Pointés pour les retards de l'intégration régionale, le Gabon et la Guinée équatoriale ont approuvé l'ouverture des frontières décidée lors d'un sommet extraordinaire de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) le 14 juin à Libreville, sans rassurer leurs voisins sur leur politique d'immigration jugée sujette à caution.
A Kyé-Ossi, localité frontalière du Sud du Cameroun limitrophe, les expulsions parfois brutales des étrangers de ces deux pays voisins ont causé un traumatisme au sein de la population, même si le sous-préfet de l'arrondissement du même nom, Simon Edjimbi, s'efforce de minimiser ces incidents en les désignant comme "des choses qui sont gérables, parce que ces choses-là relèvent du quotidien".
"C'est presque chaque jour qu'on relève des petites incompréhensions et cela ne déteint pas suffisamment sur la qualité des relations entre ces peuples-là. Ça n'a pas une incidence aussi grave sur l'essentiel qui est d'ailleurs partagé par tous ces peuples-là, c'est-à-dire le vivre-ensemble", a souligné cette autorité administrative dans un entretien à Xinhua.
Carrefour d'échanges commerciaux entre le Cameroun et ses voisins du Gabon et de la Guinée équatoriale pour son marché de produits agricoles et manufacturés qui attire commerçants et clients de tous bords, Kyé-Ossi dénombre une population estimée entre 60.000 et 75.000 habitants qui s'accroît de temps à autre suite à l'arrivée des vagues de rapatriés en provenance de l'autre côté de la frontière.
Encore en construction, cette petite ville, distante de 3 km de la frontière gabonaise à Meyo-Kyé, est séparée d'Ebibeyin, localité de Guinée équatoriale, par une frontière naturelle, matérialisée par une chaîne pour ce qui est de ce territoire camerounais et une barre de fer côté équato-guinéen. Aussi accueille-t-elle des centaines voire des milliers de migrants régulièrement expulsés de ce pays-là.
Autre localité frontalière du Cameroun, Abang-Minko'o, qui y attire une énorme clientèle pour son marché périodique tenu le samedi, subit les mêmes événements de part du Gabon où les services d'immigration et les autorités sont aussi réputés une gestion des flux migratoires très aléatoire, remettant en cause la valeur même des visas délivrés par l'ambassade de leur pays à Yaoundé.
"Depuis deux ans, les responsables gabonais déployés à leur frontière refusent de considérer les visas obtenus par des Camerounais à l'ambassade à Yaoundé et qui choisissent de voyager par route. Ils les soumettent à un nouveau paiement de frais de 52. 000 francs CFA (104 dollars américains), après leur avoir imposé un formulaire d'identification de 10.000 francs (20 dollars)", témoigne un agent de sécurité de cette localité camerounaise. De l'avis de celui-ci, cette "escroquerie organisée" est la manifestation d'une politique visant à freiner l'émigration camerounaise vers le Gabon. "Le Gabon, renseigne-t-il, organise des refoulements isolés de moins de 10 personnes, toutes les semaines. Mais il faut reconnaître qu'il y a aussi beaucoup d'immigrés clandestins parmi les refoulés".
En Guinée équatoriale, ce sont entre 1.500 et 2.000 étrangers dont environ 500 Camerounais qui se sont vus expulser peu avant les élections sénatoriales organisées en avril. Eldorado pétrolier depuis les années 1990, ce pays engagé dans d'innombrables chantiers de construction attire de nombreux Camerounais à la recherche d'un emploi fortement rémunéré.
Même en règle, ceux-ci ne sont pas toujours les bienvenus. C'est ainsi qu'il est fait état à Kyé-Ossi de cas d'expulsion de travailleurs camerounais titulaires d'une carte de séjour et d'un certificat de travail dûment délivrés par les autorités équato- guinéennes.
Ces récits qui se conjuguent parfois avec des morts d'homme et des viols (surtout à l'égard des femmes) sont pourtant loin de décourager beaucoup parmi ceux-ci et d'autres candidats à l'émigration vers ce pays. D'où l'enthousiasme perceptible chez certains du fait de la perspective de l'ouverture des frontières décidée mi-juin à Libreville par les chefs d'Etat et de gouvernement de la CEMAC.
Encore que, en dépit de leur répulsif qui suscite des inquiétudes y compris à la Commission de la CEMAC pour l'application effective de la décision commune attendue pour le 1er janvier 2014, la Guinée équatoriale et le Gabon abrite sur leur sol depuis des décennies d'importantes communautés issues de pays étrangers dont en particulier du Cameroun.
Par Raphaël Mvogo