Dernière mise à jour à 13h46 le 31/07
L'ancien premier ministre de la France Jean-Pierre Raffarin a apporté son soutien à l'idée phare du président chinois Xi Jinping selon laquelle une plus grande coopération entre les nations est le seul moyen de résoudre les problèmes du monde.
L'ancien homme d'État, qui se rend régulièrement en Chine, estime que le concept de « communauté de destin pour l'humanité » offre un nouvel espoir à ceux qui craignent un retour du protectionnisme tel qu'il existait dans les années 1930.
« Cet objectif fondamental formulé par Xi Jinping, qui consiste à bâtir une communauté de destin pour l'humanité, est quelque chose que nous pouvons tous partagés », soutient-il.
« C'est une idée étroitement liée au principe du multilatéralisme. Le fait que nous ayons en commun un destin partagé signifie que nous avons besoin d'une gouvernance multilatérale. »
M. Raffarin, qui s'exprimait en marge d'un évènement organisé par la China Europe International Business School à Shanghai, a déclaré que l'initiative « la Ceinture et la Route » avait à elle seule un rôle important à jouer pour amener les pays participants à travailler les uns avec les autres.
« Si la Chine lance ces initiatives qui sont basées sur la coopération, c'est parce que la coopération est bel et bien la clef pour résoudre les tensions qui existent dans le monde et qu'il s'agit du bon chemin pour trouver un équilibre », explique-t-il.
« Nous devons bâtir cette coopération équilibrée afin d'avoir une meilleure gouvernance mondiale. »
M. Raffarin, qui a été premier ministre de 2002 à 2005 sous la présidence de Jacques Chirac, considère que l'escalade des tensions commerciales déclenchée par le président des États-Unis Donald Trump présente un risque majeur pour la croissance économique mondiale.
« Nous ne considérons pas cette situation comme une simple bisbille entre les États-Unis et la Chine mais nous constatons que les Américains ont adopté une position unilatérale pour changer le fonctionnement du commerce international. Cela met non seulement en danger la croissance mondiale mais aussi celle des États-Unis », soutient-il.
« Je ne crois pas que quoi que ce soit de positif puisse sortir des tensions actuelles. Le commerce international en sera la première victime », ajoute-t-il.
Jean-Pierre Raffarin considère que les actuelles tensions commerciales rendent plus important que jamais le partenariat stratégique global entre la Chine et l'UE, dont nous fêtons le 15e anniversaire cette année.
« Le lien transatlantique entre les États-Unis et l'Europe n'est plus ce qu'il était, et peut-être que le président Trump souhaite saboter cette priorité historique pour les Occidentaux, » affirme l'ancien premier ministre.
« Aujourd'hui, nous constatons que la priorité glisse progressivement vers l'Orient. »
« [L'Orient et l'Occident] ne sont pas encore au même niveau, mais il ne fait pas de doute que certains en Europe pensent que nous devrions regarder davantage vers l'est, que nous ne regardons pas suffisamment vers l'est. »
Selon M. Raffarin, la Chine a démontré une approche plus constructive quand elle était confrontée à des tensions commerciales, comme peuvent en témoigner les propos tenus par Xi Jinping lors du Forum de Bo'ao à Hainan en avril dernier quand il affirmait que la Chine était prête à s'ouvrir davantage aux investisseurs étrangers.
« On voit bien qu'avec le discours du président Xi lors du Forum de Bo'ao et qu'avec l'organisation de la première Foire internationale d'import en novembre [à Shanghai], la Chine veut laisser sa porte ouverte et l'ouvrir même un peu plus encore. »
Jean-Pierre Raffarin estime également que le reste du monde doit tirer des leçons de l'ouverture telle qu'elle a été mise en œuvre avec succès par Deng Xiaoping quand il a initié ses réformes, dont on fête cette année le 40e anniversaire.
« Un pays comme la France a besoin d'une politique de réforme et d'ouverture, tout comme un grand nombre d'autres pays. Le monde évolue rapidement et nous avons tous besoin de réforme.
« Ce que Deng Xiaoping a initié en Chine revêt aujourd'hui une grande importance pour le reste du monde », explique-t-il.
Pour M. Raffarin, l'Occident a déjà compris l'importance des réformes de Deng Xiaoping.
« Je pense vraiment que les Occidentaux comprennent cet évènement, même s'ils n'en connaissent pas tous les détails. L'Occident a conscience de l'incroyable puissance, qu'elle soit intellectuelle, technologique ou scientifique, dont la Chine a fait preuve pour retrouver sa place initiale en tant que puissance mondiale. »
Selon M. Raffarin, la relation qu'entretien la France avec la Chine a toujours été très importante politiquement sur le plan intérieur.
Deng Xiaoping et l'ancien premier ministre Zhou Enlai ont tous deux étudié en France après la première guerre mondiale, et Paris a rétabli ses relations diplomatiques avec Beijing dès 1964.
« C'est un point sur lequel il existe un consensus partagé par tous les leaders politiques en France, et nous le constatons aujourd'hui avec Emmanuel Macron et la nouvelle génération qui arrive », explique-t-il.
Pour M. Raffarin, la coopération dans le domaine scientifique et technologique est quelque chose de très important pour la France et la Chine, et en effet, les deux pays nourrissent des ambitions dans des secteurs d'avenir comme celui de l'intelligence artificielle.
Jean-Pierre Raffarin soutien la vision du président Emmanuel Macron sur une Europe plus fédérale, malgré les nombreuses difficultés actuelles, comme le scepticisme d'un certain nombre de pays membres de l'UE, les tensions militaires aux frontières de l'Europe, ou encore les problèmes d'immigration.
« Le général de Gaulle, qui est encore à ce jour une source d'inspiration pour les hommes et femmes politiques français, disaient que c'est à l'épreuve des circonstances que sont prises les décisions. La proposition du président Macron, qui consiste à vouloir une Europe plus unie avec une gouvernance resserrée autour de la zone euro, sera renforcée par les évènements qui vont se produire », soutient M. Raffarin.
Selon lui, avec la sortie programmée du Royaume-Uni de l'Union européenne en mars, ce sera l'occasion pour Paris de s'emparer d'une partie des activités financières de la City de Londres.
« Nous avons déjà un certain nombre de flux financiers qui se réorientent vers Paris. Nous sommes actuellement en discussion avec Shanghai par exemple pour renforcer notre position par rapport à la Chine », rapporte M. Raffarin.
L'ancien premier ministre estime qu'il est important pour les pays européens de travailler avec la Chine, en particulier dans le cadre d'initiatives comme celle de « la Ceinture et la Route ».
« La BRI [Belt and Road Initiative] est une initiative à laquelle la France souscrit entièrement. J'en veux pour preuve la participation de notre pays à la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures et au Fonds de la Route de la soie, pour lequel nous venons de signer notre premier accord à Paris », ajoute-t-il.