Dernière mise à jour à 09h26 le 24/02
Aux termes d'une nouvelle loi, l'Irlande vient de criminaliser l'achat de prestations sexuelles ; selon elle, ce texte vise à lutter contre le trafic sexuel et à protéger des centaines de femmes vulnérables plongées dans la prostitution. Ce faisant, l'Irlande suit le Canada, la Suède, la Norvège, l'Islande et l'Irlande du Nord en adoptant une loi visant à punir les hommes qui recourent à des prostituées, sans pour autant criminaliser ceux ou celles qui sont contraints à la prostitution. Néanmoins, certaines travailleuses du sexe affirment que la répression va faire basculer la prostitution dans la clandestinité, ce qui risque de mettre les femmes en grand risque en les forçant à travailler dans des zones plus isolées.
En vertu de la nouvelle loi qui est entrée en vigueur mercredi, toute personne condamnée pour avoir recouru aux services d'une prostituée en Irlande fait désormais face à une amende maximale équivalente à 525 Dollars US pour une première infraction et de 1 050 Dollars US pour une seconde. Et quiconque achètera les services d'une femme victime de la traite pourra être puni d'une peine allant jusqu'à cinq ans de prison. « Cette loi imposera, pour la première fois de notre histoire, une responsabilité juridique aux exploiteurs plutôt qu'aux exploités », a déclaré Rachel Moran, une militante qui a travaillé pendant sept ans comme prostituée à partir de 15 ans et a été à la tête des appels à la réforme. « Cela aura pour effet d'éduquer les générations futures ... comme la simple injustice d'acheter votre chemin dans le corps de quelqu'un d'autre, et elle définira enfin la prostitution comme l'acte de violence qu'elle est ».
Mais les opposants disent que la nouvelle loi signifie que les travailleuses du sexe n'ont pas le temps d'évaluer un client ou de négocier avant de sauter dans sa voiture. Laura Lee, travailleuse du sexe et diplômée en droit, estime pour sa part que les attaques contre les travailleuses du sexe vont augmenter et que le trafic sexuel en Irlande risque d'exploser. « Cela n'a rien à voir avec le trafic -c'est un écran de fumée », dit-elle. « C'est une abolition masquée et une tentative de mettre un terme à la prostitution. Nous devrions plutôt rechercher les femmes les plus vulnérables de la société, et ne pas essayer de rendre leur vie dix fois plus difficile ». En revanche, le gouvernement irlandais, qui a eu des consultations avec des groupes des deux côtés du débat, affirme que les recherches menées en Suède et en Norvège n'ont pas conclu que les prostituées étaient plus à risque après ce genre de réforme.
Ruhama, un groupe de soutien aux femmes affectées par la prostitution et co-fondateur de la campagne irlandaise « Turn Off The Red Light » qui a pour ambition de mettre fin à la prostitution et au trafic sexuel, estime que des centaines de femmes ont été victimes de la traite en Irlande. Il estime que plus d'un quart des femmes qu'il a aidées ont été victimes de trafic et proviennent de pays comme le Nigeria, le Brésil, la Colombie, la Roumanie et la Bulgarie. « Nous voyons des femmes totalement trompées, on leur dit qu'elles auront un emploi de nounou et qu'elles apprendront l'anglais, mais elles sont placées directement dans un bordel », a déclaré Sarah Benson, directrice de Ruhama. « Certaines sont brisées, elles peuvent être violées par ceux qui les ont fait venir ou les avoir reçus dans ce pays ».
Ruhama a par ailleurs précisé que ces femmes sont souvent piégées par la dette après qu'on leur ait dit qu'elles devaient rembourser des sommes importantes pour leur passeport, leur billet d'avion et leur loyer. Selon Mme Benson, bien que la loi ne mettra pas fin à la prostitution, elle rendra l'Irlande moins attrayante pour les trafiquants, car elle permettra de réduire la demande. La nouvelle loi sur les infractions sexuelles renforce également les lois sur l'exploitation des enfants et la pornographie.