Dernière mise à jour à 11h25 le 02/12
A travers sa dernière toile "Cri de douleur à Nanjing", qui sera dévoilée à l'approche de la journée nationale chinoise de mémoire des victimes du massacre de Nanjing (13 décembre), l'artiste peintre français Christian Poirot veut contribuer au travail de mémoire pour les "femmes de réconfort", réduites en esclavage sexuel par les Japonais durant la Seconde Guerre mondiale, a-t-il expliqué lors d'un entretien accordé à Xinhua à son domicile en Alsace (est de la France).
"J'ai créé ce tableau intitulé 'Cri de douleur à Nanjing' pour attirer l'attention de la communauté internationale sur les actions de certains pays qui tentent par tous les moyens de rayer les pages sombres de leur histoire. Le travail de mémoire au sujet des 'femmes de réconfort' ne fait que commencer. J'espère que ma toile y contribuera", a expliqué l'artiste.
"Je n'aime pas cet euphémisme 'femmes de réconfort' utilisé pour désigner les victimes, très souvent mineures, parfois très jeunes, du système d'esclavage sexuel de masse organisé à travers l'Asie par et pour l'armée et la marine impériales japonaises, en particulier durant la Seconde Guerre mondiale", a insisté l'artiste.
Le terme a été créé par les autorités militaires japonaises pendant la guerre. "Ces femmes ont été raflées par l'armée impériale japonaise pour servir de prostituées dans le cadre d'une politique systématique justifiée par les autorités japonaises", a rappelé le peintre français.
"En juin 2017, grâce à mon ami Monsieur Zhang Jianjun, le curateur du mémorial de Nanjing, j'ai pu peindre dans le musée dédiée aux femmes de réconfort qui a été créé sur le site même d'un bordel militaire japonais, à l'allée Liji", a-t-il raconté. "Je me suis immergé dans cet endroit qui vous glace le dos, où on a l'impression que les murs pleurent, comme si les larmes des femmes qui y ont été enfermées coulent encore, où j'étais assailli par des émotions violentes", a-t-il décrit.
"J'ai visionné un très grand nombre de vidéos, écouté des témoignages, observé avec attention la large collection d'objets qui est exposée au musée. Et je me suis imaginé, autant que possible, l'horreur qu'ont vécue ces femmes arrachées à leur famille pour être réduites en esclavage sexuel par les Japonais. Sans compter ce qu'elles ont enduré après la guerre, psychologiquement détruites, et vivant dans la peur de l'opprobre", a ajouté le peintre.
"Ce tableau, en raison de son sujet tragique, a été difficile à réaliser", a confié l'artiste. "J'ai été plongé dans tout un mélange de sentiments, allant du dégoût à la haine, la rage, la honte aussi (...) face à ce crime contre l'humanité", a-t-il poursuivi.
Christian Poirot peint ses personnages dans un style non réaliste, mais profondément expressif. Les formes des personnages sont fragmentées, montrant parfois des images dans les images. "Ce style à géométrie fractale peut dérouter le public, mais c'est aussi cela le travail de l'artiste : interpeller, parfois choquer, s'insurger contre la culture du silence et contribuer à réveiller les consciences", a commenté le peintre.
Pour le 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, Christian Poirot avait réalisé une toile poignante aux dimensions impressionnantes sur le massacre de Nanjing intitulée "Délivrance", qu'il a offerte au mémorial de Nanjing. Pendant plus de six semaines, du 13 décembre 1937 au janvier 1938, plus de 300.000 civils chinois ont péri aux mains des envahisseurs japonais.
Même si le nombre exact de victimes est encore difficile à évaluer en raison de l'absence d'un recensement précis, il est établi que plusieurs centaines de milliers de femmes d'Asie, dont un très grand nombre de Chinoises, ont été forcées à devenir "femmes de réconfort" durant la guerre. Seules 14 d'entre elles sont encore vivantes en Chine, après la mort d'une personne âgée de 90 ans en août dernier.