Bruxelles et Washington ont annoncé lundi quasi-simultanément leur décision de punir une vingtaine de hauts responsables russes et ukrainiens pro-Russie par des moyens diplomatiques et financiers, en vue d'entraver le rattachement de la Crimée à la Russie plébiscité à 96,6% par le référendum de dimanche dernier.
L'Occident, qui juge le référendum "illégal et illégitime", devait faire preuve de fermeté, et les sanctions sont tombées, sous forme d'interdictions de voyage et de gels d'avoirs, sur des responsables russes et criméens de haut rang tels que le vice-Premier ministre russe Dmitri Rogozine et la présidente du Conseil fédéral (chambre haute du parlement) Valentina Matvienko.
Le ton de l'Occident s'est adouci par rapport aux menaces initiales visant à punir la Russie pour "son intervention militaire et sa violation du droit international", et les sanctions annoncées s'avèrent plutôt "symboliques".
Selon des experts chinois en relations internationales, compte tenu des liens économiques et politiques étroits entre l'Occident et la Russie, l'Occident hésiterait encore à recourir à des sanctions plus importantes, une arme à double tranchant dans ce bras de fer avec la Russie.
"Si on dit que le montant des échanges commerciaux russo-américains reste faible, inférieur aux 40 milliards de dollars par an, ce n'est certainement pas le cas de l'Europe", a commenté M. Wu Dahui, directeur du Centre de recherche de la stratégie Euro-Asie à l'Université Tsinghua.
Puisque 40% des importations énergétiques des pays membres de l'UE proviennent de la Russie, Moscou a un large éventail de contre-mesures à sa disposition si l'Occident ose lui imposer des sanctions économiques sévères, a-t-il prévu.
Par ailleurs, politiquement, l'Occident a besoin de la coopération de Moscou pour résoudre d'importants problèmes internationaux, a souligné M. Wu Zhenglong, chercheur à la Fondation chinoise des études internationales.
"La Russie jouera un rôle irremplaçable au 3e sommet sur la sécurité nucléaire mondiale qui se tiendra le 24 mars à La Haye, aux Pays-Bas. Faute de coopération entre les Etats-Unis et la Russie, les pays possédant le plus grand nombre d'armes nucléaires, il serait inutile d'aborder la sécurité nucléaire internationale".
En outre, la coopération russe est également nécessaire pour l'Occident dans la gestion d'une série de dossiers délicats, tels que la crise syrienne, le nucléaire en Iran et sur la péninsule coréenne, a-t-il rappelé.
"Bien que le secrétaire d'Etat américain John Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov aient discuté de la crise ukrainienne pendant six heures à Londres sans déboucher sur aucun résultat, ils ont tout de même convenu de poursuivre leur dialogue. Cela explique pourquoi les noms de MM. Poutine et Lavrov n'ont pas été inclus dans la liste des responsables à sanctionner", a expliqué M. Wu.
Pourtant, l'atmosphère en Crimée reste tendue. L'UE a averti lundi Moscou que l'annexion de la Crimée et la destabilisation de la situation ukrainienne pourraient avoir de graves conséquences sur les relations entre l'UE et la Russie.
Mardi après-midi, Vladimir Poutine a signé un accord intégrant la République de Crimée et la ville de Sébastopol au territoire russe. Le gouvernement américain avait auparavant prévenu la Russie que des mesures punitives seraient prises contre Moscou si les militaires russes en Crimée ne retournaient pas à leurs casernes et si la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine n'étaient pas respectées.
La Chine est profondément préoccupée par l'évolution de la situation en Crimée, a indiqué mardi Hong Lei, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, lors d'un point de presse quotidien. "Nous appelons toutes les parties à faire preuve de retenue".
"Nous espérons que la question de la Crimée sera traitée et résolue de manière appropriée, le plus tôt possible, par la voie du dialogue politique et que les préoccupations raisonnables et les droits légitimes de toutes les parties seront respectés", a-t-il souligné.