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Les candidats de La République En Marche n'offrent qu'un "renouveau limité"

Xinhua | 09.06.2017 08h20

Le politologue du CEVIPOF, centre de recherches de Science Po, Luc Rouban, qui vient de réaliser une analyse systématique des profils des 529 candidats de La République En Marche (LREM) aux législatives des 11 et 18 juin, explique, dans un entretien à Xinhua, comment le renouvellement du personnel politique promis par le président Emmanuel Macron reste limité sur le plan sociologique et pointe du doigt les risques de désillusion chez les électeurs.

"On peut noter un certain nombre d'avancées. Un véritable rajeunissement caractérise ces candidats, dont une majorité n'a pas eu de véritable activité partisane. On remarque également une certaine mixité des sensibilités politiques, même si les sensibilités de gauche restent fortement dominantes. Néanmoins, le renouveau s'arrête là. Quand on étudie les trajectoires, on constate en effet que la plupart de ces candidats ont eu dans le passé un engagement de type politique assez diversifié et leurs origines socioprofessionnelles sont particulièrement étroites", résume le directeur de recherche du CNRS (Centre national de la recherche scientifique), qui travaille au CEVIPOF.

Selon son analyse biographique des candidats de LREM, menée sur la base des informations fournies par les fiches de la Société générale de presse, par les journaux nationaux et locaux et par les sites internet, on observe "une parité réelle femmes-hommes puisqu'on y trouve 267 femmes contre 262 hommes". "Leur âge varie de 24 à 72 ans, l'âge moyen étant de 47 ans" et on dénombre "284 novices en politique qui n'ont jamais été élus, ce qui ne veut pas dire qu'ils ne se sont pas engagés", précise Luc Rouban.

"Un tiers de ces novices dits issus de la société civile, qui n'ont jamais encore été élus, ont néanmoins eu dans leur parcours l'occasion d'une socialisation politique", poursuit-il. "La notion même de société civile est d'ailleurs assez ambiguë, puisqu'elle désigne ici des candidats qui n'auraient eu aucune responsabilité électorale à gauche comme à droite pour se consacrer uniquement à leurs affaires privées et qui seraient censés représenter la 'vraie société' au terme d'un raisonnement aux consonances quelque peu populistes", estime-t-il.

Mais surtout, relève le politologue, le "recrutement social des candidats reste étroit". "Si l'on réunit l'ensemble des professions des candidats en trois grands groupes sociaux, on s'aperçoit que les candidats des classes populaires constituent 8,5% du total, alors que les représentants des classes moyennes en constituent 23% et ceux des classes supérieures 68,6%", argumente-t-il.

"Près de 60% des candidats viennent du secteur privé. On enregistre une très forte présence de chefs d'entreprises, surtout de PME ou de TPE, notamment dans le domaine de la gestion des ressources humaines et de la communication, qui constituent plus de 17% des candidats. Le monde des entreprises et des affaires est très bien représenté car il faut ajouter à ces patrons les cadres supérieurs ou dirigeants d'entreprises, qui constituent 20% des candidats et les membres des professions libérales qui en offrent 12%", poursuit le politologue.

Selon lui, "la recherche de nouveaux profils a renforcé une fermeture sociale que les partis politiques traditionnels avaient pu compenser par l'organisation de carrières au sein de leurs appareils, qui permettaient à des candidats d'origine modeste de progresser sur le plan social. C'est donc cette fonction de mobilité sociale ascendante par la politique qui pourrait être remise en cause par la généralisation d'un recrutement direct, ne profitant qu'à des personnes déjà suffisamment dotées en ressources sociales pour tenter l'aventure électorale".

"Emmanuel Macron a capté de fortes attentes citoyennes en matière de renouvellement, d'ouverture et de diversification sociale de la classe politique. Or, la concentration de profils sociaux élitistes, la brochette de candidats qui viennent de la très bonne bourgeoisie locale ou appartiennent à l'univers des cadres et des professions libérales, souvent en cheville avec les politiques, va poser problème par rapport à ces attentes qui ne vont pas disparaître", souligne-t-il. "Il ne faut pas oublier que près de la moitié des électeurs ont voté pour un candidat populiste au premier tour de la présidentielle et que le discours anti-élites rencontre un large écho dans l'opinion."

Le directeur de recherche relève enfin que "le fait de puiser largement les candidats dans le milieu de l'entreprise privée ou des professions libérales, s'il permet de rapprocher la pratique politique du savoir-faire économique, est egalement porteur de risques importants de conflits d'intérêts à moyen ou long terme et ne peut qu'exiger un renforcement drastique des contrôles qui vont devoir peser sur le personnel politique".

(Rédacteurs :Qian HE, Wei SHAN)
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