergie renouvelable, dans le domaine de la ville durable, de l'efficacité énergétique, par exemple l'efficacité énergétique des bâtiments, comment consommer moins d'énergie dans un bâtiment. Ensuite il y a toute la coopération sur le recyclage des déchets, nous émettons des déchets, nos industries émettent des déchets, comment recycler tout cela, comment éviter de polluer nos campagnes, comment rendre le ciel plus bleu, comment rendre la terre plus propre, comment avoir envie de se baigner dans les rivières, c'est ça le but. Nous avons beaucoup d'idées et beaucoup de technologies à échanger avec les Chinois et aussi à travers des recherches communes. Nous avons aussi en Chine des centres de recherche avec nos grands groupes industriels auxquels participent nos partenaires chinois, notamment à l'intérieur de joint-ventures que nous avons montées.
Q: Cette année, en juillet, le gouvernement chinois et le gouvernement français ont publié une déclaration à propos de la coopération en marchés tiers, pourriez-vous nous donner un aperçu du progrès dans ce domaine depuis sa publication?
Monsieur l'ambassadeur : Nous sommes très intéressés par l'évolution et les réformes en Chine, nous donnons une grande confiance à la Chine dans la capacité qu'elle a de faire évoluer son modèle économique, et de continuer à être un leader de la croissance du monde. Il y a pour cela des réformes qui sont en cours en Chine, nous pensons que la Chine peut réussir ces réformes. Ça c'est l'affaire des Chinois. Sur la scène internationale, la Chine nous a proposé des partenariats en pays tiers, des partenariats sur des marchés tiers. Ça veut dire que les entreprises chinoises et les entreprises françaises ensemble vont faire des projets dans d'autres pays. Nous avons déjà un bel exemple, c'est Hinkley Point C en Angleterre sur nucléaire. Nous avons fait une déclaration conjointe au mois de juin dernier pendant la visite du premier ministre chinois LI Keqiang, dans laquelle nous fixons un certain nombre d'objectifs dans lesquels on doit respecter naturellement une certaine gouvernance, des pratiques qui permettent de mettre nos moyens ensemble. Nous discutons actuellement un fonds franco-chinois qui serait aussi éventuellement une plate-forme pour financer ensemble des projets d'investissement. Il faut maintenant identifier des projets, il faut pouvoir aller sur certaines zones, certains pays. L'Afrique est une zone qui a été souvent mentionnée en accord naturellement avec les gouvernements africains qui le souhaitent, où l'on peut développer des projets de toute nature, des projets de transports, des projets dans le domaine de la santé, dans le domaine de l'énergie... Il y a beaucoup de choses qu'on peut faire. C'est l'idée des partenariats en pays tiers. Je dirais que quand on parle d'un partenariat en pays tiers, on pense aussi au partenariat de la Route de la soie, le grand projet chinois auquel la France s'intéresse parce que la connectivité entre des places, des zones, où l'on peut créer la croissance, depuis Pékin jusqu'à l'ouest de la France. C'est quelque chose que nous souhaitons jusqu'en grande Bretagne. Mon rêve, c'est avoir un train qui fait Pékin et qui arrive à Brest, qui part depuis l'est de la Chine, et qui arrive à l'ouest de la France jusqu'à l'océan atlantique, ça serait magnifique. J'espère qu'on va pouvoir faire ce genre de choses. Les partenariats en pays tiers sont certainement un moyen d'y aboutir.
Q: À votre avis, y'a-t-il des avantages complémentaires de l'un pays pour l'autre dans leur coopération?
Monsieur l'ambassadeur : Je crois qu'il y a des avantages qui ont souvent été soulignés d'ailleurs par les autorités chinoises elles-mêmes. Si on décide de faire des infrastructures, la Chine a un grande avantage dans les infrastructures, la France peut apporter des technologies. Je pense que les technologies et les infrastructures ensemble sont quelque chose qui peut être au service de la planète et au service de l'économie.
Q:Comment évaluez-vous la perspective de la coopération des deux pays ?
Monsieur l'ambassadeur : Je vois la perspective de notre coopération comme très positive. Je crois que la relation franco-chinoise est une relation qui est fondée sur la confiance, qui est fondée sur l'ancienneté et l'amitié, on a célébré l'année dernière les 50 ans de l'établissement des relations diplomatiques, on a fait beaucoup d'éclat, et on s'est rendu compte que cette relation franco-chinoise est très solide parce qu'elle a résisté à beaucoup d'événements nationaux, d'événements internationaux, on se dit qu'après tout, on ne regarde pas seulement derrière, on regarde devant dans la relation franco-chinoise, donc on est bien repartis pour 50 ans de relations avec de nombreux domaines. Et il y a un dernier domaine je voudrais souligner, dans le contexte actuel, c'est les échanges de personnes. Il est important de continuer à venir se rendre visite. Nous voulons continuer à encourager les touristes chinois à venir en France, la France facilite la venue des touristes chinois, les visas sont délivrés à 95% - presque tout le monde qui demande un visa obtient son visa-, nous les délivrons en 48h quelques fois même en 24h, donc nous faisons très vite. Nous avons en France, et vous connaissez la France, une offre touristique, culturelle, qui est très ouverte, très diversifiée, la Chine est un pays de grande culture, la France aussi, donc nous avons beaucoup de choses à vous montrer. La France s'inscrit parfaitement dans un circuit en l'Europe, nous sommes bien placés, on arrive à Paris, on fait son tour et on repart par Paris, c'est très facile. Et donc nous avons eu 2 millions de touristes l'année dernière. Bienvenue encore aux touristes, que tous les touristes viennent, nous les accueillons, ils sont bienvenus. N'ayez pas peur en France, les zones à risque sont protégées, elles sont contrôlées, la France continue à avancer, l'accueil des français est toujours là, continuez à venir. D'un autre côté je dirais qu'il faut aussi que les étudiants continuent à venir, nous avons 35 milles d'étudiants chinois en France, nous souhaitons en avoir 50 mille en 2020. Les universités essaient de faciliter cette accueil, faciliter les démarches administratives, faciliter les inscriptions. Les étudiants chinois sont la base de la relation franco-chinoise de demain, c'est très important. Donc nous comptons beaucoup sur eux.
Enfin, il y a les investisseurs chinois, ils sont bienvenus, nous facilitons la venue des investisseurs par des mesures de circulation, plus facile pour le visa mais également faciliter l'investissement, simplifier les procédures administratives, simplifier la fiscalité, simplifier le droit de travail, faciliter les investissements de recherche. Les investisseurs chinois sont les bienvenus que ce soit dans le secteur immobilier, que ce soit dans le secteur productif, nous avons des beaux exemples: l'année dernière, Fosun est monté au capital du club Méditerranée, c'est un grand succès. Je pense qu'il faut aller de l'avant, croire en l'avenir, parce que la relation franco-chinoise est très solide. Et c'est là-dessus que nous devons nous appuyer, par-delà les difficultés. La France et la Chine s'appuient l'une sur l'autre.