Dernière mise à jour à 08h49 le 21/11
La France, pays où séjourne depuis samedi le Premier ministre démissionnaire libanais Saad Hariri, explique son implication dans le dossier par une "volonté de contribuer à un retour au calme et à la stabilité" au Pays du cèdre. Mais par la même occasion Paris cherche à se positionner en leader au Moyen-Orient.
La démission - sous la pression des autorités saoudiennes selon les observateurs - de M. Hariri le 4 novembre dernier depuis Riyad a été une occasion pour Paris de jouer à fond la carte de la diplomatie pour reprendre la main au Liban et dans la région.
C'est d'abord le président français Emmanuel Macron qui a effectué en personne un voyage éclair à Riyad le 9 novembre, soit quatre jours après l'annonce de la démission de M. Hariri.
Puis au tour du chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, de rencontrer le Premier ministre démissionnaire et les autorités saoudiennes. Résultat : Saad Hariri a été invité en France où il séjourne depuis samedi, avant un éventuel retour au Liban pour assister à la célébration de la fête nationale prévue mercredi.
"Nous sommes convenus que je l'invitais pour quelques jours en France avec sa famille. C'est aussi un geste d'amitié, une volonté marquée de la France de contribuer au retour au calme et à la stabilité au Liban", avait déclaré M. Macron.
L'objectif stratégique de cette manoeuvre est certes de contribuer au "retour de la stabilité" au Liban, mais aussi de se positionner sur le plan politique et économique dans la région.
Il s'agit donc selon les spécialistes "d'une première victoire de la diplomatie française qui va ainsi éviter la crise au Liban", fortement influencé à la fois par l'Arabie saoudite sunnite et l'Iran chiite, deux puissances de la région en conflit permanent.
"Macron s'est positionné comme un médiateur et, avec lui, la France (...) Saad Hariri a présenté sa démission dans un pays étranger. L'affaire tenait de la crise diplomatique et en même temps il y avait quelque chose d'un kidnapping médiatico-diplomatique", a analysé sur Europe 1 Joseph Maïla, professeur de relations internationales à l'Essec et spécialiste du Moyen-Orient.
Cette crise libano-saoudienne permet également à la France de se positionner en leader au Moyen-Orient, notamment avec le retrait des Etats-Unis de la région.
"La France était jugée trop proche du Qatar. En offrant une porte de sortie à Riyad dans ce dossier, elle fait un nouveau pas vers l'Arabie saoudite et rééquilibre ses relations au Proche-Orient", a expliqué au journal 20 Minutes le géopolitologue Frédéric Encel.
Mais cette stratégie de positionnement revêt également un aspect économique, selon le spécialiste. "L'enjeu est aussi économique pour la France, qui renforce ainsi son positionnement pour remporter des marchés commerciaux dans ce pays, notamment dans le domaine de l'armement", a ajouté M. Encel.
Dans un article intitulé "Pourquoi la France s'implique autant dans la crise Liban-Arabie saoudite", le site d'information Huffington post France explique sur le plan économique l'implication de la France par un plan ambitieux du prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, à l'horizon 2030 baptisé "projet Neom".
Ce projet, note l'article, va "représenter 500 milliards d'euros de marchés à saisir. Et comme ses prédécesseurs à l'Elysée, Emmanuel Macron rêve que la France se taille la part du lion dans ce gâteau colossal".
A Paris, Saad Hariri a remercié le président Macron pour son soutien ainsi que la France. "La France a montré encore une fois la grandeur de son rôle dans le monde et la région. Elle prouve son attachement au Liban et à sa stabilité", a-t-il indiqué.
Cette crise intervient à une période de forte tension entre l'Arabie saoudite et l'Iran. Riyad a accusé le 6 novembre dernier Téhéran d'avoir commandité des transferts d'armes et un tir de missile des rebelles houthistes vers l'Arabie saoudite.