Au Cameroun, l'Etat et les investisseurs privés nationaux et internationaux ont signé ces derniers mois environ une soixantaine de mémorandums d'entente en vue de la construction de près de 300 000 logements au cours des 10 prochaines années, marquant ainsi un pas vers la résorption d'un déficit estimé à plus d'un million de logements.
Le ministère de l'Habitat et du Développement urbain (MINHDU) lance, dès le mois prochain, la commercialisation des premiers 1 675 logements d'un programme global de construction de 10 000 logements dits sociaux, annoncé en 2004 et mis en route par le gouvernement camerounais depuis 2009.
La commercialisation de ces logements-témoins devrait rapporter près de 67 millions USD, permettant ainsi la constitution d'un matelas financier pour le financement des autres logements du programme.
Parmi les autres projets susceptibles d'être concrétisés dans un proche avenir, figure en bonne place la construction de 10 000 logements, dont 8000 sociaux et 2000 de haut standing, à Mbankomo, une banlieue de Yaoundé, la capitale, par le groupement italien Pizzarotti Basics pour 590 millions USD.
En outre, le groupe espagnol PIA pilote un projet de construction de 20 000 logements sociaux à Yaoundé, tandis que des opérateurs chinois sont en passe d'investir 67 millions USD pour ériger 1 500 logements dans six grandes villes du pays (Yaoundé, Douala, Bafoussam, Bamenda, Sangmelima et Limbe).
En vérité, soutient Gabin Bagagnak, ingénieur industriel camerounais et expert en stratégies de développement urbain et en habitat, "seuls près 100 000 logements ont la chance de voir le jour. Les autres sont hypothétiques du fait que l'Etat a déjà garanti les premiers projets pour près de 1,2 milliards USD et hésite désormais à apporter sa nécessaire caution aux autres".
PENURIE DU LOGEMENT
Dans ce pays de l'Afrique centrale de plus de 20 millions d'habitants, on ne compte pourtant que 1,1 million de logements décents. Un parc immobilier détenu à 90 % par des promoteurs individuels indépendants (en majorité des commis de l'Etat), 7 % par l'Etat à travers les logements de fonction et d'astreinte, 2 % par les promoteurs immobiliers privés et 1 % par la Société immobilière du Cameroun (SIC).
Selon une étude réalisé en 2011 par Actions solidaires de soutien aux organisations et d'appui aux libertés, une ONG locale, sur près de 100 demandes de logement, seules deux reçoivent une réponse satisfaisante.
Pour faciliter l'accès au logement, le gouvernement camerounais a mis en place trois institutions ayant des missions complémentaires. Mais, la Mission d'aménagement et d'équipement des terrains urbains et ruraux (MAETUR), en 33 ans d'existence, n'a aménagé et équipé que 10 000 parcelles dans cinq villes du pays.
Et le Crédit foncier du Cameroun (CFC) créé en 1977 pour financer la construction du logement, n'a injecté qu'un peu plus de 524 millions USD, après que le ministère des Finances a retenu pour son compte 2 milliards USD issus des retenues opérées sur les salaires des travailleurs du secteur formel, d'après Gabin Babagnak.
Le troisième organisme, la SIC, n'a, depuis sa création en 1952, produit que 11 000 logements tous standings confondus, implantés dans six grandes villes du pays.
"A cause de l'épuisement des réserves foncières et, surtout, de la crise économique qui frappe de plein fouet le Cameroun au milieu des années 1980, la SIC a suspendu la construction de logements", explique un cadre du MINHDU, qui assure la tutelle de cette entreprise.
D'après ce même cadre, " la SIC s'est même mise à vendre la plupart des logements de son parc immobilier, aggravant de ce fait une pénurie de logements qui s'accentue avec l'exode massif des populations vers les villes, poursuit-il.
PRIX INABORDABLE
Si on réussit à construire autant de logements sociaux comme prévu, leurs prix de vente restent trop élevés par rapport au pouvoir d'achat des Camerounais. Par exemple, un appartement T4 (un salon, une cuisine et trois chambres) issu du programme gouvernemental de construction de 10 000 logements sociaux devrait coûter 95 000 USD, soit plus du double du prix initialement prévu.
"Le ministre a dû, souligne un cadre du MINHDU, imposer d'autorité un prix de vente d'un appartement T4 ne dépassant guère 40 000 USD, soit un manque à gagner équivalent au prix de vente du logement qui sera supporté par l'Etat".
Et encore, fait observer Gabin Babagnak, par ailleurs coordonnateur du Programme national d'amélioration des conditions de vie des populations par l' habitat (PNACVPH), pour parler véritablement de logement social dans le cas d'espèce, il faudrait abaisser le coût d'acquisition d'un appartement T4 à 20 000 USD.
Car, d'après lui, "seulement un million des 3 millions de travailleurs du secteur formel et informel, privé ou public, que compte le Cameroun ont la capacité d'accéder à la propriété foncière".
"Pour maintenir le caractère social du logement, il suffit de structurer les coûts (standing de base, mise à disposition du foncier aménagé et équipé par l'Etat, exonération des droits fiscaux et douaniers) en réservant 30 % pour les matériaux importés, 30 % pour les matériaux locaux, 20 % pour la main d'œuvre et les études et 20 % pour le foncier aménagé et équipé", préconise-t-il.