Sébastien Roussillat a gagné la finale du concours « Pont vers le chinois », obtenant la consécration d'étoile du chinois. (photo fournie par l'auteur) |
SÉBASTIEN ROUSSILLAT, membre de la rédaction
Mon nom chinois est Ying Xiong, cela signifie « héros ». J'ai obtenu le titre d'étoile du chinois lors du concours 2011 de chinois pour les étrangers étudiant en Chine : « Pont vers le chinois ». Un documentaire sur mon parcours va bientôt être diffusé sur France Télévisions, la RTBF et la RTS.
Je suis allé en Chine pour la première fois en 2006, lors d'un voyage scolaire avec le lycée Zola de Rennes, où j'étudiais le chinois en troisième langue. J'avais alors 17 ans. J'avais choisi de faire du chinois parce que ma mère travaillant avec la Chine dans son métier de styliste m'avais soufflé que le chinois serait une langue d'avenir.
Mon premier voyage en Chine en octobre 2006, alors que j'entamais mon année de terminale, me laissa un souvenir très fort et me hanta toute l'année. Si bien que j'accueillis pendant quelques mois à la maison un lycéen chinois qui passait un an en France, dans le cadre de l'échange entre le lycée Zola et l'école des Langues étrangères de Jinan. Je décidai également de partir pour un voyage d'études après mon baccalauréat.
Cet ami chinois et sa famille m'ont aidé à aller en Chine, dans le Shandong, après l'obtention de mon bac. À 18 ans tout frais, en septembre 2007, je me retrouvai à Jinan pour faire une année d'études linguistiques. Je ne m'imaginais pas encore que ce voyage durerait jusqu'à aujourd'hui. Je suis diplômé de l'École normale du Shandong, j'ai obtenu une licence de chinois en 2011 et un master de pédagogie du chinois en 2013.
J'ai aujourd'hui 24 ans et je commence à travailler. On me demande de raconter ce qui a été un des tournants de ma vie en Chine : la quatrième édition du concours « Pont vers le chinois » pour étudiants étrangers en Chine.
Après avoir fini ma licence à l'École normale du Shandong, j'ai envisagé de rester en Chine pour faire un master et continuer ce que j'avais déjà commencé ici, c'est-à-dire étudier à fond le chinois et la culture chinoise. Une camarade de classe chinoise m'avait plusieurs fois parlé de ce concours de chinois pour les étrangers, dont elle suivait chaque année l'émission sur CCTV-4, mais cela ne m'avait pas intéressé plus que cela. Je n'aime pas la compétition, sauf celle avec soi-même, et surtout j'avais l'impression de ne pas avoir le niveau. Lors de mon arrivée en Chine en 2007, le concours en était encore à ses débuts et je balbutiais seulement le chinois.
Puis après quatre années en Chine à étudier, à rencontrer des amis, à faire du xiangsheng en amateur, à enseigner le français et à voyager, j'ai pensé que je pourrais essayer de me mettre à l'épreuve, pour voir où en était mon niveau de chinois finalement.
Poussé par mes professeurs de l'université, je m'inscris donc au concours, sans participer aux préparations organisées par l'université. J'étais en train d'écrire mon mémoire de licence et de donner des cours de français : je n'avais pas le temps.
Je fus sélectionné pour la finale de Beijing en août 2011, deux jours après avoir passé ma soutenance. J'étais heureux : je pouvais rester en Chine pendant l'été et j'avais une occupation intéressante.
J'utilisai donc les deux mois devant moi pour me préparer physiquement et psychologiquement à ce concours que je m'imaginais très rude et fatigant. Je n'y allais pas dans le but de gagner, mais dans le but de faire des rencontres et d'aller le plus loin possible pour m'amuser et me tester.
Pour cette édition, nous étions un peu plus de 5 000 candidats et après les premiers castings, nous n'étions plus que 100. J'étais déjà très honoré d'être parmi les 100 premiers étudiants retenus pour le concours.
