Par Raphaël MVOGO
Environ 52% de la population nationale estimée à 20,6 millions d'habitants, les femmes au Cameroun ont amélioré leur représentativité à l'Assemblée nationale (Chambre basse du Parlement) par une augmentation de leur nombre de 25 à 55 sur 180 sièges de députés, un progrès cependant atténué par le conservatisme machiste maintenu dans les mairies.
Signature de conventions internationales recommandant la promotion du genre par l'attribution d'un plus grand nombre de postes de responsabilité, à caractère nominatif et électif, au profit des femmes, le Cameroun a légèrement dépassé la barre symbolique des 30% fixée par l'Union africaine (UA) avec cette désignation de 55 militantes politiques de différents partis pour les sièges de députés titulaires et de beaucoup d'autres comme suppléantes lors des élections législatives tenues le 30 septembre.
C'est l'un des faits marquants de ce scrutin couplé avec des municipales, que le pouvoir de Yaoundé a vite fait d'inscrire comme une avancée supplémentaire dans la prise en compte des préoccupations et aspirations des populations considérées comme étant marginalisées, et qui vient s'ajouter aux efforts déjà accomplis dans la nomination de femmes ministres, directeurs généraux d'entreprises publiques ou encore préfets de départements et sous-préfets d'arrondissements.
APPLICATION DE LA LOI ELECTORALE
"C'est une avancée sensible. C'est d'ailleurs même une évolution dans l'application de la loi électorale qui suggère la prise en compte du genre dans la confection des listes électorales. La palme d'or revient à la région de l'Est qui a introduit le plus de femmes dans les listes électorales", a admis à Xinhua le politologue Manassé Aboya Endong pour qui ce progrès est surtout le résultat de l'action de la société civile qui a poussé le pouvoir à concéder les espaces de représentativité aux femmes.
Sur les sept partis politiques qui seront représentés à l'Assemblée nationale les des cinq prochaines années, les 55 femmes élues députés titulaires se répartissent entre 47 sur un total de 148 élus pour le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir), 3 sur 18 pour le Social Democratic Front (SDF), 2 sur 5 pour l'Union nationale pour démocratie et le progrès (UNDP), 2 sur 4 pour l'Union démocratique camerounaise (UDC) puis 1 sur 3 pour l'Union des populations du Cameroun (UPC).
Plus de deux décennies après l'avènement du pluralisme politique en 1990, le Cameroun s'est doté pour la première fois d'un Code électoral en 2011, qui a consacré la parité hommes-femmes dans la confection des listes de candidats aux élections. Auparavant, quelques femmes réussissaient à se faire élire à des proportions réduites députés ou maires, à l'instar de l'anglophone du Sud-Ouest Rose Abunaw, devenue vice-présidente du bureau de l'Assemblée nationale en 2007 sous la bannière du RDPC.
Face au parti au pouvoir qui essaie bon an mal an de perpétuer une expérience ancienne héritée de l'ex-parti unique de l'Union nationale camerounaise (UNC) du premier président du Cameroun indépendant Ahmadou Ahidjo, l'UNDP, son allié de l'opposition modérée lors des élections présidentielles, rappelle avoir favorisé le vote de 10 femmes parmi ses 68 sièges de députés remportés sur les 120 à pourvoir dans la première législature en 1992.
Sur cette liste, figurait déjà Rose Abunaw avant sa transmutation au RDPC avec lequel elle obtient deux mandats dès 2002, mais qui n'a pas été investie cette fois-ci. Cinq ans plus tard, en chute libre à 13 sièges de députés après avoir profité en 1992 du boycott du SDF, principale formation d'opposition, l'UNDP fait élire 3 femmes. Cette expérience va s'arrêter entre 2002 où son unique siège remporté sera occupé par un homme. Ce sera pareil pour ses six élus de 2007.
Pour ses trois députés femmes, le SDF a amélioré son chiffre de deux élues supplémentaires par rapport à 2007 où Ngala Esther Ngala, anglophone du Nord-Ouest (principal fief de ce parti et de son leader Ni John Fru Ndi) réélue le 30 septembre, s'était imposée comme l'unique voix féminine d'une liste de 16 parlementaires. Il avait déjà créé la rupture en désignant au poste de secrétaire général Elizabeth Tamajong, une scientifique au caractère bien trempé.
Avec une parenthèse à une seule en 2002, l'UDC siège pour sa part à l'Assemblée nationale depuis 1997 avec 4 députés répartis à parts égales entre les hommes et les femmes. Adamou Ndam Njoya, son dirigeant, a instauré une rotation sur deux mandats consécutifs avec son épouse Tomaïno entre le Parlement et la mairie de Foumban (Ouest), qui vient de le réélire.