Dernière mise à jour à 08h40 le 31/08
A une dizaine de jours de la conférence de Paris pour la mobilisation des fonds pour le financement de son prochain plan national de développement, le gouvernement tchadien fait face à une fronde de l'opposition et d'une partie de la société civile qui réclame un dialogue national inclusif.
Du 6 au 8 septembre prochain, dans la capitale française, le gouvernement tchadien tentera de convaincre la communauté des bailleurs de fonds de lui accorder au moins 2.081 milliards Francs CFA pour financer son plan national de développement (PND) 2017-2021. Ce montant représente 38% du coût global de cet ambitieux plan quinquennal, estimé à un peu plus de 5.538 milliards de Francs CFA. L'autre partie du gap prévisionnel (1.629 milliards de Francs CFA, soit 29,4% du coût global) sera recherché auprès du secteur privé dont 10% sous forme de partenariat public-privé. La table ronde des bailleurs de fonds sera ainsi précédée d'un forum sur le secteur privé.
Depuis plusieurs semaines, le gouvernement a entrepris une forte campagne de mobilisation à l'endroit des partenaires techniques et financiers, des représentations diplomatiques et consulaires, des partis politiques, des organisations de la société civile, etc.
"La réussite de la mise en œuvre du PND 2017-2021 dépendra du respect des principes directeurs suivants: la volonté politique et l'engagement national, l'appropriation nationale, le leadership et la responsabilisation, la priorisation des actions et la gestion axée sur les résultats et la redevabilité", a déclaré le ministre tchadien de l'Economie et de la Planification du développement, Nguéto Tiraina Yambaye. Il appelle à une "union sacrée" autour de la table ronde de Paris, "une stratégie qui vise exclusivement l'émergence économique et le mieux-être des populations".
Mais au sein de l'opinion nationale, cet appel n'est pas toujours entendu de la même oreille. Depuis plusieurs semaines, un collectif d'organisations de la société civile et des partis politiques marque son désaccord par rapport à la tenue de cette table ronde. Pour ces derniers, l'urgence au Tchad est l'organisation d'un dialogue inclusif, seul cadre qui permettrait de sortir le pays de la crise multiforme dans laquelle il est plongé depuis plusieurs années du fait d'"un pouvoir autocratique, liberticide, qui a érigé la malgouvernance économique et financière".
La semaine dernière, le chef de file de l'opposition, Saleh Kebzabo, est lui aussi monté au créneau pour émettre de sérieuses réserves sur les éventuelles conclusions de cette conférence, et exiger qu'elles soient soumises à de "fortes conditionnalités", notamment l'organisation d'un dialogue inclusif après la réunion de Paris, l'organisation en 2018 des élections législatives et communales transparentes, des mesures immédiates d'économies réelles dans la gestion du pays.
Autant de réclamations que ne cesse de faire l'opposition depuis plusieurs mois. En face, le gouvernement prépare un forum national (et non un dialogue inclusif) sur les réformes institutionnelles, et n'est pas prête à organiser de nouvelles législatives avant 2019 (alors que le mandat de l'actuelle Assemblée nationale devait s'achever en juin 2015).
"Si le gouvernement s'enferme dans sa logique d'exclusion, nous n'excluons pas la possibilité de l'envoi d'une délégation de l'opposition à Paris, pour une contre-conférence, en rapport avec la société civile", a prévenu le président de l'Union national pour le développement et le renouveau (UNDR), arrivé deuxième lors de la présidentielle d'avril 2016.
Cette sortie du chef de l'opposition, a provoqué l'ire du gouvernement dont la réaction ne s'est pas faite attendre. Dans une mise au point, publiée le lendemain, la ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, Madeleine Alingué, a qualifié les propos tenus par M. Kebzabo "de nature outrancière et inadmissible". "S'il est du droit de l'opposition de se prononcer sur les sujets qui touchent le pays, cet exercice doit se faire avec la responsabilité et le sérieux nécessaire au rôle. Il est surprenant, voire aberrant, que M. Saleh Kebzabo, qui vous vous en rappelez a été plusieurs fois ministre, conditionne la tenue de la table ronde de Paris à des revendications politiciennes et partisanes", a martelé Mme Alingué.
Selon la porte-parole du gouvernement, le peuple tchadien n'est pas dupe et les partenaires qui ont toujours accompagné le Tchad de manière soutenue dans sa marche vers le développement, mesurent, eux, la réelle portée et l'importance d'un plan national de développement.
"En conséquence, le gouvernement tient à affirmer avec force et rigueur que rien n'empêchera la tenue de la table ronde les 6,7 et 8 septembre à Paris et garantit à cette occasion que toutes les dispositions sont prises face aux intentions et actions qui iront à l'encontre de l'intérêt supérieur de la Nation", a martelé la ministre de la Communication.
Le PND 2017-2021, a-t-elle rappelé, est un projet qui est le résultat d'un processus consultatif et participatif national qui met en œuvre la volonté et l'engagement des plus hautes autorités de la République de bâtir le développement du Tchad sur le long terme et qui répond aux aspirations du peuple tchadien.