Dernière mise à jour à 15h02 le 14/12
Quelque deux millions d'électeurs centrafricains ont été convoqués aux urnes dimanche lors d'un référendum constitutionnel, perturbé par des violences meurtrières à Bangui, la capitale, et d'autres villes du pays, qui font craindre le risque d'une plus grande dégénération du climat sécuritaire dans la perspective de la présidentielle et des législatives du 27 décembre.
Ce vote vise à doter la Centrafrique d'une nouvelle Constitution pour permettre la stabilisation institutionnelle maintes fois mise à mal par des rébellions et des coups d'Etat, à l'exemple de la prise de pouvoir par les armes de l'ex-coalition rebelle de la Séléka contre le régime de François Bozizé en mars 2013, avant la mise en place d'une transition civile près d'un an après sous la pression internationale.
C'est la première étape d'un marathon électoral plusieurs fois repoussé depuis 2014 et qui est censé tourner la page de cette interminable crise, où entre 300.000 et 400.000 personnes auraient été tuées, selon les estimations des Nations Unies.
"Globalement, les choses se sont bien passées, en dépit d'une montée de tension orchestrée par des forces négatives au PK5 à Bangui, et dans certaines villes à l'intérieur du pays telles que les réfectures de Bossangoa, de Bria, de la Ouaka, de Kaga-Bandoro, de l'Ouham", a rapporté à Xinhua Sakanga Morouba, responsable de la logistique à l'Autorité nationale des élections (ANE).
Deux personnes sont mortes et environ 20 autres blessées au cours de cette journée de vote dans des heurts après une nuit de tirs d'armes déjà au PK5. Pris de peur, les électeurs de ce bastion musulman et des ex-rebelles de la Séléka, véritable "no mans' land" dans la capitale centrafricaine, se sont abstenus dans un premier temps de se rendre dans les bureaux de vote.
"Le matin, chacun est resté chez lui. Par la suite, les gens sont sortis pour aller voter. Les forces de l'ordre et internationales nous ont aidés à maîtriser la situation dans ce foyer de tension. Un exemple: dans le quartier Baya Bombia, la population a pu voter toute la journée jusqu'à ce soir. Il n'y a pas eu d'incident dans les bureaux de vote", décrit Sakanga Morouba.
Il évoque des "coups de feu intimidateurs" d'opposants au processus électoral, version contredite par un ex-collaborateur de Michel Djotodia, ex-leader de la Séléka, au sein du gouvernement de transition et d'union nationale dirigé par Nicolas Tiangaye, qui fait état de son côté de l'absence de vote dans une partie de cette circonscription électorale à cause d'une "fusillade" et de "jets de grenade".
"Ça fait deux nuits, les gens ne font que tirer [des coups de feu]", soutient celui-ci, annonçant aussi l'absence de vote dans les 3e et 4e arrondissements de Bangui, ainsi que dans les régions de Kaga-Bandoro, de la Vakaga et de Haute-Kotto.
Plus d'un an après le déploiement en septembre 2014, en remplacement de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA), de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine MINUSCA), ces localités restent sous l'emprise des ex-rebelles de la Séléka.
Ce mouvement, notamment la faction dirigée par Nourredine Adama, ex-ministre de la Sécurité de Michel Djotodia, avait menacé d'empêcher la tenue du référendum et des autres scrutins à venir.
"C'est un échec, enfonce l'ex-collaborateur de Djotodia, les gens ont voté dans un climat de peur, pour la simple raison que le désarmement n'a pas été effectué. Le taux de participation au vote est très faible, il n'atteint pas les 20%. La communauté internationale doit tirer les leçons de ses incohérences".
L'ANE, elle, rejette ces allégations et se dit convaincue d'avoir réussi à organiser le référendum constitutionnel dans des conditions raisonnables, en dépit des délais limités. "Nous restons optimistes, répond Sakanga Morouba. Au cours des prochaines élections, la situation va s'améliorer. C'est vrai, nous avons connu de légers retards, mais tous les bureaux de vote ont reçu le matériel électoral".
"Là où des difficultés techniques se sont posées, poursuit-il, nous avons apporté des solutions au coup par coup".
Les électeurs ont dû utiliser les récépissés de cartes d'électeur pour voter, les cartes elles-mêmes n'ayant pas été distribuées à temps.
Pour l'ex-Premier ministre Martin Ziguelé, candidat à l'élection présidentielle, les violences survenues dimanche ne doivent pas un prétexte pour remettre en cause le processus électoral. "Il faut aller aux élections, il n'y pas d'autre solution pour sortir de la crise. Le problème que nous avons aujourd'hui est une crise de légitimité. Le peuple a besoin d'élire ses nouveaux dirigeants", a-t-il dit à Xinhua.
Selon l'ancien chef du gouvernement, l'absence de vote dans une partie du pays n'a rien de bien grave. "Ce n'est pas la majorité du pays, ça fait peut-être 20% du territoire. Donc, la majorité du pays a voté. Le peuple veut aller aux élections. A 5H (4H GMT) du matin, il y avait déjà des électeurs devant les bureaux de vote à Bangui, c'est-à-dire avant même le personnel électoral".
Il a dénoncé ceux qui entretiennent le chaos à Boy-Rabe et le 3e arrondissement de la capitale pour chercher à prendre le pouvoir par les armes. "Leur seule force, c'est de faire du désordre. On est tous malades de vivre trois ans sous pression ! Les gens veulent absolument sortir de cette situation".
Le grand enjeu de ces élections est le retour à l'ordre constitutionnel avec la fin de la transition dirigée depuis début 2014 par Catherine Samba-Panza et le retour à une paix durable, après les coups d'Etat de François Bozizé de mars 2003 et de la Séléka de mars 2013.
Le 27 décembre, 29 candidats seront en lice pour la conquête du Palais de la renaissance, qui du reste a perdu son lustre de l'époque faste de Jean Bédel Bokassa, empereur autoproclamé.