L'auteur explore la palette des couleurs chinoises et nous dépeint leur symbolique.
Les couleurs nous permettent de décrire le monde qui nous entoure. Chacune revêt aussi une connotation particulière propre à une culture. En Chine, il existe cinq couleurs dites « traditionnelles » (五颜, wǔ yán), classées selon un ordre précis, qui n'est pas étranger à la philosophie des cinq éléments.
Mais avant de vous faire un dessin, un point sur le mot « couleur » en chinois : 颜色 (yánsè). En chinois ancien, le caractère 颜 désigne « le visage ». Beaucoup d'expressions liant face et couleur sont employées pour désigner le teint ou l'humeur comme 脸色、面色、颜面 (liǎnsè, miànsè, yánmiàn) et on peut lancer à quelqu'un 今天脸色好! (jīntiān liǎnsè hǎo, Tu as bonne mine aujourd'hui !).
Dès l'antiquité, une couleur a été associée à chacun des cinq éléments chinois. Le vert 青 (qīng) est ainsi associé au bois, le jaune 黄 (huáng) à la terre, le rouge红 (hóng) au feu et le blanc 白 (bái) au métal. Plus difficile à comprendre, l'analogie du noir黑 (hēi) avec l'eau, qui tire peut-être son origine du Yi Jing, dans lequel le noir correspondait à la couleur des profondeurs.
Pourquoi les Chinois associent-ils à la terre le jaune, alors que nous serions tentés d'y affilier le marron ou le vert ? Peut-être parce que le berceau de la culture chinoise se situe sur le plateau du fleuve Jaune 黄河 (huánghé), ou plateau de la terre jaune 黄土 (huángtǔ). D'ailleurs, selon les légendes antiques, le père de la nation chinoise serait un empereur jaune 黄帝 (huángdì).
Les habits de l'empereur sont d'ailleurs traditionnellement jaunes, tout comme les tuiles de la Cité interdite. La tradition antique attribuait aussi aux couleurs un point cardinal : est, ouest, sud, nord et centre. Le jaune était assimilé au centre, et l'empereur étant celui qui contrôlait la terre du pays, il se devait d'adopter cette couleur.
Le rouge 红 est la couleur la plus symbolique de la culture chinoise. Elle a même été consacrée par notre culture au travers de l'expression « rouge chinois ». Et c'est d'ailleurs en rouge que s'est illuminée la tour Eiffel pour l'Année de la culture chinoise en France !
Cette couleur est utilisée pour presque toutes les grandes occasions : la fête du Printemps, les mariages et les naissances. Couleur du sang et du feu, elle symbolise la vitalité. Ainsi, on souhaite aux jeunes mariés une vie rouge et flamboyante (红红火火, hónghóng huǒhuǒ). On dira de quelqu'un qui est populaire qu'il est rouge (很红, hěn hóng). 红颜 (hóngyán, couleur rouge) ne désigne pas une personne à la peau rouge, mais une fille avec laquelle un homme possède des affinités...
Le glauque 青, un type de bleu-vert, est une couleur à connotation plutôt méliorative. Elle représente le printemps et la jeunesse. La jeunesse, qui se dit d'ailleurs « vert printemps » 青春 (qīngchūn), les jeunes se traduisant par 青年 (qīngnián, littéralement « âge vert »). Le bleu se désigne par 蓝 (lán) et est plus souvent utilisé pour décrire le ciel 蓝天 (lántiān). Telle est également la couleur des tuiles du temple du Ciel.
En Chine, comme un peu partout dans le monde, le noir symbolise le caractère sérieux, cérémonial. Il s'agissait de la couleur des dignitaires impériaux et autres mandarins. Un peu comme les robes de nos avocats... Le noir exprime aussi le secret en chinois, ce qui est fait dans l'ombre. C'est pourquoi la mafia se traduit par « société noire » (黑社会, hēi shèhuì), l'argent sale par黑钱 (hēiqián) et les travailleurs clandestins par 黑工 (hēigōng).
À l'inverse de notre culture, le blanc est en Chine non pas la couleur de la pureté et du mariage, mais celui de la malignité et de l'enterrement. Ainsi, mariage et enterrement, les deux étapes les plus importantes de la vie, sont désignées par « l'évènement rouge et l'évènement blanc » (红白大事, hóng bái dàshì). Les acteurs de l'opéra de Pékin portant le masque blanc jouent le rôle des méchants, ce qui se traduit par 唱白脸 (chàng báiliǎn, « interpréter les faces blanches »). Une personne dont les dents rayent le parquet est appelée « un loup avec des yeux blancs » (白眼狼, báiyǎn láng). Le blanc peut aussi vouloir dire des efforts vains, comme dans l'expression 白说了(bái shuōle, c'est comme si je n'avais rien dit).
Dans toutes les langues, les couleurs, au-delà de leur rôle descriptif, véhiculent un sens particulier. Un dernier exemple pour conclure : lorsque l'on menace un ennemi avant de se battre en Chine – bien que cela n'arrive que très rarement, on annonce « je vais te donner un peu de couleur pour voir ! » (给你点颜色看看!, gěi nǐ diǎn yánsè kànkàn).