Dernière mise à jour à 09h34 le 10/05
A peine Emmanuel Macron élu à la Présidence de la République, la France est plongée dans une nouvelle bataille cruciale: celles des investitures en vue des élections législatives qui se dérouleront les 11et 18 juin. Les enjeux politiques et financiers de ce scrutin sont multiples, non seulement pour le futur Chef de l'Etat qui doit concrétiser la victoire de son mouvement à l'Assemblée nationale, mais aussi pour les partis traditionnels qui jouent leur survie.
La cacophonie qui régnait mardi autour des déclarations de l'ancien Premier ministre Manuel Valls est annonciatrice de tractations à couteaux tirés et de règlements de compte sanglants pendant les prochaines semaines.
Tandis que le socialiste, qui a appelé à voter pour Emmanuel Macron dès le premier tour de la présidentielle annonçait qu'il se présentait aux législatives sous l'étiquette "La République en Marche", nouveau nom du mouvement créé il y a un an par le président élu, l'équipe du futur Chef de l'Etat rétorquait poliment qu'il n'avait pas été investi. Et les ténors d'un PS, sorti exsangue de la campagne, de crier à la trahison et demander des sanctions contre Manuel Valls.
La liste des candidats investis dans chacune des 577 circonscriptions sous la bannière La République en marche sera connue jeudi, a fait savoir, lundi, le secrétaire général du mouvement, Richard Ferrand. Une liste qui sera scrutée à la loupe.
Emmanuel Macron, qui a promis un renouvellement de la classe politique, est en effet attendu au tournant et doit réussir le tour de force de présenter des candidats, pour la moitié issue de la société civile selon ses engagements, qui soient à même de l'emporter dans un scrutin où l'ancrage des partis traditionnels et la logique de fiefs électoraux a longtemps prévalu.
Une difficulté d'autant plus grande que le mode de scrutin favorise les triangulaires, voire les quadrangulaires et que les candidats de La République En Marche n'auront qu'un mois pour se faire connaître et convaincre les électeurs. C'est donc un grand saut dans l'inconnu.
Le flou qui entoure jusqu'ici les candidatures du mouvement d'Emmanuel Macron a d'autre part été renforcé, lundi, par les déclarations du président de la commission d'investitures Jean-Paul Delevoye. Ce dernier, sur Franceinfo, a indiqué que les candidats issus de la société civile peuvent aussi avoir un mandat local, alors que la société civile, par définition, concerne des individus situés hors de la sphère étatique et politique.
En France, si n'importe qui peut être candidat aux élections législatives à certaines conditions (être français, majeur, inscrit sur les listes électorales, disposer d'un compte de campagne...) sans nécessairement être rattaché à un parti, la question de l'appartenance à un parti reste capitale, pour des raisons de rapports de force sur l'échiquier politique mais aussi pour des questions financières.
Les partis politiques perçoivent de l'argent de leurs adhérents, mais surtout de l'Etat. Un financement public qui dépend en grande partie des résultats aux élections législatives. Les partis percevront une première fraction de ce financement proportionnellement au nombre de voix obtenues au premier tour des législatives par leurs candidats et une deuxième fraction en fonction du nombre de parlementaires qui déclareront leur être rattachés, une fois élus.
Il convient donc de distinguer l'investiture et le "parti de rattachement".
L'investiture est le processus par lequel un parti désigne un candidat pour le représenter dans une circonscription. Il s'agit d'une étiquette politique qui n'est pas forcément celle d'un seul parti. Le parti de rattachement est celui qui recevra les financements si le candidat remporte l'élection.
Les candidats ne sont pas obligés d'en indiquer un, mais ceux qui le font ne peuvent en choisir qu'un (on peut avoir une double étiquette, mais un seul parti de rattachement). Les financements ne seront versés au parti en question que s'il a, lui aussi, désigné le candidat.
Fin mars, Emmanuel Macron a clairement annoncé que le rattachement à la majorité présidentielle devrait être à la fois politique et administratif. D'une part, les candidats investis sous les couleurs de La République En Marche doivent s'engager à voter les applications de son projet à l'Assemblée nationale et à intégrer le groupe parlementaire. D'autre part, ils sont tenus de le déclarer comme "parti de rattachement" afin que les financements lui reviennent.
Une seule exception a été accordée à certains députés du MoDem, le parti du centriste François Bayrou qui a passé une alliance avec Emmanuel Macron avant la présidentielle.
Le Président élu a cependant infléchi sa position sur cette question des investitures.
Son porte-parole, Christophe Castaner, lundi, a laissé entendre qu'un responsable issu du PS ou des rangs de la droite LR/Les Républicains qui porterait les couleurs de La République en marche ne trouverait pas, en face de lui, de concurrent issu directement des rangs du mouvement d'Emmanuel Macron.
Mais cela implique que ces partis traditionnels acceptent les doubles appartenances; ce à quoi ils sont fermement opposés.
A n'en point douter, jusqu'à la date limite de dépôt des candidatures le 19 mai, le climat sera agité.