Dernière mise à jour à 09h02 le 20/09
La Cour suprême du Kenya publiera mercredi son verdict complet détaillant pourquoi elle a décidé d'annuler la victoire du président Uhuru Kenyatta lors du scrutin du 8 août.
Ce verdict très attendu, dont la publication était prévue mardi, sera disponible mercredi, selon la greffe du tribunal.
Toutefois, les juges ont dû apporter les dernières touches à la rédaction de leur verdict dans un état de siège mardi, sous le coup d'attaques de civils et de politiciens qui réclament des enquêtes sur certains juges et les accusent de faute grave dans le traitement de la requête contestant l'élection de M. Kenyatta.
Le Parti du Jubilé, parti au pouvoir dirigé par M. Kenyatta, a accusé la Cour de lui avoir refusé la victoire en agissant en complicité avec la Super-alliance nationale (NASA), alliance d'opposition.
En début de ce mois, M. Kenyatta a qualifié "d'escrocs" les quatre juges qui ont annulé sa victoire et promis de "remettre en ordre" cette institution s'il est réélu.
Mardi, des partisans du parti Jubilé ont campé devant la Cour suprême pour protester contre le verdict en défaveur de M. Kenyatta et appelé à la démission des juges.
"Nous ne quitterons pas cet endroit jusqu'à ce que les juges aient démissionné ou annulé leur décision. Ce tribunal ne devrait pas publier un verdict erroné", affirmait un homme portant une pancarte accusant la cour et demandant que M. Kenyatta soit déclaré président.
Lundi, un homme présumé partisan du parti Jubilé a déposé auprès de la Commission des services judiciaires une demande de limogeage de deux juges de la Cour suprême.
Ces deux juges de la Cour suprême comprennent le juge en chef de cette cour et un autre juge ayant voté l'annulation de la victoire de M. Kenyatta en raison des irrégularités et des éléments illicites qui ont affecté l'ensemble du processus électoral.
Mardi, la Commission des services judiciaires, organe dont les juges sont employés, a reconnu avoir reçu des requêtes à l'encontre du juge en chef de la Cour suprême, de son adjoint et du juge Lenaola.
Après une réunion avec la commission, le juge en chef David Maraga a déclaré que le pouvoir judiciaire défendrait son indépendance et ne permettrait pas d'attaques destinées à intimider les juges.
"Nous sommes prêts à payer le prix suprême pour défendre l'indépendance de la justice", a-t-il dit. "Nous n'autoriserons pas les attaques de politiciens ou de toute autre partie".
Les partisans d'opposition et d'autres analystes ont remis en question les attaques contre le pouvoir judiciaire, qualifiant ces procédures et ces manifestations de chantage sur les juges pour les empêcher de publier leur verdict complet.
L'avocat Otiende Amollo, représentant la NASA auprès de la Cour suprême lors de la requête demandant l'annulation des élections, a dénoncé l'hypocrisie du parti du Jubilé.
"Quand la Cour suprême rend un verdict en votre faveur, les juges sont fermes, quand elle rend un verdict contre vous, ils ne sont plus que des escrocs", a-t-il ironisé. "Jusqu'où poussez-vous l'hypocrisie ?"
De leur côté, les partisans de M. Kenyatta ont salué ces procédures et manifestations, estimant que la victoire leur a été volée par des juges favorables à l'opposition.
Le député du Jubilé, Ngunjiri Wambugu, a accusé l'opposition et la Cour suprême d'avoir effectué un coup d'État civil sous les yeux de M. Kenyatta.
"Si les élections n'ont pas lieu dans les 60 jours, M. Uhuru Kenyatta devrait prêter serment pour un second mandat présidentiel dès le 61ème jour", a-t-il dit.
Les analystes ont mis en garde que le Kenya est sur une voie dangereuse car des institutions majeures qui sont les piliers de la démocratie font l'objet d'attaques.
"Si le pouvoir judiciaire ou la Cour suprême sont détruits, vers qui les Kenyans se tourneront-ils pour contester les injustices ?", a souligné Henry Wandera, professeur d'économie. "C'est un mauvais précédent pour le pays, mais s'il y a des preuves que les juges ont été influencés, que la loi s'applique".