Dernière mise à jour à 08h42 le 22/01
Joaquín Guzmán Loera, le fameux baron de la drogue plus connu sous le nom d'El Chapo, qui a échappé deux fois aux prisons mexicaines de haute sécurité et était devenu une légende vivante du crime, a été extradé vers les États-Unis, terminant une longue décennie de traque du chef de l'une des plus grandes organisations mondiales de stupéfiants. Un tribunal fédéral mexicain a rejeté un appel interjeté par les avocats d'El Chapo pour bloquer l'extradition, ouvrant ainsi la voie à son transfert aux autorités américaines de New York, où il est accusé pour son rôle de chef du cartel de Sinaloa. Le trafiquant a été placé dans un avion jeudi à Ciudad Juárez, près de la frontière avec le Texas, et est arrivé aux États-Unis lors de la dernière nuit du président Obama à la Maison Blanche.
La décision d'extrader El Chapo a longtemps été un sujet de préoccupation pour le gouvernement mexicain, qui a d'abord affirmé qu'il allait purger sa longue peine au Mexique. Toutefois, après sa fuite rocambolesque en 2015, lorsque ses associés réussirent à le faire sortir de la prison la plus sûre du Mexique, les responsables mexicains ont commencé à reconsidérer la chose. Lorsqu'il a été recapturé au début de l'année dernière, après l'une des chasses d'homme les plus intensives qu'ait jamais connu Mexique, le gouvernement a déclaré publiquement qu'il permettrait son extradition, se libérant ainsi de l'embarras potentiel d'une autre évasion et évitant de nouveaux problèmes dans ses relations avec les États- États.
L'extradition de Guzmán est intervenue soudainement, après presque une année d'appels et de procédures légales. Même son propre avocat a été surpris. Dans une interview après l'annonce du gouvernement mexicain, l'avocat, José Refugio Rodríguez, a déclaré qu'il venait tout juste d'apprendre l'extradition. En effet, il était à la prison où son client était détenu, où il aavait prévu de le rencontrer, quand il a dû attendre pendant deux heures. « J'étais censé lui rendre visite aujourd'hui », a-t-il commenté. Je ne sais rien de tout cela ». De son côté, un responsable américain de l'application de la loi a déclaré que les autorités américaines n'ont pas su que les Mexicains allaient leur remettre Guzmán jusqu'à la fin de jeudi après-midi. Selon ce responsable, qui a demandé l'anonymat pour discuter de l'affaire, si la décision du Mexique est intervenue aussi rapidement, c'est que le moment de l'extradition était « politiquement motivé ».
Joaquín Guzmán Loera -dont le surnom El Chapo signifie « le Nabot »- a constitué un trophée de choix pour les responsables de l'application de la loi des deux pays. Au fil des ans, alors que le commerce de la drogue s'épanouissait dans une industrie de plusieurs milliards de Dollars, il était devenu bien plus qu'un simple trafiquant. En tant que fermier devenu milliardaire avec un flair pour le dramatique, il était devenu un symbole de l'Etat de droit mal en point du Mexique, de l'obsession pour la drogue de l'Amérique et de l'échec de la guerre menée par les deux pays contre les stupéfiants. Pourtant, au milieu de l'angoisse causée par El Chapo -les traces sanglantes laissées par ses hommes de main au sein des autres groupes de trafiquants du Mexique, la crise de la dépendance alimentée par ses réseaux en Amérique- sa légende ne semblait ne cesser de prendre de l'ampleur. Au Mexique, il est devenu un héros populaire pour les masses. À Sinaloa, les récits d'El Chapo distribuant des cadeaux aux pauvres et ses largesses pour les clients dans les restaurants qu'il fréquentaient sont monnaie courante. Ses évasions audacieuses cimentèrent aussi sa réputation de hors-la-loi.
Après sa dernière évasion et une chasse à l'homme qui a impliqué plus de 2 500 personnes, il fut arrêté dans la ville de Los Mochis au début de 2016 après avoir rampé hors d'un égout. El Chapo fait à présent face à des accusations découlant de six actes d'accusation distincts aux États-Unis. Dans le district de l'Est de New York à Brooklyn, où il est censé faire face à des poursuites, il est ainsi accusé de fabrication et la distribution de toute une gamme de drogues, d'utilisation d'armes à feu, de blanchiment d'argent et de gestion d'une entreprise criminelle en cours. L'acte d'accusation, déposé pour la première fois en 2009, a été mis à jour à trois reprises depuis lors.