Dernière mise à jour à 15h08 le 25/05
M. Gérald CIOLKOWSKI avec son vélo |
En France, on est nombreux à se représenter la ville de Beijing avec un nombre incalculable de vélos fourmillant dans les rues de la capitale chinoise. Notre mémoire a sans doute été marquée par le film "Beijing Bicycle", du réalisateur Wang Xiaoshuai, sorti en 2001 et qui a connu un grand succès en France et dans lequel on pouvait découvrir l'étendue de la ville et les déboires d'un livreur à vélo. Avec au minimum deux vélos par foyer, les Pékinois sont aujourd'hui très nombreux à pédaler sur les grandes artères de la mégapole. Ils peuvent profiter des 50.000 vélos de location disponibles dans la ville pour leurs déplacements et doivent se frayer un chemin parmi les 5 millions de voitures faisant partie du paysage urbain. Malgré les embouteillages et la pollution générée par les grosses cylindrées, les Pékinois ont bien compris que la petite reine était le meilleur moyen de se déplacer et se rendre au travail. C'est aussi ce que j'ai vite compris dès mon arrivée dans l'agglomération en septembre 2015.
Chaque matin, j'étais impressionné par le nombre de vélos et la cacophonie des dizaines de sonnettes et klaxons dans le quartier de Niujie, où je me suis installé. Un matin, au détour d'une rue, mon regard s'arrêta sur un vélo noir garé sur un trottoir. Avec un look rétro, et doté d'une selle en cuir orange et de l'emblème d'un oiseau jaune, rouge et vert sur la fourche, je fus interpelé par sa beauté et son élégance. Avec un cadre en métal noir et épuré, un drôle de guidon et des poignées de frein atypiques, il n'avait pas l'air très jeune, mais avait traversé le temps sans prendre une ride. Il m'a immédiatement rappelé les vélos hollandais que les Parisiens s'arrachent à prix d'or et qu'ils conduisent avec style dans la capitale française. Après quelques recherches sur Internet, j'ai retrouvé la trace de ce vélo de la marque mythique Phoenix et avec l'aide d'un ami, j'ai réussi à en commander un en ligne pour 500 yuans. J'avais enfin un vélo dont le slogan de la marque affirmait :"Le meilleur choix, au lieu de marcher". Et c'était vrai! Les premières sensations furent fantastiques : le vélo était rapide et confortable, et son allure attirait les regards. Je survolais le bitume à vive allure!
J'ai été très vite passionné par l'histoire de cet objet hors du commun. Il y en aurait plus de 500 000 en circulation dans le monde. Sa robustesse n'est plus à prouver, tant les anciens vélos de la marque pullulent à Beijing et tiennent toujours solidement sur leurs deux roues. Il y a quelques décennies en Chine, un homme devait même posséder un vélo Phoenix s'il souhaitait épouser une femme. Cette bicyclette lui permettait de montrer sa stabilité financière, alors qu'à l'époque, il fallait économiser un an pour s'offrir un tel vélo. Aussi, ce vélo fut utilisé dans les relations diplomatiques : un vélo Phoenix était souvent offert par la Chine aux dirigeants étrangers. Cette marque est donc devenue très célèbre partout dans le monde et a reçu de nombreux prix. Aujourd'hui, l'entreprise, basée à Shanghai, doit rivaliser avec les nouveaux constructeurs de vélos et répondre aux goûts du public qui ont bien changé. Phoenix, qui a connu ses débuts dans les années 1960, a donc fait évoluer son offre et propose des vélos modernes et tout terrain. La société exporte désormais ses vélos dans plus de trente pays.
Chaque matin, et plusieurs fois dans la journée, quand les Pékinois aperçoivent mon vélo Phoenix flambant neuf dans la rue, ils sont étonnés et commencent immédiatement à me parler avec un grand sourire aux lèvres en le parcourant des yeux dans les moindres détails. Ils me disent qu'il leur rappelle leurs souvenirs d'enfance, et les balades faites avec leur grand-père quand ils n'avaient que 5 ou 6 ans et que celui-ci rentrait de l'usine au guidon d'un Phoenix. Je peux alors observer l'émotion dans leurs yeux, comme si ce vélo leur permettait subitement comme une "madeleine de Proust à deux roues", de remonter le temps et de revivre leurs jeunes années.
À noter : le contenu de ce texte n'engage que son auteur et non Xinhuanet. Si vous avez vécu des expériences intéressantes en Chine ou si vous souhaitez partager vos points de vue originaux sur la culture chinoise et les échanges sino-français, n'hésitez pas à nous envoyer votre article par e-mail à : xinhuanet_french@news.cn. Une rémunération est prévue, une fois l'article publié.
Par Gérald CIOLKOWSKI