Le président chinois Xi Jinping est attendu en France, dans le cadre de sa première tournée en Europe occidentale depuis son entrée en fonction.
Cette visite revêt une signification particulière. Elle coïncide avec le cinquantenaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France. A cet effet, près de 400 manifestations culturelles, dont expositions, colloques, rencontres, spectacles et concerts, seront organisées en Chine comme en France, tout au long de cette année. Il s'agit également d'un "temps fort" pour élever à un nouveau niveau le partenariat stratégique global entre les deux pays, forgé il y a dix ans.
Les relations sino-françaises disposent d'une profondeur historique.
Le 27 janvier 1964, un bref communiqué est publié simultanément à Paris et à Beijing : "Le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République populaire de Chine ont décidé, d'un commun accord, d'établir des relations diplomatiques".
Ces quelques mots sont qualifiés à l'époque d'"explosion nucléaire diplomatique", alors que le monde, en pleine Guerre froide, était divisé en deux blocs inconciliables. Dès lors, les pays occidentaux ont, à l'instar de la France, commencé à revoir leur position d'isolement contre la Chine.
La décision "audacieuse", prise en commun par le général de Gaulle et le leader chinois Mao Zedong, a fait de la France la première puissance occidentale à établir des relations diplomatiques avec la nouvelle Chine. Désormais, la France occupe une place stratégique unique sur l'échiquier diplomatique de la Chine, et les relations sino-françaises jouent un rôle de premier plan dans les relations chinoises avec l'Occident.
Le temps passe vite. Cinquante ans après l'"explosion nucléaire diplomatique", qu'en est-il du développement des relations bilatérales ?
A en croire l'ambassadeur de Chine en France, Zhai Jun, qui vient d'organiser un point de presse à la veille de la visite du président chinois, le volume des échanges commerciaux d'aujourd'hui a multiplié de 500 fois par rapport à il y a 50 ans, tandis que le nombre moyen de déplacements du personnel entre les deux pays en un seul jour équivaut à celui cumulé en un an et demi au début des relations diplomatiques.
Forts de leur partenariat privilégié, les deux pays ont réalisé plusieurs collaborations "pionnières" dans le cadre de leur coopération qui s'étend à tous les domaines, au cours du demi-siècle écoulé. Les deux pays sont les premiers à avoir mené des échanges militaires dans les années 1970, entrepris la coopération nucléaire dans les années 1980, établi un partenariat global en 1997, et lancé le dialogue stratégique en 2001.
Côté échanges humains, les deux pays sont les premiers à avoir initié les années culturelles croisées Chine-France. Il y a dix ans, la Tour Eiffel drapée de "rouge chinois" ainsi que le défilé de mode des Chinois sur les Champs-Elysées restent toujours gravés dans les mémoires.
Si la décision historique d'établir les relations diplomatiques sino-françaises est considérée comme "stratégique", son importance tient toujours sa place aujourd'hui.
La Chine, deuxième économie du monde, a besoin de la France pour soutenir son processus d'approfondissement de réformes, tandis que la France, l'une des forces motrices de l'Europe, a besoin du marché chinois pour sortir du marasme qu'elle subit sous les effets combinés de la crise européenne de la dette et de la crise financière planétaire. Il existe donc de grands potentiel, opportunité et complémentarité dans leur coopération.
"Les secteurs nucléaire, aéronautique et ferroviaire constituaient trois atouts français dans les échanges économiques avec la Chine. Cependant, ces trois avantages sont de plus en plus concurrencés par les technologies chinoises et d'autres pays développés, par exemple le train à grande vitesse conçu par la Chine", a indiqué Zheng Ruolin, correspondant du journal Wen Hui Bao basé à Paris depuis une vingtaine d'années.
Conscient de ce décalage, le président français François Hollande a proposé trois nouveaux secteurs de coopération, à savoir l'agroalimentaire, la santé et les technologies liées au développement durable.
Concernant le nucléaire, un secteur dans lequel la France possède des atouts incontestables, les deux pays ont récemment décidé de travailler ensemble pour construire deux réacteurs EPR à Hinkley Point au Royaume-uni, ouvrant ainsi la voie à l'exploitation conjointe de ce marché tiers.
La production de véhicules "propres" étant un autre point fort de la France, la coentreprise sino-française Dongfeng Renault Automobile à Wuhan (centre de la Chine) pourrait s'attaquer à la production de véhicules "verts" comme les voitures électriques ou autres hybrides.
Côté écologie, le projet de "ville durable" lancé à Wuhan constitue un autre projet phare de l'axe sino-français. Une trentaine d'entreprises françaises s'y sont précipitées pour présenter "un forfait global" comprenant le traitement des eaux et des déchets, le chauffage urbain et les transports pour répondre aux préoccupations environnementales de la Chine.
Sur le plan de la gouvernance mondiale, la Chine et la France, toutes deux membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, ont également un rôle à jouer, que ce soit dans la lutte contre le terrorisme, la non-prolifération nucléaire, le maintien de la paix mondiale et la sécurité de la navigation internationale, ou la lutte contre les changements climatiques.
"A cinquante ans, j'ai bien assimilé les ordres du Ciel", a autrefois dit le philosophe chinois Confucius. La France et la Chine, ayant dépassé le cap du cinquantenaire, doivent également "assimiler les ordres" de la tendance de l'ère.
Par Huang Jian et Chen Junxia