Les deux semaines à Beijing furent éprouvantes, tant physiquement que moralement. D'abord, parce que les personnes venues du Shandong avec moi furent toutes éliminées, ce qui m'attrista. Ensuite, parce que le rythme du concours était bien plus soutenu que ce que j'avais imaginé. Après la conférence de presse et la première manche éliminatoire, ce fut une semaine longue et fatigante rythmée par les répétitions, les enregistrements, les épreuves parfois doubles lors d'une même émission et les réunions à minuit pour la préparation du concours le lendemain. Souvent couché à deux ou trois heures du matin, j'étais obligé de faire des siestes dès que j'en avais le temps pendant les répétitions et une demi-heure avant l'enregistrement, après le maquillage pour être frais pendant le concours.
Je n'étais pas excité par ce concours, ni grisé par mes victoires, car une victoire insinuait que le jeu continuait et qu'il fallait encore tenir. Mes amis présents me soutenaient. Certains candidats après leur élimination avaient fait de moi leur mascotte et m'offraient des cadeaux comme un insigne ou des choses à manger et à boire. J'étais heureux de voir qu'ils ne gardaient aucune rancœur de leur élimination et cela me donnait envie d'aller le plus loin possible pour eux.
La veille de la finale, celui que je considère comme mon « grand frère » chinois, Liu Wei, est venu spécialement à Beijing après son tournage de série télé. Il m'a aidé à préparer la finale, m'entraînant pour la danse d'ouverture de l'émission. Et surtout, avec lui et d'autres amis candidats du concours, j'ai pu me détendre dans un restaurant de brochettes la veille de la finale. À trois heures du matin, personne n'était couché, tout le monde voulait profiter de cette dernière soirée, car la soirée du lendemain serait très entamée par l'enregistrement de la finale et le dîner de gala.
Le gala de la finale en direct était un enregistrement très stressant, répété à maintes reprises, à raison d'une voire deux fois par jour. C'était très éprouvant. Notre passage sur scène n'était pas très long, mais décisif, puisque nos notes avaient été remises à zéro et que nous allions nous départager en trois étapes. Après la troisième épreuve de la finale, tout se jouait entre la candidate coréenne Yu Youting et moi : suite à une série de vingt questions sur la culture chinoise, je remportai la finale et le titre d'étoile du chinois. Le prix me fut remis par le vice-ministre de l'éducation et le vice-ministre des télécommunications. Je remerciai ma famille, mes professeurs de chinois, mes professeurs de l'École normale, les amis et tous les gens qui m'avaient supporté sur Internet et chez eux. J'étais heureux d'avoir passé cette épreuve et de pouvoir enfin rejoindre tout le monde le soir pour prendre le temps de me détendre enfin.
Le retour dans le Shandong ne fut pas reposant puisque dès le lendemain de mon retour, je fus accueilli à l'école par les dirigeants, mes professeurs, camarades et la presse. Je donnai des interviews filmées et participai à une émission de la chaîne Qilu le soir.
Le concours me permit de me faire connaître. Des gens m'envoyèrent des livres, des lettres d'encouragement, des cadeaux. J'eus la chance de participer à une émission de CCTV-1 par la suite, de participer à une émission spéciale pour la fête du Printemps sur CCTV internationale, d'être invité à enregistrer une émission en Argentine pour la chaîne du Zhejiang et d'être présentateur des castings et membre du jury lors de la cinquième édition. Avec Omar, le gagnant de la deuxième édition, je remontai sur scène pour présenter un xiangsheng, ce que je n'avais pas fait depuis presque trois ans. La même année, je fus également interviewé pour une édition spéciale de La Chine au présent sur les étudiants étrangers en Chine, et c'est ainsi que j'ai trouvé un travail et que je peux vous présenter une partie de mon parcours en Chine aujourd'hui.
En France, mon parcours a été relaté dans un article du Ouest-France quelques mois après mon retour dans l'Hexagone pour les vacances, et en février sortira un documentaire réalisé par Pierrick Guinard sur France 3, la RTBF et la RTS.
Ne recherchant pas les gloires médiatiques ni l'exposition, j'espère avoir la chance de continuer à travailler en Chine, peut-être même d'y fonder une famille, et qu'en plus de parler chinois et français, mes enfants pourront, grâce à ma petite amie ukrainienne, parler russe et ainsi être de notre époque, qui se veut résolument internationale et ouverte sur le monde.