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Les Etats-providence européens face à un dilemme financier

Xinhua | 20.09.2017 09h02

L'Europe était jadis fière de ses Etats-providence, en particulier ceux de l'Europe occidentale et du nord. Cependant, ces pays font aujourd'hui face à un dilemme financier à cause d'une croissance économique morose.

Les dépenses somptuaires sont désormais un lourd fardeau, malgré les efforts continus pour mettre en place des réformes.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, de nombreux pays européens ont établi d'importants systèmes de protection sociale, couvrant la plupart des aspects de la vie de leur population. Les citoyens de ces pays peuvent ainsi bénéficier de diverses allocations, dans les domaines de l'éducation préscolaire, l'éducation fondamentale, le logement, la santé, le chômage et les retraites. Ces systèmes étaient connus pour leur générosité, puisqu'ils assuraient le bien-être de la population "du berceau à la tombe".

Alors que ces systèmes ont amélioré l'égalité sociale et fourni une grande sécurité aux populations pendant des décennies, il est devenu difficile de les financer ces dernières années.

"Aucun système n'est parfait", a déclaré à Xinhua, Juho Saari, professeur de l'Université de Finlande orientale. Selon lui, les Etats-providence s'adaptent régulièrement pour répondre aux nouvelles exigences et, dans l'ensemble, se portent bien.

"Il est parfois évident que nos systèmes incitatifs ne fonctionnent pas de façon satisfaisante, ce qui entraîne une dépendance à l'aide sociale", relève M. Saari, qui a été mandaté par le Premier ministre finlandais Juha Sipila pour diriger un groupe de travail chargé de mettre fin aux inégalités croissantes.

UNE RECESSION ECONOMIQUE

Les systèmes de protection sociale européens étaient basés sur une croissance économique rapide et une augmentation des recettes fiscales. Ils affrontent désormais une série de problèmes sur fond de récession économique.

En 2009, les trois principales agences de notation de crédit ont dégradé la note de la Grèce, membre de l'Union européenne (UE) avec une faible croissance économique, à cause des déficits budgétaires sévères et des niveaux élevés d'endettement du pays, déclenchant le début de la crise de la dette en Grèce. Cette crise a non seulement exposé la rigidité structurelle de la zone euro, mais a également mis en garde contre les risques de maintien d'un grand système de protection sociale.

De 2012 à 2014, par exemple, l'économie finlandaise a connu une croissance négative pendant trois années consécutives et est devenue l'une des économies les moins performantes de l'UE. Le gouvernement de l'époque a estimé qu'il y aurait un déficit de financement de dix milliards d'euros (12 milliards de dollars) pour le secteur de la protection sociale au cours des 15 prochaines années.

La situation en Finlande n'est pas une exception. Plusieurs pays européens sont confrontés à une situation complexe en ce qui concerne le maintien du système social. Pour lutter contre ce problème, les pays européens ont essayé de réformer les structures aux niveaux national et européen, faisant face à de nombreux défis et manquant de résultats.

UNE SOCIETE VIEILLISSANTE

L'un des plus grands défis est la fin de l'ère du dividende démographique. Selon M. Saari, le taux de dépendance est un risque majeur pour les systèmes de protection sociale. Etant donné que les pays européens ont des sociétés "vieillissantes", la population active portera un fardeau plus lourd pour soutenir ceux hors travail.

De nombreux gouvernements européens tentent d'étendre la durée de la vie professionnelle, de réduire le soutien social, d'encourager les personnes âgées à prendre soin d'elles-mêmes et d'appeler les membres de la famille à assumer partiellement la responsabilité de soutenir leurs proches.

Par ailleurs, depuis 2015, un grand nombre de demandeurs d'asile arrivent en Europe depuis le Moyen-Orient. Pour des raisons humanitaires, les Etats hôtes leur fournissent un soutien de base, notamment des services de santé, nourriture, logement et éducation de base, qu'ils aient ou non l'autorisation de rester dans le pays.

La Suède, auparavant considérée comme un modèle de bien-être, a accueilli 163.000 réfugiés en 2015. Face à une crise du logement, de l'éducation et des services de santé, le gouvernement suédois a dû modifier sa politique imposée aux municipalités concernant les réfugiés, d'acceptation volontaire à accueil obligatoire.

Marten Blix, chercheur à l'Institut de recherche en économie industrielle, affirme que la crise des réfugiés aura un impact sur le modèle suédois.

La Suède figure parmi les pays dotés des salaires les plus élevés au monde, mais de nombreux réfugiés ont peu d'éducation et sont mal adaptés au marché du travail. "C'est une très mauvaise combinaison et les statistiques parlent d'elles-mêmes", a noté M. Blix.

LES ALLOCATIONS EXCESSIVES

Au cours du processus d'institutionnalisation des systèmes de protection sociale, certains économistes n'ont cessé de prévenir que des allocations excessives pourraient devenir des exigences solides.

Christophe Brochard, économiste de l'Université de Strasbourg, a déclaré dans une interview à Xinhua que les employés et les entrepreneurs sont "les uns contre les autres dans la mesure où le sentiment d'intérêt public a été perdu".

M. Brochard a également critiqué les "organismes intermédiaires", qui "sont très puissants, défendent leurs intérêts acquis et manquent de volonté de réforme".

Selon un rapport de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), les Etats-providence européens, avec leur sécurité d'emploi sur-protectrice, leur salaire minimum élevé, leur généreuse assurance-chômage, leur lourde taxation, l'importance primordiale donnée à la négociation salariale coordonnée et au dialogue social, ont augmenté les coûts du travail au-dessus des niveaux de compensation du marché. La Stratégie pour l'emploi de l'OCDE, publiée en 1994, avait examiné la performance du marché du travail dans les systèmes de protection sociale et suggéré une réforme globale afin de réduire les allocations excessives.

De toute évidence, cette suggestion était une mission impossible pour les sociétés démocratiques européennes. "Au niveau des électeurs moyens, il est clair que vous ne pouvez pas gagner les élections nationales avec un programme anti-Etat-providence", a souligné M. Saari.

M. Saari a recommandé des modèles de "flexisécurité", comme au Danemark. "Un nouveau modèle d'Etat-providence pourrait émerger et il comportera probablement les éléments des modèles de flexisécurité, avec des réformes du marché du travail, des modèles de politiques actives du marché du travail, un apprentissage tout au long de la vie et des politiques sociales plus proactives", a-t-il précisé.

(Rédacteurs :Guangqi CUI, Wei SHAN)
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