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La non-fiction et les mille faces de la Chine

La Chine au présent | 26.02.2016 08h43

« La journée des gens du village de Dongfeng commence à midi car le matin, ils dorment à points fermés. La nuit est le moment de la journée où ils sont le plus occupés parce que les citadins ont fini leur journée et font du e-shopping sur Taobao. Sur la place nouvellement construite à l'ouest du bourg, tous les soirs, un évènement assez particulier prend place : des centaines de femmes s'arrêtent soudain de danser quand la sonnerie d'Aliwangwang se met à retentir de tous les côtés. Elles s'arrêtent de danser et s'occupent de leurs affaires sur leur portable, puis se remettent à danser. » Voilà une scène relatée dans Le premier village Taobao de Chine – Comment le destin des paysans chinois a été changé par Internet de l'écrivain He Tao.

Depuis 20 ans, le village de Dongfeng était surnommé « le village des déchets ». C'était surtout parce les habitants du village vivaient du recyclage des plastiques usagés. Les jeunes fuyaient le village en masse, et quand les vieux mouraient, on n'arrivait même plus à regrouper 4 jeunes pour porter les cercueils. Mais l'ouverture d'une boutique en ligne sur Taobao au village a changé le destin de cette petite localité. C'est cette histoire que raconte l'auteur chinois de non-fiction He Tao dans son livre sur Internet.

Une vague d'engouement pour la littérature non fictionnelle s'est emparée de la Chine cette année. Plusieurs plates-formes de littérature en ligne ont été créées, permettant de récolter les manuscrits et d'encourager les auteurs amateurs à écrire.

Les gens dans la déferlante

C'est après avoir fait faillite et été malmené dans les grandes villes que Sun Han, originaire de la campagne du nord du Jiangsu, décide de rentrer dans son village et d'ouvrir la première boutique Taobao en ligne à Dongfeng. Il réussit en vendant des meubles pratiques et bon marché fabriqués par lui-même. Les autres villageois commencent alors à l'imiter et des milliers de boutiques en ligne comme la sienne ouvrent dans le village.

« De "village des déchets" à "village Taobao", la vie quotidienne des habitants, les mœurs et la psychologie ont connu des changements presque invisibles mais bien présents. Les habitants du village se sont enrichis à grande vitesse, les voitures de moins de 200 000 yuans y sont considérées comme « pas chères »… Les patrons de boutique Taobao habitant dans le même village se tirent la bourre, se mettent des bâtons dans les roues voire se frappent dessus. « Partant d'un trou paumé où il ne se passait rien, le village est devenu un champ de bataille où la compétition se mêle aux jalousies, aux opportunités. Le mercantilisme a effacé les frontières entre villes et campagnes et donné naissance à une nouvelle vie, entre citadins et ruraux », écrit ainsi He Tao.

« He Shaoxiong, chauffeur de taxi à Guangzhou depuis 34 ans est très nostalgique des années 1980-1990. À l'époque, les taxis étaient encore peu nombreux en Chine, et un chauffeur pouvait gagner trois fois plus qu'un ouvrier normal en ne travaillant que 6 heures par jour. Le soir après le travail, les taximen se retrouvaient pour manger et discuter. Mais la compétition pour le marché a changé la donne. He Shaoxiong a été témoin du déclin du métier de chauffeur de taxi. Le choc le plus dur a été la naissance des applications de location de voitures : Didi, Quickcar ou encore Uber. Beaucoup de ses collègues ont changé de métier. L'attitude de He Shaoxiong envers son métier est devenue antagoniste quand son métier est passé "de la poule aux œufs d'or" à un simple gagne-pain. J'ai le même sentiment que beaucoup de chauffeurs de taxi », raconte-t-il.

« Ces gens-là, ont été pris dans la déferlante, ils n'arrivent plus à s'en sortir. La fréquence à laquelle apparaissent des choses nouvelles est beaucoup plus rapide que le temps dont ils ont besoin pour se refaire », explique Wang Qingfeng, étudiant en recherche d'emploi et auteur du livre qui raconte les déboires de ces chauffeurs de taxi.

Mais il y a aussi des gens qui arrivent à surfer sur la vague. Par exemple Ye Weimin, dont le père avait fait faillite pendant la crise financière de 2008. Son père était né dans les années 50, avait eu son brevet des collèges pendant la Révolution culturelle et faisait partie des premiers entrepreneurs chinois. C'était un des innombrables patrons de la région du delta de la rivière des Perles.

Comment faire pour rembourser ses dettes ? Il a expliqué à son fils qu'il fallait d'abord trouver des clients. Ye Weimin a alors découvert que les jeunes travailleurs de la ville avait de très fortes demandes pour accéder à un logement moderne et habitable et qu'ils ne voulaient plus des vieux appartements ou caves dans lesquels ils habitaient auparavant. Il a alors décidé d'installer des cloisons dans les anciens locaux de son usine et de les transformer en logements pour jeunes. De là est même né un phénomène culturel de « résidence pour jeunes ».

Alors quand son père a pu enfin se débarrasser de toutes ses dettes, et reconduire sa vieille Honda sur les routes de la banlieue où était installée leur usine, Ye Weimin a eu l'impression d'avoir redécouvert son père et l'histoire de sa génération et a décidé d'écrire La Route 66 de Mon Père.


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(Rédacteurs :Yin GAO, Guangqi CUI)
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