Li Minglan déteste la Fête du Printemps, en particulier le bruit des pétards.
Cette femme de 58 ans, habitante de Wuhan, capitale de la Province du Hubei, dit que cette occasion lui rappelle les réunions de famille heureuses.
« Mais aujourd'hui, ce n'est que sur sa tombe que je peux voir mon fils », dit Mme Li, qui a perdu son fils unique à cause d'une hémorragie cérébrale en 1999. Il avait 21 ans.
Mme Li n'est pas la seule dans ce cas. A la fin de l'année dernière, 355 000 parents âgés de 49 ans ou plus avaient perdu leur enfant unique, selon un avis de la Commission Nationale de la Santé et de la Planification Familiale publié jeudi.
C'est la première fois que la Commission reconnait ouvertement un tel chiffre. Les estimations précédentes avaient évalué ce nombre à environ 10 millions de foyers.
« Pleinement consciente des difficultés auxquelles ces parents sont confrontés, en particulier quand il s'agit de soins aux personnes âgées, le traitement des maladies graves et le réconfort émotionnel, la Commission souhaite l'adoption de politiques favorables pour les soutenir », a précisé l'avis.
Aucun calendrier de ces politiques n'a cependant encore été établi.
Depuis l'année dernière, la Commission a réalisé une série d'études sur le terrain dans 10 provinces, qui seront utiles aux futures mesures de soutien.
Mme Li, qui a fondé en 2007 l'Association des Familles Cœur-à-cœur, un groupe d'entraide pour les parents, dit que des politiques de niveau national sont attendues depuis longtemps. « Sans elles, les gouvernements locaux ne peuvent pas suivre », a-t-elle ajouté.
Son organisation compte 300 ménages à Wuhan, avec des âges allant de 50 à 67 ans. Partout dans la ville, il y a plus de 6 000 familles, a-t-elle dit, citant des chiffres du précédent recensement de la population.
« La plupart sont depuis longtemps aux prises avec un faible soutien financier du gouvernement et avec l'angoisse mentale à long terme liée à la perte d'un enfant », a déclaré Mme Li. « Perdre un enfant, c'est comme voir tout espoir dans la vie familiale anéanti, et c'est encore plus difficile et plus traumatisant pour les femmes qui ne peuvent plus concevoir ».
Du fait de programmes limités de sécurité sociale, les familles et les enfants jouent toujours un rôle majeur dans les soins aux personnes âgées sur le continent chinois, dit Yuan Xin, professeur d'études démographiques à l'Université Nankai.
Les familles avec un enfant suivent la politique de planification familiale, sacrifiant leurs intérêts et droits propres pour décider de la taille de la famille, donc « en particulier ceux qui ont perdu leur enfant, devraient bénéficier d'une compensation de la part du Gouvernement, à la fois financièrement et psychologiquement », a-t-il dit.
Depuis 2007, la Commission de la population a lancé des politiques de soutien aux parents âgés de 49 ans et plus qui ont perdu leur enfant dans un accident ou à cause d'une maladie, a précisé l'avis.
A Wuhan, en 2009, les parents comme Mme Li ont commencé à recevoir une subvention mensuelle de 150 Yuans (24,50 Dollars US) par personne. Ce chiffre est passé à 210 yuans l'année dernière, a dit Mme Li, qui a ajouté : « C'est encore assez faible. Nous espérons au moins 1 000 Yuans par parent par mois ».
Ces politiques de soutien varient de région à région.
M. Yuan pense qu'il est difficile que des mesures exactes puissent être uniformes, étant donné les situations réelles et les besoins différents.
Selon la Commission, dans la Province du Jilin, les projets gouvernementaux ont été lancés, principalement pour fournir un soutien mental à ces familles.
D'autres mesures telles que le soutien technique gratuit à la reproduction chez ceux qui sont capables et désireux d'avoir un autre enfant, et les programmes de sécurité sociale offrant des soins et des assurances médicales pour les personnes âgées ont également été mises en œuvre dans certaines provinces, a-t-il ajouté.
Mme Li dit que cela ne suffit pas. « Nous aimerions que le gouvernement mette en place un organisme spécial qui prenne soin de parents comme nous, surtout quand on est vieux, malade ou qu'on ne peut plus vivre de manière autonome », dit-elle.
Cependant, M. Yuan dit que ce n'est pas possible et a ajouté : « Nous ne pouvons pas compter sur le gouvernement pour prendre soin de tout et ces choses doivent être assurées par des forces sociales comme des ONG ».