Par Pierre Silverberg
"Cela fait 20 ans que je participe au festival du film de Venise et je dois dire que cette édition s'illustre par la quantité d'enfants présents dans les films". Tel est le constat que fait la critique cinématographique Manuela Paixos Redmont lors d'un entretien avec Xinhua à la Mostra de Venise.
Il est vrai que cette année les enfants ont illuminé de leur présence la 70ème édition du Festival de cinéma de Venise.
De "Miss Violence" à "Les terrasses" en passant par "Die Frau des Polizisten" et "Joe", les enfants ont tenu cette année des rôles forts et symboliques.
Depuis "Allemagne année zéro" réalisé par le père du néoréalisme italien Roberto Rosselini au sortir de la Seconde guerre mondiale, l'enfant a régulièrement endossé le rôle de la victime innocente de la folie des adultes. En effet, dans ce film tourné dans les rues dévastées de Berlin en 1947, on assiste pour la première fois dans l'histoire du cinéma au suicide à l'écran d'un enfant broyé par la folie de la guerre des adultes.
Ce rôle d'enfant victime de la folie des adultes était très présent dans la sélection des films en compétition cette année.
Dans "Miss violence" du Grec Alexandros Avranas, c'est bien simple, la musique d'ouverture du film n'est pas encore finie que la petite Angeliki de onze ans se jette dans le vide du haut de sa terrasse.
Plongée infernale dans la réalité d'une famille ou le père abuse de ses enfants et va jusqu'à les prostituer, le summum de la folie est atteint lorsque, en échange d'une signature au bas d'un document administratif, l'homme consent à prostituer sa petite-fille à un pédophile.
Au moyen de ce film dur, que le réalisateur grec a conçu comme une métaphore de la situation grave de crise dans laquelle vit son pays, il souhaite nous alerter: "Dans un contexte d'Europe en crise, je veux montrer un danger plus grand que la crise économique, c'est le danger de la perte des valeurs que celle-ci engendre". Dans ce film miroir d'une société victime d'abus de pouvoir, A. Avranas attribue au rôle de l'enfant une symbolique de victime innocente, conséquence de l'irresponsabilité des adultes.
Un autre rôle symbolique attribué cette année est celui de l'enfant porteur d'un avenir, que l'on souhaite meilleur.
Dans le film "Les terrasses" de l'Algérien Merzak Allouache, la seule personne qui semble normale et humaine est précisément une enfant qui décide de libérer son oncle enfermé par les adultes dans une cage sur la terrasse de son immeuble.
Lors d'un entretien exclusif avec le réalisateur, nous apprenons que pour lui "cet enfant représente l'avenir de l'Algérie" et il précise: "Plus de 80% de la population a moins de 20 en Algérie, pourtant tous les dirigeants ont 70 ans et plus et donc il y a une espèce de ras-le-bol et la population souhaite la démocratisation, la fin de la corruption et tout ça".
Mais l'enfant tient aussi le rôle de rédempteur, notamment dans le film "Joe" de David Gordon Green. Le rôle de Gary Jones, un jeune garçon de 15 ans victime de violence familiale, joué par Tye Jones, se lie d'amitié avec un ancien prisonnier, ensemble ils cherchent une échappatoire au cercle de la violence. La critique cinématographique Manuela Paixo Redmont explique que "dans le film, où la violence éclate souvent, le garçon est la source d'une forme de rédemption, ce qui éveille chez le protagoniste un cœur tendre et protecteur".
De même dans le film allemand "Die Frau des Polizisten" de Philip Gröning, la petite fille qui assiste à la violence croissante entre ses parents devient l'objet de toute l'attention de sa mère, qui incapable d'échapper à la violence qu'elle subit, consacre toute son énergie et son amour à sauver sa fille et à la protéger de la folie de son père.
Tous ces enfants présents cette année à la Mostra ont un rôle à jouer dans ces films sélectionnés qui à leur tour se veulent, dans certains cas, des miroirs de nos sociétés et nous transmettent un message. Mais parfois le cinéma se veut aussi un acteur de notre monde qu'il souhaite façonner pour un avenir meilleur.