Dernière mise à jour à 09h29 le 26/02
Vous avez tous vu cette mémé guillerette qui a révolutionné dans sa jeunesse la vieille chanson Happy birthday to you. Mais ce n'est pas cela qui a valu à l'enfant du pays de remporter (avec deux collègues étrangers) le prix Nobel de physiologie ou médecine 2015. Redoutant comme la peste de se plonger dans d'arides & rébarbatifs détails médico-techniques, bien des étrangers ont renoncé à se renseigner sur l'histoire de cette récompense. À tort, car elle est passionnante.
Qu'est-ce que cette fameuse artémisinine ? Un médicament miracle contre le paludisme (que l'on appelle aussi la malaria). Peu coûteux, efficace, dépourvu d'effets secondaires, sans effet de résistance... Pas extraordinaire ça ? Cette découverte conclut une bataille humaine de 3 000 ans contre une fièvre, souvent mortelle, dont parlent les premiers écrits de l'histoire dans l'Égypte des pharaons et la Chine des Han. Autrefois, elle était courante aussi dans les zones tempérées, et des épidémies frappaient l'Europe du Nord.
Aujourd'hui la malaria, c'est une maladie tropicale transmise par les moustiques dans les pays les plus chauds et les plus pauvres du monde, Afrique sub-saharienne, Inde, Asie du Sud-Est, Amérique du Sud. Ce sont plus de 200 millions de malades et 600 000 décès par an.
On doit à un médecin de l'armée française, Alphonse Laveran, la découverte du parasite qui cause la maladie, qui fut récompensé de ce même prix Nobel de physiologie ou médecine en 1907. Il succédait au médecin anglais Ronald Ross qui en 1897 pointa du doigt les moustiques comme vecteurs principaux, d'où autre prix Nobel, en 1902.
Depuis le XVIIe siècle on soignait le paludisme à l'écorce de quinquina, recette rapportée du Pérou par les Jésuites, améliorée en 1820 par des chimistes français. Dans les années 1930, la firme allemande Bayer inventa la chloroquine, toujours utilisée de nos jours. Mais l'emploi massif de ces médicaments a provoqué des résistances du parasite à la quinine et à la chloroquine dès les années 1940, particulièrement en Asie du Sud. Tout était à recommencer.
Des équipes de recherche se sont mises au travail de par le monde, testant au hasard jusqu'à 40 000 molécules, sans succès. L'équipe de Tu Youyou prit un autre chemin, s'inspirant de la devise de la chercheuse « La force de l'industrie chimique est de développer rapidement de nouvelles molécules, mais les molécules naturelles sont plus durables ». C'est ainsi qu'il fut décidé de privilégier les savoirs traditionnels chinois où Mme Tu finit par redécouvrir les vertus de l'armoise annuelle, Artemisia annua en latin, en chinois 青蒿.
Un effort qui allait être récompensé en 1972, alors que l'équipe finit par mettre au point un médicament antipaludique complètement nouveau : l'artémisinine. Enfin renaissait l'espoir d'éradiquer le paludisme résistant aux médicaments classiques.
Restait la phase de test du produit, d'abord sur des animaux puis sur l'homme. Véritable héroïne des temps modernes, Tu Youyou a commencé par essayer son invention sur elle-même avant de l'administrer à des patients, et il ne fallut pas moins de dix ans de recherches exténuantes pour développer un traitement efficace, mélangeant l'artéméther, un produit dérivé de l'artémisinine, et luméfantrine, un autre remède chinois ancestral.
Ce médicament n'est pas seulement une nouvelle thérapie. Il ouvre aussi une nouvelle page dans le progrès médical qui doit renouer avec les savoirs anciens. C'est ce qu'a rappelé Tu Youyou lors de son discours d'acceptation du prix Nobel.
« Depuis Shen Nong (le patron des pharmaciens dans la mythologie chinoise), la MCT a accumulé une expérience substantielle dans la pratique clinique, elle a recensé les applications médicales d'une foule de plantes. Nous devons apprécier la culture traditionnelle pour retrouver la beauté et les trésors qu'elle nous lègue ! » a-t-elle conclu.