Principal poumon économique de la région camerounaise de l'Extrême-Nord caractérisée par une écologie très fragile mais un sol adapté à la culture du riz, la Société d'expansion et de modernisation de la riziculture de Yagoua (SEMRY) se déclare capable de fournir une production pouvant aider à satisfaire les besoins de consommation nationale.
Dans un entretien à Xinhua, Robert Nyonse, le directeur général adjoint de cette entreprise étatique créée en 1971, a fait savoir l'urgence de la réhabilitation de l'outil de production à l'arrêt depuis de nombreuses années afin de pouvoir retrouver et dépasser le niveau de 1985 où cette société était parvenue à produire 110.000 tonnes de paddy l'an contre 70.000 tonnes aujourd'hui.
Question : Quarante-deux ans après sa création, les missions de la Société d'expansion et de modernisation de la riziculture de Yagoua restent-elles les mêmes ?
Réponse : La SEMRY est une société de développement. Elle est créée il y a 42 ans, c'était en 1971. Sa première mission était d'assurer la sécurité des populations de la région de l'Extrême- Nord, parce que c'est une région à écologie très fragile. En créant des périmètres rizicoles de la SEMRY, cette société devait freiner l'exode rural. L'autre mission était de mettre à la disposition des braves populations de la région, surtout de celles de la vallée du Logone, un projet qui puisse leur procurer des revenus de manière à ce qu'ils puissent subvenir à leurs besoins de base : envoyer les enfants à l'école, habiller la famille. Au niveau national, la SEMRY devait produire suffisamment de riz pour permettre au Cameroun d'atteindre son autosuffisance en riz et donc mettre un frein à l'importation massive du riz.
Q : Puisque sa dimension industrielle et commerciale n'est plus accomplie, comment se présentent aujourd'hui les activités de cette entreprise étatique ?
Réponse : C'est vrai que des mesures sont prises de plus en plus pour la restauration des unités de transformation. La SEMRY s'est chargée d'assurer l'encadrement des producteurs en leur donnant des prestations de labour, l'encadrement technique, la fourniture de l'eau et l'entretien du réseau hydraulique, parce qu'il s'agit de périmètres irrigués. Nous avons sur le périmètre de Yagoua quatre stations de pompage, qui pompent l'eau pour satisfaire les besoins de la culture. Ces stations sont installées sur la digue Logone et les prélèvements de l'eau du Logone permettent de satisfaire les besoins en eau des rizières. Le périmètre du Nord, je veux dire celui de Maga, ne fonctionne pas sur station de pompage. Il a été créé un grand lac de retenue et l'irrigation est gravitaire au niveau de Maga. C'est un lac de 620 millions de mètres cubes d'eau stockés et en superficie ça doit faire de l'ordre de 39 à 40.000 hectares.
Q : Qu'est-ce que cet encadrement coûte à la SEMRY ?
R : Je vais vous donner un coût qui en réalité n'est pas un coût réel. Nous vivons sur la subvention de l'Etat. Par exemple, pour cultiver un hectare, les prestations que la SEMRY donne, c'est 102.000 francs pour un hectare. C'est ce que paie le riziculteur. Mais, le coût réel, c'est pratiquement le double. C'est-à-dire le paysan paie 102.000 francs à l'hectare là où normalement il doit payer autour de 204.000 francs. C'est pour vous dire que l'exploitation de la structure pour le moment est déficitaire, tout simplement parce que ce ne sont pas les coûts réels qui sont facturés aux bénéficiaires des prestations que nous donnons.
Q : D'après les estimations, quels financements cette réhabilitation de l'outil de production exige-t-elle ?
R : Il y a une étude qui a été réalisée par PACA, le Projet d'amélioration de la compétitivité agricole. Le coût total va avoisiner les 10 milliards de francs. Cette réhabilitation, c'est quoi ? C'est refaire les canaux d'irrigation, réhabiliter les digues et l'outil mécanique. La SEMRY peut équilibrer son exploitation en cultivant plus d'hectares. Actuellement sur les deux périmètres Yagoua et Maga, nous sommes à 10.000 hectares cultivés chaque année. Si vous multipliez par 102.000 francs l'hectare que paie le riziculteur pour les redevances, c'est à peine un milliard de francs pour couvrir le budget de la campagne. Alors que si dans l'année on fait 18.000 hectares, même si les prix restent à 102.000 francs l'hectare, ce sera presque 1,8 milliard, 2 milliards de francs.
Nous avons la possibilité de faire deux cultures par an, une culture de saison sèche et une culture de saison des pluies. Donc, on peut bien arriver à ces 18.000 hectares, mais il faut réhabiliter les aménagements. Il faut ajouter donc la restauration de la fonction industrielle et commerciale, et on sera une structure très très compétitive. C'est bien parti, les études sont faites. Il y a une décision qui devra être prise, d'après les informations que nous avons reçues. Je crois d'ici début 2014 les travaux de réhabilitation devraient commencer.
Q : Quel est votre budget actuel ?
R : Le dernier Conseil d'administration a voté un budget d'environ 9 milliards de francs CFA. Ce budget est entièrement supporté par l'Etat. L'importance économique de ce projet n'est plus à démontrer. L'Etat a profité des potentialités énormes de cette région. Je pense d'abord aux conditions climatiques très très adaptées. Nous avons le soleil ; nous avons de l'eau ; le Logone est une manne. Et surtout nous avons des sols très aptes à la riziculture dans la vallée du Logone. C'est des sols argileux, à 40 voire 60% à certains endroits. En dernier lieu, il ne faut pas oublier des vaillantes populations travailleuses.
Q : Quels sont vos effectifs ?
R : Quand la SEMRY fonctionnait normalement avec sa fonction industrielle et commerciale, avec ses fonctions de production, on travaillait avec 1.500 employés. Aujourd'hui, nous sommes 370 au maximum, cadres et agents confondus.