Dernière mise à jour à 08h57 le 22/03
Les nouvelles règles de commercialisation de la noix de cajou, principale culture de rente et de revenu des paysans et de l'Etat de la Guinée-Bissau, ont provoqué une controverse entre les différents acteurs de cette filière, a constaté un correspondant de Xinhua.
Cette controverse intervient dix jours avant l'ouverture de la campagne de commercialisation, prévue le 31 mars, avec un prix plancher de 500 FCFA le kg contre 350 F en 2016.
La Guinée-Bissau espère exporter cette année plus de 200.000 tonnes de noix de cajou, un produit qui a représenté 93% des recettes d'exportation en 2015.
La principale divergence porte sur un décret réglementant la profession d'intermédiaire (entre le producteur et l'exportateur). Ce décret prévoit que les licences pour cette fonction ne seront désormais attribuées qu'aux citoyens bissau-guinéens.
Cette disposition est saluée par une partie des acteurs du secteur, tandis que d'autres accusent le gouvernement de vouloir interdire aux étrangers d'acheter les noix de cajou aux agriculteurs, comme c'était la tradition.
Pour certains, la décision peut affecter la campagne de commercialisation de la noix de cajou, puisque les intermédiaires nationaux ne disposent pas d'une puissance financière suffisante.
Le gouvernement bissau-guinéen, pour sa part, a justifié sa décision par la nécessité de donner la possibilité à des jeunes et à des cadres nationaux de trouver un emploi et d'avoir un revenu dans ce secteur dominé par les étrangers.
Dans une déclaration récente à Xinhua, Victor Mandinga, ministre du Commerce, a affirmé qu'il ne s'agissait pas d'écarter les étrangers opérant dans le secteur.
"La loi n'interdit pas aux étrangers de participer à la campagne. La seule chose que dit la loi est que l'étranger ne peut pas aller directement sur le terrain. Il doit passer par un intermédiaire national", a-t-il expliqué.
"Chaque année, les étrangers entrent dans le pays et font la campagne sur le terrain et repartent avec plus de 50 millions de dollars américains", a déploré le ministre.
"Avec les nouvelles règles, tous les étrangers qui veulent acheter des noix de cajou devront passer par des canaux financiers officiels", a-t-il précisé.
Il a invité les jeunes à investir dans le secteur en achetant des licences d'intermédiaire, dont le prix a baissé, passant de 70.000 à 20.000 FCFA.
L'Association des intermédiaires a approuvé l'adoption de la loi. Son président, Nelson Badinca, a souligné que la mesure aura un impact positif sur la vie de ses membres qui, désormais, peuvent obtenir des financements au niveau des banques ou des exportateurs.
"Il y avait une désorganisation du secteur des intermédiaires et le pays a perdu des revenus financiers considérables. Maintenant, chacun doit, nationaux ou étrangers, travailler selon les règles", a expliqué M. Badinca dans une interview à Xinhua.
L'homme d'affaires a rappelé que son association compte également des membres mauritaniens, sénégalais, nigérians et d'autres nationalités, sans aucune discrimination.
Le président de l'Association de Communauté mauritanienne, Sidy El Mocthar, estime que la mesure du gouvernement est décevante, mais a promis de la respecter.
Il a souligné le rôle important des commerçants mauritaniens dans la campagne de commercialisation de la noix de cajou et dit espérer que le gouvernement reverrait sa décision.
Il a rappelé que les commerçants mauritaniens vont dans les villages pendant et en dehors de la période de la campagne et accordent des prêts en espèces et en vivres aux paysans, qui règlent leurs dettes pendant la commercialisation la noix de cajou.
Sidy El Mocthar a refusé de se prononcer sur les conséquences des réformes sur la campagne de cette année, mais a appelé à une relation saine entre les hommes d'affaires nationaux et étrangers pour le bien de la société bissau-guinéenne.
De son côté, la Chambre de Commerce de la Guinée-Bissau a averti que les intermédiaires et les exportateurs nationaux ne peuvent pas assurer seuls la commercialisation de la noix de cajou.
Son vice-président, Antonio Nunes, a estimé qu'il y a une forte possibilité pour que la campagne 2017 connaisse des problèmes de fonctionnement, puisque les intermédiaires et les exportateurs nationaux sont sous-capitalisés.
"La campagne de commercialisation de la noix de cajou génère environ 150 millions de dollars et je ne pense pas que les intermédiaires nationaux puissent être en mesure d'obtenir ces fonds", a déclaré M. Nunes.
Pour sa part, l'Association nationale des agriculteurs de la Guinée-Bissau a souhaité que les réformes n'influent pas négativement sur le prix de base fixé par le gouvernement.
Son représentant, Jaime Boles Gomes, a fait valoir que les avantages financiers de la noix de cajou doivent servir au développement du pays et non pas alimenter le progrès des autres Etats.
Il a annoncé que son association créerait une coopérative pour que les agriculteurs cessent de vendre leurs noix isolément et gagnent plus d'argent grâce à son intervention dans le marché jusqu'à l'exportation du produit.