Le Cameroun, qui fonde beaucoup d'espoirs dans l'exploitation de ses riches ressources minières pour relance la croissance économique en vue de son émergence en 2035, a pris plusieurs mesures pour canaliser vers les canaux formels la production de l'or, estimée aujourd'hui à 200 kg par mois, et qui devrait être portée à 10 700 kilos en 2015.
L'opération baptisée "Gold", lancée en août 2011 par le Cadre d"appui à la promotion de l'artisanat minier (CAPAM) créé en 2003 en vue de l'encadrement de ce secteur, a déjà permis de canaliser au moins 70 % de la production issue de l'artisanat minier et 50% de la production issue de la mécanisation plus poussée, a appris Xinhua auprès du ministère camerounais des Mines, de l'Industrie et du Développement technologique (MINMIDT), à la veille d'une conférence internationale sur l'industrie minière qui sera ouverte Mercredi à Yaoundé.
Grâce à cette initiative, révèle le MINMIDT, « un équivalent de 50 kg d'or en poudre provenant des artisans miniers a été remis au ministère des Finances le 29 août 2012, et 15,6 kg d'équivalent d'or en poudre ont été canalisés entre le 2 janvier et le 18 mars 2013 ».
La canalisation de l'or généré par l'exploitation mécanisée attend encore la mise en place d'un contrat de partage de production entre l'Etat et les trois entreprises à capitaux sud- coréens C&K Mining, Goldex et société du groupe Kocam Mining Credit, en activité.
Mais, déjà, le MINMIDT annonce, tout en se gardant de donner plus de précisions, que les réserves d'or du Cameroun à la Banque centrale des Etats de l'Afrique centrale (BEAC) ont été renforcées pour la période 2011-2016. Ces résultats n'auraient pas pu être obtenus dans l'anarchie et la confusion entretenues par les artisans miniers et les exploitants miniers.
« C'est malhonnête de tirer avantage d'un permis d'artisanat minier pour faire dans l'ombre de l'exploitation lourde. Un artisan minier s'acquitte d'une taxe légère de 6000 USD pour obtenir un permis et va le sous-traiter à un exploitant qui gagne des milliards au détriment de l'Etat », a dénoncé Emmanuel Bondé, le MINMIDT, au cours d'un forum minier organisé en octobre 2012 à Bertoua, l'Est-Cameroun.
Au cours du même forum, Paul Ntep Gweth, alors coordonnateur du CAPAM, a souligné que « la Région de l'Est regorge 51 secteurs miniers, 509 chantiers actifs, 209 chantiers inactifs et 48 630 artisans miniers pour une production mensuelle de 144.650 grammes d'or. Seulement 84.990 grammes de cette production sont canalisés dans les circuits formels ».
Pis, a-t-il poursuivi, « en dehors de l'Est, une intense activité d'exploitation d'or dans les régions du Sud, de l'Adamaoua et du Nord produit environ 200 kg d'or (équivalent à plus de 10 millions USD) par mois canalisés à plus de 95 % dans les circuits clandestins des trafiquants ».
Une réalité que Ntep Gweth expliquait par le fait « presque tous les permis de recherche octroyés aux sociétés sont en spéculation (économie fictive) au détriment de l'Etat » et des populations riveraines.
« Depuis ma naissance, je n'ai jamais vu l'or sur lequel on dit être assise ma ville natale (Bétaré Oya), il est difficile pour nous de percevoir les effets de l'exploitation de cette richesse », éructe Olivier Ndanga, autochtone de 50 ans de cette ville réputée pour son potentiel aurifère située à 200 km au nord- ouest de Bertoua, la capitale régionale de l'Est.
Le gouvernement a donc tapé le poing sur la table pour mettre fin à cette activité illicite. « La première mesure, a annoncé le MINMIDT, est qu'à partir d'aujourd'hui, ces contrats de sous- traitance conclus en marge de la légalité par les opérateurs miniers avec les artisans locaux sont tous annulés ».
De plus, en collaboration avec l'administration fiscale, un contrat de partage de la production se prépare actuellement, mais une clé de répartition des revenus issus de l'exploitation de l'or a déjà été définie, qui réserve 60 % à l'exploitant, 30 % à l'Etat et les 10 % restants répartis entre les municipalités et les populations riveraines.
« Nous aurions pu aller au-delà en nous prévalant de ce que l'Etat est le propriétaire des ressources minières, mais nous avons tenu compte des investissements des opérateurs », explique Emmanuel Bondé.
Sauf que, faisait remarquer Ntep Gweth en fin d'année dernière, « toutes ces sociétés déclarent leur production à leur guise et commercialisent le reste de la production dans des circuits clandestins avec un impact presque nul sur l'économie nationale ».
Pour prévenir d'éventuelles fausses déclarations, des brigades minières ont été créées, qui sont appuyées par la gendarmerie nationale et les géologues du CAPAM pour « contrôler la véracité des déclarations de production à partager désormais entre le sociétés concernées, l'Etat et les riverains dans le cadre d'un contrat gagnant-gagnant », a ajouté Emmanuel Bondé.
Pour être complet, une société minière est en gestation « qui, de manière objective, va élaborer la cartographie des sites miniers, tracer le sol, publier les offres, évaluer les compétences des partenaires et déterminer de manière conséquente les avantages à restituer à l'Etat. Pour que, de même que le pétrole, que la mine solide constitue aussi une richesse nationale », a indiqué le MINMIDT.
Par Dominique MBASSI