Cinquante ans après l'établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine, le président chinois Xi Jinping arrive mardi en France pour amorcer "un nouveau cinquantenaire" de coopération, dans le cadre d'une visite d'Etat de trois jours en France.
En prélude à la visite qu'il entame mardi soir à Lyon et poursuivra mercredi et jeudi à Paris, le président de la République populaire de Chine s'exprime dans un article publié dans l'édition de mardi du quotidien français Le Figaro. A cette occasion, M. Xi défend le principe d'un "partenariat mutuellement profitable" avec la France, dans le respect du modèle de développement choisi par chacun.
Dans cette tribune intitulée "Entre la Chine et la France, un partenariat mutuellement profitable", le président chinois plaide pour l'approfondissement des relations politiques, économiques et culturelles entre la Chine et la France dans un esprit "gagnant-gagnant".
Voici l'intégralité de l'article :
Xi Jinping : "Entre la Chine et la France, un partenariat mutuellement profitable"
J'entame aujourd'hui une visite d'État de trois jours en France. Cette visite, qui intervient en ce cinquantenaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France, sera l'occasion pour moi d'une part de faire le bilan du passé et de célébrer l'amitié entre nos deux pays, d'autre part de construire l'avenir et de faire accéder nos relations à un nouveau palier.
L'initiative prise il y a cinquante ans par le président Mao Zedong et le général de Gaulle, avec une vision stratégique et un courage politique hors du commun, a permis la poignée de main entre les deux grandes nations que sont la Chine et la France. Elle a établi pour la communauté internationale un exemple de coexistence pacifique et de coopération «gagnante-gagnante" entre des pays aux systèmes sociaux différents et exerce jusqu'à aujourd'hui une influence aussi importante que profonde sur l'échiquier stratégique international.
Depuis cinquante ans, les dirigeants de nos deux pays ont toujours su garder une vision globale et un esprit d'indépendance pour faire du développement des relations sino-françaises une priorité diplomatique et créer un modèle d'interaction bénéfique entre grandes nations. Ainsi, la France, premier grand pays occidental à avoir établi avec la Chine nouvelle des relations diplomatiques au niveau d'ambassadeur, a aussi été la première parmi les puissances occidentales à avoir instauré avec elle un partenariat global et un mécanisme de dialogue stratégique.
Depuis cinquante ans, les deux pays ont mené une coopération pionnière dans de nombreux domaines, renforçant sans cesse la dimension stratégique de leurs relations. La France est le premier pays occidental à avoir engagé une coopération dans le nucléaire civil, signé un accord intergouvernemental en matière scientifique et technique et ouvert une ligne aérienne directe avec la Chine. Aujourd'hui, près de 60 vols font la navette entre les deux pays chaque semaine.
Depuis cinquante ans, les échanges humains et culturels entre les deux pays n'ont jamais cessé, contribuant à l'inspiration mutuelle entre nos deux grandes civilisations et rapprochant les cœurs des Chinois et des Français. La France, premier pays à avoir organisé des années croisées avec la Chine et à avoir procédé avec elle à la création réciproque d'un centre culturel, est aussi le premier grand pays occidental à avoir développé des échanges de la jeunesse avec la Chine. Cent mille jeunes Chinois apprennent actuellement le français. En France, de plus en plus nombreux sont ceux qui apprennent le chinois. Ils sont maintenant quarante-cinq mille et ce chiffre va croissant.
"À cinquante ans, on assimile bien les volontés du Ciel", disait Confucius. Le parcours des relations sino-françaises au cours des cinquante années écoulées nous offre bien des enseignements pour faire vivre cette amitié exceptionnelle et réussir notre pari du «gagnant-gagnant". Une conviction est partagée: le respect réciproque, la confiance mutuelle et la sincérité sont des conditions nécessaires au développement sain et stable de leurs relations ; si les relations sino-françaises sont toujours à la pointe des relations entre la Chine et les pays occidentaux, c'est parce que nous avons toujours su prendre l'initiative et évoluer avec le temps ; les relations sino-françaises ne pourront profiter durablement à nos deux peuples que si nous travaillons dans un esprit de bénéfice mutuel et de tolérance ; les valeurs que nous partageons comme l'indépendance et la recherche du consensus par-delà les divergences sont le fondement de notre coopération et de notre coordination dans les affaires internationales ; et la Chine et la France, dans leur quête de la paix et du développement de l'humanité dans un monde mouvementé, doivent nourrir ensemble l'ambition d'une relation solidaire et tournée vers le monde.
