Dernière mise à jour à 12h45 le 03/09
L'ancrage du Front national (FN) comme de La France insoumise (FI) reflète "le malaise de la société française qui ne peut se reconnaître dans [la politique] du président Macron", estime, dans un entretien accordé à Xinhua, Luc Rouban, politologue au Centre de recherches politiques de Science Po (CEVIPOF), qui pointe "la réactualisation en cours des clivages gauche-droite".
"La moitié de l'électorat, au premier tour de la présidentielle, a voté soit pour Marine Le Pen, soit pour Jean-Luc Mélenchon, soit pour d'autres petits candidats aux orientations populistes, souverainistes et porteurs d'un discours mettant en cause les élites", résume-t-il.
"Passé le choc des élections, les oppositions sont en train de se mobiliser. Les clivages gauche-droite sont en train de se réactualiser, de se réactiver. Ils n'ont pas disparu, les enquêtes de sociologie politique en témoignent. Il y a bien vraiment des Français de droite, des Français de gauche, notamment sur les questions de société, les services publics, l'école... On observe des lignes de fractures assez fortes, face auxquelles le 'en même temps' d'Emmanuel Macron commence à montrer ses limites", affirme-t-il, faisant référence au tic de langage du président, dans lequel ses partisans voient une volonté de rassembler.
Selon le chercheur, le double positionnement libéral du chef de l'Etat sur le plan économique comme sociétal ne cadre pas avec la matrice de l'Hexagone.
"En France, les vrais sociaux-libéraux représentent 6% de l'opinion. La base sociale et idéologique du président reste très faible et son projet de société manque de lisibilité. La chute de sa popularité l'indique", estime-t-il. Dans un tel contexte, "les partis populistes se font les porte-paroles des mécontentements populaires et forment des oppositions infertiles et tribunitiennes", ajoute-t-il.
Interrogé par Xinhua sur l'avenir du Front national, le chercheur souligne que "le FN est en attente de son congrès". "Certes, Marine Le Pen a été critiquée au sein du parti au lendemain de sa défaite ; mais il ne faut pas oublier qu'elle a réuni 10 millions de voix. Le FN est un pôle d'opposition extrêmement puissant dans l'opinion. Son assise électorale a beaucoup progressé en 2007, 2012 et 2017".
"Le FN ne va pas disparaître, tout comme sa logique souverainiste et anti-européenne ne va pas disparaître. Elle pourrait même au contraire être alimentée par des échecs d'Emmanuel Macron sur les dossiers européens, à l'exemple du refus des Polonais que vient d'essuyer le chef de l'Etat au sujet des travailleurs détachés", commente-t-il. Avant de préciser: "Le FN va devoir définir à l'interne une position claire et précise sur l'euro, car ce sont bien ses propositions économiques qui ont fait peur à beaucoup de Français".
Concernant le mouvement de Jean-Luc Mélenchon, La France insoumise (FI), Luc Rouban estime que "si les députés FI font du bruit dans l'hémicycle, ils sont trop peu nombreux pour avoir du poids à l'Assemblée nationale". Jean-Luc Mélenchon, arrivé quatrième à l'issue du premier tour de la présidentielle, avait immédiatement proclamé sa volonté d'incarner l'opposition à Emmanuel Macron. "Il table sur une effervescence populaire pour la journée d'action du 23 septembre. Je ne suis pas sûr qu'elle aura lieu", indique le chercheur.
Selon le politologue, "La France insoumise est rentrée dans une sorte d'utopie institutionnelle, dans une espèce de fuite en avant vers une République populaire, matinée de romantisme révolutionnaire". "Une VIe République, ce n'est pas vraiment la préoccupation première des Français qui se sentent d'abord concernés par la situation économique, le chômage et la sécurité", glisse l'universitaire.
Les partis populistes "ont très peu de chances en l'état d'accéder au pouvoir", estime-t-il. "Ils cristallisent les mécontentements, mais dans les urnes, au final, c'est le principe de la rationalité économique qui prime", conclut-il.