Des Burkinabè émettent des doutes sur le potentiel du gouvernement de transition, mis en place dimanche dernier et composé de 26 membres, qui conduira le pays durant un an jusqu'à l'organisation des élections en 2015.
"La présence de cinq militaires dans l'équipe gouvernementale, la profusion d'enseignants de droit et de personnes inconnues sont de nature à mettre le doute sur le potentiel de ce gouvernement à relever les deux défis qui se posent à lui. A savoir, créer la confiance du peuple et répondre aux demandes du peuple par des actions fortes et rapides du gouvernement", a estimé Siaka Coulibaly, analyste politique.
Le président intérimaire Michel Kafando et le Premier ministre, lieutenant-colonel Yacouba Isaac ZidaLes, occupent deux ministères majeurs, respectivement le ministère des Affaires étrangères et le ministère de la Défense.
L'armée occupe aussi l'Administration territoriale, la Sécurité, les Mines et les Sports.
Selon M. Coulibaly, la logique aurait voulu que l'on désigne, à la tête des départements ministériels, des personnes qui connaissent bien les problèmes de l'Etat et qui ont assez de capacités et de personnalité pour faire la rupture.
Parmi les 26 membres de l'équipe de transition figurent plusieurs technocrates qui "ne sont malheureusement pas à leur place", a ajouté le politologue.
Il a pris pour preuve le ministère en charge de l'urbanisme qui sera assuré par le juriste René Bagoro.
Outre cela, des trois candidats malheureux à la présidence de la transition, seule Mme Joséphine Ouédraogo a été appelée à la tête du ministère de la Justice.
"Si l'option de l'ancrage populaire avait été retenue, alors, Sy Cheriff et Newton Ahmed Barry (tous des journalistes) auraient dû figurer dans le gouvernement, comme Joséphine Ouédraogo, car ayant reçu l'onction populaire par leur proposition comme candidat à la présidence par la société civile", a-t-il ajouté.
Certains membres du gouvernement de Zida, dont Adama Sagnon, en charge de la culture, ne sont pas bien appréciés des Burkinabè.
"C'est parfaitement une erreur de casting avec, surtout Adama Sagnon", a déclaré un journaliste burkinabé, selon lequel Adama Sagnon doit beaucoup d'explications sur l'affaire Norbert Zongo, journaliste d'investigation tué en 1998 dans des circonstances non encore élucidées.
Norbert Zongo, directeur de la publication de l'hebdomadaire privé "L'Indépendant, avait été retrouvé mort calciné dans sa voiture avec trois compagnons en 1998, à une centaine de kilomètres au sud de Ouagadougou, au moment où il enquêtait sur la mort de David Ouédraogo, chauffeur du frère cadet du chef de l' Etat, François Compaoré.
Le 18 juillet 2006, Adama Sagnon, à la tête du ministère public avait prononcé un non-lieu du dossier.
"Il paraît que c'est lui qui a enterré le dossier de Norbert Zongo. Nous ne voulons pas de lui. Je ne sais même pas pourquoi on l'a appelé", s'est interrogé Issouf Ouédraogo, étudiant en deuxième année à l'université de Ouagadougou.
D'autres personnes apprécient moins la représentativité " insuffisante" des femmes dans ce nouveau gouvernement. "J'ai dû comprendre qu'il y a quatre femmes seulement dans l'équipe. Je pense que c'est une négligence. Ce n'est pas normal", a dit Micheline Yaméogo, enseignante.
Le porte-parole des organisations féminines du Burkina Faso, Dakouré Séré Haridiata, avait plaidé pour l'octroi d'un quota de 30% aux femmes au sein des futures instances de la transition.
Le 30 octobre, le Burkina Faso, petit pays sahélien situé au coeur de l'Afrique de l'Ouest, a connu un soulèvement populaire, qui a contraint Blaise Compaoré à démissionner après 27 ans de règne.
Avec plus de 17 millions d'habitants dont environ 40% sont des jeunes, l'économie du Burkina Faso repose sur une agriculture tributaire des aléas climatiques.
"Avec le gouvernement en place, beaucoup de Burkinabè vont maintenant comprendre une des tristes réalités du Burkina Faso, dont l'évocation énerve plus d'un Burkinabè intègre, à savoir son extrême dépendance de l'aide internationale", a prévenu Siaka Coulibaly.