Dernière mise à jour à 08h26 le 09/05
Le fondateur d'En Marche! a réussi son pari en incarnant, par sa jeunesse, son offre politique et une stratégie personnelle, une volonté de renouvellement. Il a aussi bénéficié d'une conjoncture électorale exceptionnelle. Elu dimanche à 66,1% des voix, malgré une abstention et un nombre de votes blancs record, le président Emmanuel Macron va hériter d'une France profondément divisée et doit désormais trouver une majorité pour gouverner.
Encore inconnu des Français il y a trois ans, l'ex-banquier d'affaires accède à l'Elysée à 39 ans et devient le plus jeune président de la Ve République française, dont il bouleverse les codes et les usages. Cette victoire est historique à plus d'un titre. D'abord, en raison du parcours atypique du candidat d'En Marche!, qui a lancé, en avril 2016, dans une circonspection quasi générale, un mouvement créé ex-nihilo dans un pays où la vie politique est organisée depuis des décennies autour du bipartisme.
Emmanuel Macron, qui ne s'était jamais présenté à aucun scrutin avant cette présidentielle, est parvenu, sans le soutien d'aucun parti au gouvernement, à transformer ses handicaps en atouts en axant son offre politique sur le renouvellement de la classe politique auquel aspire une grande partie des Français.
L'ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée (2012), devenu ministre de l'Economie entre 2014 et 2016, a paradoxalement réussi à se poser en alternative à un système largement décrié de professionnalisation des hommes politiques, de cumul des mandats et d'entre-soi du pouvoir. En plein PénélopeGate, l'affaire qui a coûté au candidat de la droite François Fillon sa qualification au second tour de l'élection présidentielle, la proposition d'Emmanuel Macron de "moralisation de la vie politique" ne pouvait pas mieux tomber.
Le fondateur d'En Marche!, par sa posture résolument européenne, a par ailleurs rassuré, grâce à sa défense de l'euro et des institutions européennes, une grande partie des Français et de leurs partenaires européens à un moment où l'Union européenne, confrontée à de multiples crises, doute de son avenir. Dimanche soir, c'est d'ailleurs au son de l'hymne européen qu'il a pénétré dans la cour Napoléon lors d'une soirée électorale savamment orchestrée.
Emmanuel Macron a également su fédérer la volonté et le désir d'une partie des Français, séduits par son discours d'optimisme, de réussite personnelle et de foi dans l'avenir d'un pays capable de trouver sa place dans une "mondialisation heureuse".
Le mouvement En Marche! doit enfin aussi largement son succès à une fine stratégie de marketing politique électorale basée à la fois sur la mobilisation de bénévoles et le traitement de données informatiques algorithmisées.
L'émotion, au soir du 7 mai, ne doit cependant pas faire oublier les fragilités de la position d'Emmanuel Macron. Sa victoire, contre une candidate d'extrême droite qui fait figure d'épouvantail à une majorité de Français et dont la campagne a dérapé, est le résultat d'une conjoncture électorale des plus particulières.
Marine Le Pen s'est indéniablement aliénée une partie de l'électorat conservateur âgé de droite, susceptible de la rejoindre au second tour, avec sa mesure phare de sortie de l'euro. Elle s'est par ailleurs discréditée lors du dernier débat télévisé, qui a tourné au match de boxe et pendant lequel elle est apparue incompétente sur de nombreux dossiers.
Emmanuel Macron a donc non seulement bénéficié des faiblesses de sa rivale, mais aussi des profondes divisions qui déchirent la droite comme la gauche après l'élimination de leurs candidats respectifs dès le premier tour de la présidentielle et qui lui ont ouvert un boulevard politique.
Si le "vote républicain" a joué en sa faveur, le futur chef de l'Etat reste pour l'instant le représentant d'une France des "insiders", diplômée, faite de cadres supérieurs et professions intermédiaires, de retraités plutôt aisés, d'électeurs aux revenus plus élevés que la moyenne, dans un pays où le chômage est endémique. Le soutien du vote populaire lui reste très modéré.
Surtout, le score de l'abstention et des votes blancs atteint des niveaux historiques, reflet de la non-adhésion d'une partie considérable des Français au projet d'Emmanuel Macron. Selon un sondage Ipsos, dimanche soir, 43% des électeurs d'Emmanuel Macron ont voté pour lui pour faire barrage à Marine Le Pen, 33% pour le renouvellement politique qu'il incarne et 16% pour son programme.
Dans un contexte où l'abstention, signe d'un refus volontaire des deux candidatures, a crû fortement entre les deux tours et atteint un haut niveau pour un second tour, avec un taux record de votes blancs et nuls sous la Ve République. Il conviendra de ne pas seulement réfléchir en pourcentage des suffrages exprimés officiels, mais aussi de se pencher attentivement sur le pourcentage des inscrits.
La marche législative vers les élections de juin s'annonce parsemée d'embûches. D'autant que la campagne sera courte. Si la présidentielle se joue sur une circonscription unique, les législatives sont la somme de 577 configurations singulières, qui dépendent des cultures politiques locales, des personnalités en lice, de fiefs électoraux.
Les dirigeants d'En Marche! affichent leur confiance, convaincus que les Français, au nom de la cohérence, donneront une majorité à Emmanuel Macron pour lui permettre de gouverner. Mais une forte abstention peut rendre plus difficile à atteindre le seuil de qualification des 12,5% des inscrits pour figurer au second tour des législatives. Des triangulaires et des quadrangulaires pourraient rendre le scrutin incertain.
Selon un sondage Ipsos/Sopra Steria publié dimanche au soir de sa victoire, 61% des Français ne souhaitent pas que le leader d'En marche! dispose d'une majorité à l'Assemblée nationale.