« Il est catastrophique pour une styliste de chercher à maximiser les bénéfices »
Suite à son défilé à Paris, les Européens n'ont pas oublié le nom de Ma Ke. En mai 2008, elle a été invitée à présenter sa collection Wuyong au Victoria and Albert Museum au Royaume-Uni. En septembre 2008, Ma Ke a reçu un prix lors de la 11e édition du Fonds du prince Claus au Pays-Bas. « Dans l'industrie du stylisme contemporain, une voix courageuse et puissante s'est élevée. Elle s'est détachée de l'industrie de la mode pour nous créer des vêtements simples, rustiques, inspirés par la vie. Ma Ke fait l'objet de notre reconnaissance et de notre appréciation », avait estimé le jury.
Toutefois, suite au débat animé que son voyage à Paris avait soulevé dans le milieu de la mode, Ma Ke avait vécu quasiment en ermite, hors du champ des médias. Si la première dame n'avait pas insufflé un nouvel élan à sa notoriété, Ma Ke serait restée dans l'ombre, bien que cet état n'eût sûrement pas déplu à la couturière. Évoquant sa soudaine renommée, Ma Ke a indiqué : « Je vais continuer de vivre comme par le passé. Toute richesse et gloire ne sont qu'illusoires. »
En effet, hormis pour ces deux défilés à Paris, les médias écrivaient rarement au sujet de Ma Ke. Née en 1971 à Changchun, chef-lieu de la province du Jilin (au Nord-Est de la Chine), elle est sortie diplômée en arts appliqués du Suzhou Institute of Silk Textile Technology (Jiangsu) en 1992. Puis, elle a rejoint une entreprise à Guangzhou, dans laquelle elle a travaillé en tant que styliste pendant trois ans. « Au travers de cette expérience, j'ai compris que rechercher à maximiser les bénéfices, l'objectif prioritaire de l'entreprise, n'en était pas moins catastrophique pour une styliste », a avoué Ma Ke.
En 1996, Ma Ke et Mao Jihong ont fondé leur propre entreprise, Zhuangtai (« état »), et nommé leur marque Liwai (« exception »). Ma Ke était alors directrice de la conception – elle est aujourd'hui directrice artistique. « Nous avons créé notre propre marque, à moitié par frustration, à moitié par mécontentement, se rappelle Ma Ke. Je ne m'intéresse pas aux choses populaires et stéréotypées. Je me suis dit que je devais faire quelque chose de différent, quelque chose d' “exception''. »
En 2006, Ma Ke a établi à Zhuhai un studio pour commencer sa collection Wuyong. À la différence de Liwai, Wuyong n'est pas une marque dans le contexte où elle ne fait l'objet d'aucune stratégie d'entreprise ou planification de produits, ni de positionnement ou d'objectifs d'affaires ; depuis sept ans qu'elle existe, les vêtements ne sont pas commercialisés en magasin. Tel est le statut de Wuyong selon Ma Ke : « Il s'agit d'un groupe d'intérêt public dédié à la transmission et à l'innovation des arts appliqués traditionnels, qui a pour but de mettre à l'honneur, à travers sa gamme de produits fabriqués soigneusement à la main, la simplicité de la vie, ainsi que la quête de la croissance spirituelle et de la liberté. »
Devant le public, Ma Ke se montre discrète et taciturne. « Je n'aime pas m'exprimer au moyen de paroles, je suis plus disposée à faire parler mes créations à ma place. Les œuvres font preuve d'une grande honnêteté car elles laissent entrevoir le cœur et le monde spirituel de leur auteur. D'abord créatrice de mode, puis créatrice de vêtements et enfin créatrice tout court, j'ai manqué de devenir artiste. Désormais, je ne suis plus rien. »
*HE XIAO est journaliste pour la revue Lifeweek.