Les Chinois disent : "Il faut joindre l'action à la pensée", et les Français : "C'est en forgeant qu'on devient forgeron". Chacun souligne la nécessité de traduire les idées en actions. Au cours des trois jours à venir, j'aurai d'amples échanges avec le président François Hollande et d'autres dirigeants français, et nos deux pays publieront une nouvelle déclaration conjointe et un plan de coopération à moyen et long terme. Je suis sûr que nous parviendrons à de nouveaux consensus importants, et j'estime que la Chine et la France, liées par un partenariat global stratégique, sont appelées à travailler en collaboration dans un esprit de respect, de confiance et d'innovation et à continuer à donner l'exemple pour le développement des relations Chine-Union européenne (UE) et des relations Chine-Occident.
Toutes deux membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, la Chine et la France ont pour mission historique de préserver la paix et de promouvoir le développement partagé dans le monde. Elles ont la capacité et la sagesse de proposer de bonnes idées et solutions pour la construction d'un monde multipolaire, la démocratisation des relations internationales, le règlement pacifique des questions d'actualité internationale et la recherche commune d'une réponse aux défis planétaires, comme le terrorisme et le changement climatique.
Grandes économies du monde, la Chine et la France sont très complémentaires et partagent de larges intérêts communs. Il y a donc lieu pour elles de libérer pleinement leur potentiel de coopération, en approfondissant l'intégration des intérêts dans les secteurs de coopération traditionnels comme le nucléaire, l'aéronautique, l'aérospatiale et l'automobile - à travers la recherche et le développement conjoints, l'investissement conjoint et l'exploration commune des marchés tiers -, et en développant des projets phares dans les secteurs nouveaux comme l'agroalimentaire, la finance et le numérique.
La Chine et la France croient toutes deux à l'échange et à l'enrichissement mutuel des cultures. Elles rechercheront activement de nouveaux moyens de renforcer leurs échanges humains et culturels pour approfondir la compréhension entre leurs peuples. Elles continueront à organiser des activités festives et populaires pour célébrer le cinquantenaire de leurs relations diplomatiques, accroîtront l'échange d'étudiants et le flux des touristes dans les deux sens, et prendront de nouvelles mesures pour faciliter la circulation des personnes.
Actuellement, la Chine est entrée dans une nouvelle phase de développement, marquée par l'approfondissement de la réforme sur tous les plans et l'élargissement de l'ouverture sur l'extérieur. Elle œuvre à la réalisation des "deux objectifs centenaires" et du "rêve chinois" du grand renouveau de la nation à travers la promotion d'un nouveau modèle d'industrialisation, d'informatisation, d'urbanisation et de modernisation agricole. La France, elle, entreprend activement des réformes structurelles en faveur de la croissance, de la compétitivité et de l'emploi en vue de "réenchanter le rêve français". Tant que la Chine et la France, deux nations à l'esprit réformateur, saisiront les opportunités et se soutiendront mutuellement, leur chemin de coopération ira en s'élargissant et les relations sino-françaises marcheront vers un autre demi-siècle prometteur.
Avant de venir en France, je me suis rendu aux Pays-Bas, et j'irai ensuite en Allemagne, en Belgique et au siège de l'Union européenne. En effectuant une tournée de onze jours en Europe en ce début de printemps, j'ai voulu marquer toute l'importance que j'accorde à l'UE et aux relations sino-européennes ainsi que mon soutien sans réserve à l'intégration européenne. Actuellement, la Chine et l'Europe se trouvent toutes les deux dans une phase de développement cruciale, leurs relations ont devant elles de nouvelles opportunités. Elles doivent approfondir continuellement leur coopération mutuellement avantageuse dans les domaines tels que la finance, les infrastructures, l'urbanisation de type nouveau, les nouvelles énergies, l'innovation techno-scientifique, l'économie d'énergie et la protection de l'environnement, et accélérer les négociations en vue d'un accord d'investissement Chine-UE. Dans le même temps, il leur faut respecter chacune la voie de développement choisie par l'autre et gérer adéquatement leurs litiges commerciaux à travers un dialogue d'égal à égal et des consultations amicales, afin d'assurer un développement sain et régulier de leurs relations. Cela profitera non seulement aux peuples chinois et européens, mais également à la paix et à la prospérité du monde, et produira un impact important qui dépasse les relations Chine-UE, pour avoir une portée planétaire.
"À force d'échanges, les liens d'amitié se tissent et se renforcent". J'attends d'échanger de manière approfondie avec les autorités françaises et les amis des différents milieux pour trouver la voie du "gagnant-gagnant".