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Tunisie/Remaniement: Youssef Chahed se veut à la tête d'un gouvernement de guerre

Xinhua | 09.09.2017 13h44

Le chef du gouvernement d'union nationale, Youssef Chahed vient de manœuvrer considérablement son cabinet avec un remaniement ministériel touchant à treize portefeuilles dont deux souveraines (Intérieur et Défense) et sept secrétariats d'Etat.

Dans l'attente de sa présentation à l'Assemblée des représentants du peuple pour vote de confiance, prévu pour lundi 11 septembre courant, le nouveau gouvernement tunisien semble être, selon Youssef Chahed lui-même, déterminé à combattre la corruption, une "bataille" que ce dernier a déclenché il y plusieurs semaines couronnée par l'interpellation d'une dizaine d'hommes d'affaires, cadres voire même un journaliste de renommée.

"La nouvelle composition fera du gouvernement d'union nationale un gouvernement de guerre lors de la prochaine étape (...), ce gouvernement poursuivra sa lutte contre le terrorisme, la contrebande, le chômage et la disparité régionale", a déclaré Youssef Chahed au Palais présidentiel de Carthage, dans la banlieue nord de Tunis, peu après sa présentation au président de la République Béji Caïd Essebsi du remaniement proposé.

La traduction de ces propos s'illustre bien dans le choix des ministères impliqués dans le remaniement. En effet, Youssef Chahed a laissé intacts les deux départements des Affaires étrangères et de la Justice alors que ceux, plus soucieux de la sécurité nationale, ont été remaniés.

"L'option pour le changement des sommets des deux ministères de l'Intérieur et de la Défense s'inscrit, vraisemblablement, dans le cadre d'une approche visionnaire du chef du gouvernement qui voudrait s'immuniser contre une sérieuse menace terroriste qui persiste encore", a confié à Xinhua Nizar Makni, expert tunisien en sciences politiques.

D'après lui, il s'agit d'une décision purement stratégique à la lumière d'une situation sécuritaire "explosive" à tout moment en Libye mais également, a-t-il appuyé, "vu la tentative de réorganisation de certains groupes djihadistes notamment Al-Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi) qui - suite à une série d'échecs en Tunisie, en Algérie et en Libye - opte pour une nouvelle codification dans leur plan d'action".

Une dernière chance pour éviter les risques d'une politique aventureuse

La nouvelle composition du gouvernement aura besoin de 109 voix favorables parmi les 217 députés de l'Assemblée des représentants du peuple (Parlement tunisien) pour espérer entamer officiellement sa mission.

La veille du remaniement qu'il le qualifie de "dernière chance", le président de la République tunisienne Béji Caïd Essebsi avait déclaré dans la presse locale que "l'actuel, tout comme les prochains gouvernements devraient rompre avec des stratégies pour les moins aventureuses".

"Nous sommes dans le temps additionnel (au sens péjoratif faisant référence à un terme utilisé dans le secteur sportif), le sauvetage demeure une question de vie ou de mort

d'autant que le nouveau gouvernement devra jouir d'un fort bouclier politique bien soudé afin de remplir sa mission, désormais des plus délicates notamment sur le plan économique", a martelé le chef d'Etat tunisien.

En effet, le gouvernement de Youssef Chahed est passé d'une composition de 26 ministres et 14 secrétaires d'Etat en août 2016 à celle de l'après-remaniement actuel soit 28 ministres et 15 secrétaires d'Etat.

"Les partis politiques influents ont réussi à influencer le choix du chef du gouvernement pour qu'il fait recours au quota politique en matière de répartition des portefeuilles à commencer par Nidaa Tounes (parti du président Essebsi, victorieux des dernières élections législatives) qui conforte sa présence gouvernementale avec 13 membres entre ministres et secrétaires d'Etat", a commenté Monia Arfaoui, spécialiste dans les affaires politiques tunisiennes.

Pour elle, le parti islamiste Ennahdha a bien préservé son poids de principal partenaire du parti Nidaa Tounes au pouvoir en gardant entre autres deux de ses dirigeants (dont le secrétaire général) au sein du staff de Youssef Chahed en l'occurrence, Zied Laadhari ministre de l'Investissement et Imed Hammami ministre de l'Industrie et des PME.

"Bien qu'il a gardé un certain équilibre dans les rapports de forces politiques dictés par le document de Carthage (charte de référence proposée par le président Essebsi ayant donné naissance à l'actuel gouvernement, ndlr), ce remaniement aura des auxiliaires négatives avec l'approche d'échéances électorales décisives dont les municipales de la fin 2017 et les législatives et présidentielle de 2019", a conclu Monia Arfaoui.

Le quota politique ne fera qu'engager l'avenir du pays dans l'absurde

Annonçant qu'il ne votera pas en faveur de la composition du remaniement, le Front populaire a haussé le ton suite à l'annonce de la dite composition en tant que principale alliance de l'opposition composée d'une dizaine de partis de gauche et qui se trouve en quatrième position au titre de nombre de députés soit 15 sièges après les blocs du parti islamiste Ennahdha (69 députés), parti présidentiel Nidaa Tounes (58 députés) et le parti "Projet de la Tunisie" (24 députés).

"Ce remaniement n'est autre qu'une redistribution des cartes au sein de l'alliance majoritaire au pouvoir avec la prévalence du quota politique", a indiqué le Front populaire dans un communiqué transmis à l'un des journalistes de Xinhua.

Selon le Front populaire, la sortie de la crise actuelle que connaît la Tunisie passe impérativement par l'instauration de tout un nouveau système politique fondé sur des choix économiques et sociaux innovés qui répondent mieux aux aspirations de la population et non pas à une classe politique.

"En permutant des départements ou encore en gardant des ministres échoués voire même corrompus pour intérêts politiques ne font que nourrir l'impasse et mener droit à un avenir inconnu sans omettre le fait de renouer avec des figures de l'ancien régime de Ben Ali", peut-on lire dans le communiqué.

L'économie, la priorité des priorités

Le chef du gouvernement Youssef Chahed a créé quatre nouveaux secrétariats d'Etat à vocation économique. Ce qui prouve, selon des analystes, son intention de mettre le dossier économique en tête de ses priorités lors de la prochaine étape.

D'un autre côté, Youssef Chahed a décidé de scinder en deux l'ancien ministère de l'Industrie et du Commerce, de lancer un poste de ministre chargé des grandes réformes en plus d'une certaine autonome accordée aux Domaines de l'Etat et des affaires foncières qui devient un ministère à part entière après avoir été annexée au ministère des Finances.

L'expert tunisien Nizar Makni se veut persuadé que l'un des faits saillants dans ce remaniement ministériel est la nomination d'un secrétaire d'Etat aux affaires étrangères chargé de la diplomatie économique, Hatem Ferjani, qui n'est autre qu'un dirigeant de Nidaa Tounes et son député pour la circonscription d'Allemagne ainsi que vice-président de

l'Assemblée des représentants du peuple (Parlement) chargé des relations extérieures.

Lui-même membre du parti présidentiel, Nidaa Tounes, le chef du gouvernement tunisien Youssef Chahed a tenté, d'après une majorité de commentaires locaux, d'émettre un message fort "à double face" à ses opposants pour ainsi dire, d'un côté, qu'il a pu trouver la couverture politique défaillante depuis son investiture il y a plus d'un an et, de l'autre côté, que sa "guerre" contre la corruption, l'extrémisme religieux, la contrebande et l'injustice sociale et régionale ne demeure en aucun cas abandonnable malgré les pressions émanant de parties influentes dans l'Etat.

(Rédacteurs :Wei SHAN, Guangqi CUI)
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