Le ministre algérien de la Justice, garde des Sceaux Tayeb Louh a nié en bloc jeudi les propos tenus par les juges français accusant son pays d'entraver l'enquête qu'ils mènent sur l'assassinat en mai 1996 de sept moines trappistes, après qu'ils eurent été enlevés de leur monastère situé dans la localité de Tibehirine, relevant de la province de Médéa (80 km au sud-ouest d'Alger).
"La justice algérienne fait son travail. D'ailleurs, un juge algérien est actuellement à Paris dans le cadre de cette enquête", a rétorqué M. Louh, à une question d'un journaliste en marge d'une séance plénière consacrée aux questions orales au Sénat.
Selon le ministre, "les procédures judiciaires entamées dans le cadre de cette enquête se font normalement". Et de rappeler que cette enquête est "chapeautée par un juge algérien".
Selon la radio France Inter, les deux juges français en charge du dossier et les experts qui les accompagnaient la semaine dernière pour exhumer les têtes des sept moines sont repartis en France déçus, et les proches de ces victimes sont "en colère", parce qu'Alger a refusé de les laisser repartir avec les scellés.
Les juges français voulaient à travers des prélèvements sur les têtes des moines confirmer si ces derniers étaient égorgés ou décapités après leur mort.
Le fait de déterminer comment sont morts les moines ne permettra pas en soi de trancher entre la version officielle, un assassinat par le Groupe islamique armé, et d'autres hypothèses autour d'une bavure ou d'une manipulation de l'armée algérienne. Mais cet élément permettrait aux juges Marc Trévidic et Nathalie Poux d'accréditer ou d'écarter certains témoignages, explique France Inter.
Le 21 mai 1996, un communiqué du Groupe islamique armé (GIA, un groupe qui semait la terreur en Algérie dans les années 90) annonçait l'exécution des moines, un mois après leur enlèvement.
Neuf jours plus tard, les têtes des moines ont été retrouvées au bord d'une route non loin de Médéa, tandis que le lieu où sont les restes des corps demeure inconnu. Depuis, leurs familles ne cessent de demander la vérité sur les circonstances exactes de leur assassinat.
Ces familles ont même demandé au président français François Hollande lorsqu'il a effectué une visite fin décembre en Algérie, "d'intervenir à nouveau afin de lever les entraves apportées à la poursuite de l'instruction".
Pour sa part, Alger avait longtemps considéré que la venue d'un juge français pour enquêter sur une affaire qui s'est déroulée sur son territoire, et de surcroît vouloir impliquer son armée et discréditer des terroristes, relevait de l'ingérence et de la mauvaise-foi.