Une enquête récente a montré que plus des deux tiers des Chinois ont une attitude ouverte et tolérante à l'égard de l'euthanasie, qui depuis longtemps fait débat -et est interdite- dans le pays.
Selon l'enquête, menée par le centre de recherche sur l'opinion publique de l'Université Jiaotong de Shanghai, environ 70% des plus de 3 400 résidents de 34 villes qui ont été interrogés ont déclaré qu'ils ne s'opposent pas à l'euthanasie ou peuvent en accepter l'idée.
Le sondage, publié la semaine dernière, a été réalisé par le biais d'une interview téléphonique assistée par ordinateur.
« L'euthanasie est un sujet largement discuté dans le monde entier », a déclaré Zhong Yang, le directeur du centre de recherche. « En Chine, l'attitude des gens face à la mort a changé avec le temps, et plus de gens espèrent mourir sans douleur ».
Le sujet de la mort a longtemps été tabou en Chine.
Dans la tradition chinoise, le mot « mort » est considéré comme portant malchance et n'est pas mentionné, surtout lors de jours particuliers comme les anniversaires et les jours fériés, quand des personnes âgées sont présentes. Dans la plupart des cas, les gens ne ménagent aucun effort pour obtenir les meilleurs soins médicaux disponibles pour prolonger la vie de leurs proches qui sont en phase terminale d'une maladie, même si ce n'est que pour un court laps de temps.
Au cours des dernières années, une série de cas de suicide assisté, soi-disant pour soulager la souffrance, a donné lieu à un débat national sur l'euthanasie, qui est interdite en vertu de la loi chinoise actuelle.
En 2011, un agriculteur de 70 ans, Zhong Yichun, de la Province du Jiangxi, a été condamné à deux ans de prison pour négligence criminelle ayant causé la mort d'une autre personne, après que M. Zhong ait aidé son ami, Zeng Qingxiang, à se suicider. M. Zeng souffrait d'une maladie mentale et avait prié Zhong de l'aider à se suicider à plusieurs reprises. Selon la police locale, M. Zhong avait enterré M. Zeng, qui avait fait une overdose de somnifères.
À Guangzhou, un travailleur migrant de 41 ans, Deng Mingjian, a admis l'achat de pesticides à la demande de sa mère paralysée pour l'aider à mettre fin à sa vie. Il avait à l'origine déclaré sa mort à la police en mai 2011 comme étant de cause naturelle.
Mais si beaucoup de gens éprouvent de la sympathie à l'égard du principe de l'euthanasie, le système juridique actuel la considère comme une forme d'homicide criminel.
« Lorsque la qualité de vie des gens est pire que de mourir, ils ont le droit de décider de leur mort. Seules les personnes malades peuvent connaître pleinement leur propre douleur, et leur volonté doit être respectée », a déclaré Wang Lin, 30 ans, qui travaille aujourd'hui à Shanghai.
« Mon grand-père a passé ses derniers jours dans des douleurs extrêmes, bien que toute la famille ait fait tout ce qu'elle pouvait faire pour le sauver », dit-elle. « C'était par pur amour, mais pour la personne malade, ce ne fut pas aussi utile que prévu ».
Yu Hai, professeur de sociologie à l'Université Fudan de Shanghai, a déclaré que l'euthanasie est une question complexe qui comprend de nombreux facteurs, comme des questions d'éthique, de jurisprudence, et de traitements médicaux et de technologie.
« Bien que, subjectivement, de nombreuses personnes s'identifient à l'euthanasie, il est difficile de conclure qu'ils la pratiqueraient dans la réalité », a déclaré le professeur Yu au China Daily.
Selon lui, la Chine n'est pour l'instant pas prête à légaliser l'euthanasie.
« Il est trop tôt pour pratiquer l'euthanasie dans le pays en ce moment. C'est peut-être plus facile d'étudier les moyens de permettre aux gens de mourir dans la dignité et d'atténuer la douleur », dit-il.
En effet, certains ministères et organismes sociaux ont commencé à offrir des services de soins palliatifs aux personnes en phase terminale d'une maladie.
Dès 2006, une campagne intitulée Choix et Dignité a été lancée à Beijing, appelant à une approche différente de la mort. Elle se promet de permettre aux êtres aimés de mourir dans la dignité plutôt que de prolonger leurs souffrances. Son site a été visité près de 1 million de fois, et à la date d'août de cette année, plus de 10 000 personnes s'y étaient inscrites et avaient signé des testaments de vie, qui décrivent leurs choix face à la mort.
En 2012, Shanghai a annoncé son intention de fournir des soins palliatifs aux patients mourants atteint de cancer ayant besoin de centres de santé communautaires locaux pour bénéficier de soins palliatifs. D'autres villes du pays comme Shenzhen, Guangzhou et Tianjin ont procédé à des travaux similaires.
Contrairement aux soins médicaux traditionnels, ce genre de soins palliatifs a pour but de faire que les patients se sentent à l'aise et de soulager leur douleur plutôt que de les guérir. Ces soins proposent un programme complet destiné aux patients qui font face à une maladie mortelle dans les derniers mois ou jours de leur vie. Le personnel, bien formé, travaille à répondre aux besoins spirituels, émotionnels et physiques de patients en phase terminale.
« Les patients qui sont ici n'ont en principe pas plus de 90 jours à vivre. Ce que nous faisons est de soulager leur douleur autant que possible, en essayant de leur faire passer la dernière période de leur vie dans la dignité », a déclaré Chen Qi, une infirmière du centre de services de santé communautaire Linfen de Shanghai. Fondé en 1995, le centre fut l'un des premiers hôpitaux de Chine à fournir des soins palliatifs aux patients atteints de cancer mourants.