Un nouveau contrôle des effectifs des agents civils de l'Etat tchadien, opéré ces quatre derniers mois, permet d'économiser 17 milliards F CFA (environ 34 millions USD) par an, ce qui représente de substantielles économies pour un pays que la chute du cours du pétrole a contraint de revoir ses prévisions budgétaires à la baisse.
Les résultats de l'opération de contrôle de 10.220 agents de l' Etat tchadien en situation irrégulière, mené d'octobre 2014 à janvier 2015 à N'Djaména, la capitale, sont sans équivoque. La commission a pu contrôler 6.533 agents alors que 3.687 autres, de toutes situations confondues, ne se sont pas présentés.
D'une analyse, pièce par pièce, des dossiers centralisés des agents contrôlés, il ressort que sur les 5.533 agents absents pendant les contrôles du premier semestre 2014, 3.421 ne sont pas présentés au contrôle, sont décédés ou relevés de leurs postes.
Sur les 4.201 agents en position de double emploi potentiel, 2. 023 agents confirmés l'être ou l'avoir été. Sur les 486 agents en position de double matricule potentiel, 260 sont des doublons confirmés ou ne se sont pas présentés au contrôle.
"L'essentiel des agents qui ne se sont jamais présentés au contrôle, en situation de double matricule et en position de double emploi proviennent des ministères de l'Education nationale, de l'Administration du Territoire et de la Sécurité Publique, de la Santé publique, des Finances et du Budget ainsi que de l' Agriculture et de l'Environnement", explique Abdramane Moucktar Mahamat, ministre tchadien de la Fonction Publique et du Travail.
Il promet des sanctions disciplinaires sévères à l'égard des responsables administratifs qui ont cautionné ces faits, en délivrant des faux documents administratifs pour les besoins du contrôle, notamment des attestations de présence effective et des certificats médicaux de complaisance.
Selon le ministre tchadien des Finances et du Budget, Bédoumra Kordjé, les incidences financières de ce contrôle s'élèvent à plus de 17 milliards F CFA par an.
"Des ordres de recettes estimées à 25 milliards F CFA seront émis à l'encontre des agents identifiés en position de double matricule et de double emploi", déclare M. Bédoumra Kordjé.
Il annonce que le gouvernement a décidé de suspendre immédiatement les salaires de 4.566 agents qui ne se sont jamais présentés au contrôle, en étant en activité dans le secteur privé ou en position de double matricule.
Pour le gouvernement tchadien, cette économie substantielle réalisée sur la masse salariale de l'Etat (estimée à 370 milliards F CFA, ou 740 millions USD en 2015) est une bouffée d'oxygène.
A cause de l'effondrement des cours du pétrole sur le marché international, il a été obligé de rajuster les prévisions des ressources pour 2015 et de faire des coupes drastiques dans les dépenses, notamment les enveloppes destinées à la couverture des dépenses des biens et services, transferts et subventions, équipements et investissements de tous les départements ministériels et institutions de l'Etat.
"Cette économie de 17 milliards F CFA représente, en moyenne, 740 écoles de trois salles de classe, 3.400 forages d'eau, 50.000 branchements électriques pouvant alimenter environ 300.000 personnes", précise le ministre des Finances et du Budget.
Dans la dynamique de la modernisation des finances et de l' administration publique, matérialisée entre autres par la mise en place d'un Système intégré de gestion administrative et salariale des agents de l'Etat (SYGASPE), le Premier ministre tchadien a créé, début février 2014, une commission interministérielle pour assainir le fichier du personnel civil de l'Etat.
Selon les résultats des travaux qui ont duré cinq mois (entre février et juillet 2014) sur l'ensemble du territoire national, 84. 094 agents ont émargé à la Solde en juin 2014.
Le rapport de la Commission a relevé un certain nombre d' irrégularités concernant 10.223 agents, soit 12% du total des travailleurs du secteur public.
Pour corriger les faiblesses et irrégularités constatées, une autre opération a été enclenchée, début octobre 2014. Les 10.223 agents en situation irrégulière ont été mis au "billetage" (le paiement à la caisse d'un agent-trésorier-payeur, contrairement au paiement par virement bancaire) et sommés de se présenter à N' Djaména, la capitale, pour régulariser leur situation devant des équipes constituées à cet effet.
Si cette opération a causé de nombreux désagréments à des milliers de fonctionnaires obligés d'abandonner leurs postes pour s'y soumettre, elle a fait du bien à l'Etat tchadien, déterminé à nettoyer les écuries d'Augias de fond en comble.
"Le gouvernement va continuer cet exercice jusqu'à ce que le pays dispose des bases de données sécurisées de son personnel", conclut M. Bédoumra Kordjé.