Une étude publiée mardi à Yaoundé estime à 12% pour les femmes et 18% chez les hommes la frange de la population camerounaise qui manifeste un comportement tolérant envers les personnes vivant avec le VIH, une tendance fâcheuse que les autorités sanitaires se proposent d'infléchir à travers une campagne nationale contre la stigmatisation et la discrimination.
D'une prévalence rapportée à 4,3% aujourd'hui contre 5,5% dix ans auparavant, sur une population d'environ 22 millions d' habitants, le Cameroun dénombre plus de 570.000 malades de SIDA parmi lesquels 134.770 sous traitements antirétroviraux (ARV) dont 23.179 femmes enceintes, selon les statistiques officielles.
Selon le ministre de la Santé publique, André Mama Fouda, la lutte contre cette pandémie enregistre peu de progrès à cause de la "stigmatisation et la discrimination (qui) sont réelles dans notre société et constituent des obstacles majeurs à la prévention du VIH, au traitement et au soutien social en ce sens qu'elles favorisent le déni de la maladie par les personnes atteintes et restreignent leur recours aux soins, notamment au dépistage".
C'est un constat confirmé par les résultats de l'étude sur l' index de stigma réalisée par le Réseau camerounais des associations des personnes vivant avec le VIH (RECAP+) avec l' appui du Projet de prévention du SIDA en Afrique centrale (PPSAC) de l'Organisation de coordination pour la lutte contre les endémies en Afrique centrale(OCEAC), financé par la coopération technique allemande.
D'après cette enquête citée par le ministre de la Santé publique, "la stigmatisation et la discrimination touchent plus sévèrement les femmes comparées aux hommes. 78% de femmes vivant avec le VIH sont exclues des activités ou des manifestations sociales ; 72% de femmes sont exclues des activités religieuses et des lieux de cultes, 81%sont exclues des regroupements familiaux".
Un taux de 61% est aussi établi pour celles ayant été victimes d'insultes, de harcèlement ou de menaces verbales. "Dans nos communautés, déplore par conséquent le ministre, l'acceptation de la personne vivant avec le VIH est donc encore difficile".
A l'initiative de l'Association camerounaise pour le marketing social (ACMS), une Ong locale, André Mama Fouda a lancé mardi à Yaoundé une campagne nationale de communication pendant l'année en cours sur la lutte contre la stigmatisation et la discrimination vis-à-vis des personnes vivant avec le VIH au Cameroun. Pour les promoteurs, cette opération consiste à sensibiliser,informer et attirer l'attention à travers des ateliers et des séances de causeries éducatives sur ces deux phénomènes que le président du RECAP+, Michel Iriko, décrit comme "des problèmes cruciaux (qui) progressent plus vite qu'on ne le pense" et "fragilisent la personne infectée ou affectée par le VIH, car, elle se retrouve en position d'accusé".
Au travers de la diffusion de spots radiotélévisés y compris des affiches, toute la population camerounaise est ciblée, mais la contribution des milieux religieux, du corps judiciaire, des parlementaires et des médias est particulièrement sollicitée afin de susciter une meilleure inclusion socioprofessionnelle des personnes vivant avec le VIH, selon l'ACMS.
Au final, il s'agit de mettre un terme aux pratiques discriminatoires et stigmatisantes à cause desquelles 23% de ces Camerounais ont perdu leur emploi ou revenu, tandis que 3% d'entre eux ont par ailleurs été interdits d'accès à une institution d' enseignement et 5% se sont vu refuser des services de santé sexuelle et reproductive, d'après l'étude sur l'index de stigmatisation.