Dernière mise à jour à 08h24 le 11/01
Le 3 janvier, un garçonnet de deux ans périssait dans un naufrage en mer Egée au large de la Grèce, inaugurant tristement les statistiques 2016 des victimes de la migration de masse vers l'Europe. Un drame qui vient rappeler la gravité de cette crise qui n'a cessé d'enfler jusqu'à ce qu'elle prenne une ampleur record depuis la Seconde Guerre mondiale sur le continent.
Selon un récent bilan de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus d'un million de migrants ont pu rejoindre les pays d'Europe occidentale en 2015, dont 50 à 60% sont d'origine syrienne.
Pour rappel, deux ans avant le déclenchement de la guerre civile libyenne, l'Europe avait admis en 2009 seulement 3.000 demandeurs d'asile, tandis que la Syrie abritait à l'époque plus d'un million de réfugiés, fuyant pour l'essentiel la guerre en Irak.
Cet afflux de migrants vers l'Europe en 2015 a été le fruit de cinq années d'escalade des tensions au Moyen-Orient.
Il est à noter qu'en 2008, la Libye avait conclu un accord de coopération avec l'Italie pour le contrôle des migrants tentant gagner l'Europe via la Méditerranée. Trois ans plus tard, sous la houlette des Etats-Unis, les forces de l'OTAN attaquaient le régime de Moammar Kadhafi, provoquant sa chute le 20 octobre. Dans la foulée, on a assisté à une augmentation spectaculaire du nombre des réfugiés.
Selon le bilan 2011 du Haut-commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR), 150.000 Libyens ont quitté leur patrie. Beaucoup ont gagné Lampedusa, cette petite île italienne qui a accueilli environ 20.000 clandestins d'Afrique du Nord depuis l'intervention de l'OTAN en Libye.
L'autre facette de cette crise migratoire réside dans la détérioration de la situation au Moyen-Orient. La Syrie, une nation en proie à cinq années de guerre civile et aux tiraillements entre puissances mondiales, est devenue le pays d'origine de la plupart des réfugiés en 2015.
Avant l'ingérence des Etats-Unis et de l'Europe dans les conflits internes arabes en 2011, la Syrie jouissait de la meilleure situation tant sur le plan économique que social dans le monde arabe, en faisant l'un des pays les plus accueillants pour les réfugiés. Cependant, le régime alaouite n'était pas en mesure de faire face à la montée en puissance des groupes rebelles.
En 2012, les Etats-Unis ont officiellement apporté leur soutien à l'opposition syrienne, tandis que la France se prononçait presque dans la foulée en faveur de l'opposition modérée. Ce soutien occidental a exacerbé des tensions déjà fortes en Syrie, aggravant la situation dans ce pays où le HCR estimait en 2012 que la guerre avait poussé à l'exil 647.000 habitants.
La guerre civile a été un terreau fertile pour le terrorisme, qui a explosé en Syrie en 2014. L'Etat islamique a ainsi pu conquérir près de la moitié du territoire syrien. Une progression fulgurante qui a offert un contraste notable avec la réaction tardive et insuffisante des Occidentaux. En dépit de la campagne aérienne menée par ces derniers contre l'EI, 1,5 million de Syriens ont fui leur pays, dont 79.700 ont obtenu l'asile admis en Europe en 2014.
A l'orée de cette nouvelle année, l'Europe n'en a pas fini de gérer cet afflux de migrants. Feng Zhongping, vice-président de l'Institut chinois des relations internationales contemporaines, estime que l'année 2016 posera de nombreux défis à l'Europe. Tout d'abord, l'arrivée en masse des réfugiés a déjà entraîné des problèmes sociaux, notamment parce que l'arrivée de ces migrants en inquiète beaucoup alors que le marché du travail reste atone dans bien des pays depuis la crise financière de 2008.
D'autre part, étant donné le fait que beaucoup de pays européens ont déjà mis en oeuvre l'an dernier des politiques visant à endiguer un trop grand nombre de migrants, ces mêmes pays seront encore moins enclins à en accueillir en 2016.
M. Feng souligne également que le dénouement des tensions au Moyen-Orient est la clé pour résoudre les problèmes migratoires, même si les politiques et les interventions des pays occidentaux ne devraient pas connaître d'ajustement considérable en 2016. Or, il est primordial pour l'Europe de tout faire pour que l'on puisse trouver un terrain d'entente entre les parties au conflit.
Parallèlement, compte tenu de son impossibilité d'accueillir une migration si nombreuse, l'Europe va subventionner les pays voisins de la Syrie (Turquie, Jordanie, Liban) afin que les réfugiés qu'ils abritent y restent. Enfin, davantage de concertation est prévue cette année au sein de l'Union européenne à propos d'une meilleure répartition des réfugiés.
Shen Xiaoquan, expert au Centre de recherches sur les problèmes internationaux de l'agence de presse Xinhua, rappelle en effet que l'afflux de migrants a causé des divisions au sein de l'UE, les pays d'Europe centrale et orientale contestant la clé de répartition de ces réfugiés.
Les pays membres du groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie) ont ainsi protesté contre les quotas de Bruxelles pour coordonner l'accueil des migrants, estimant que ce flux migratoire serait préjudiciable à leur identité et leur souveraineté.
Ce question migratoire a fait figure d'électrochoc l'an dernier au sein de l'UE. Au lieu d'unir leurs efforts pour y faire face, il est évident que certains pays européens ont privilégié leurs propres intérêts au moment crucial. Or, l'afflux de migrants va se poursuivre en 2016, selon M. Shen, renforçant d'autant plus la nécessité pour les Européens de développer une meilleure synergie.
Enfin, pour le régime de Bachar el-Assad, cette année 2016 s'annonce également pleine d'incertitudes. D'un point de vue positif, on a toutefois noté que les Etats-Unis et certains pays membres de l'UE s'étaient assouplis sur la question de l'avenir d'Assad, ne faisant plus de son départ un préalable. Surtout, des négociations de paix inter-syriennes sous les auspices de l'ONU s'ouvriront le 25 janvier à Genève.